Ce jour-là, près de 80 élèves du Collège Saint Michel étaient réunis pour l’accueillir à l’initiative de deux élèves responsables du groupe Amnesty du collège.
Très touchées par leur rencontre dans nos bureaux, un mois plus tôt, avec Teodora del Carmen Vásquez, Amélia et Floriane, les deux responsables du groupe Amnesty du collège, ont décidé d’organiser dans leur école une rencontre avec Yves Makwambala afin de permettre aux autres élèves d’entendre le témoignage d’une personne soutenue par Amnesty et d’échanger avec elle.
Pendant une heure, tous ces élèves de différentes classes, venus rencontrer Yves Makwambala sur le temps de midi, ont pu l’écouter raconter son histoire, sa détention et discuter avec lui.
Rappelle-toi
Yves Makwambala et Fred Bauma, sont ces deux militants congolais du mouvement citoyen Lucha et du mouvement de jeunesse Filimbi, accusés de « trahison, tentative de coup d’État et tentative d’homicide sur un chef de l’État » alors qu’ils appelaient seulement de manière pacifique à des changements pour la jeunesse congolaise.
Yves Makwambala faisait partie des individus en danger mis en avant dans le cadre de notre marathon d’écriture de lettres « Écrire pour les droits » en 2016. Il a été libéré avec Fred Bauma en août 2016.
Yves Makwambala avait déclaré à sa sortie de prison : « Chaque lettre, chaque visite, chaque mot nous a rendus plus forts et a renforcé notre détermination à mener cette longue mais juste bataille pour la liberté et la démocratie. Merci encore. »
En octobre 2016, de passage en Belgique, Fred Bauma avait tenu à rencontrer les personnes et notamment les jeunes qui lui avaient donné du courage et de l’espoir pendant sa détention.
À présent, c’est au tour de Yves Makwambala d’aller à la rencontre des élèves de Bruxelles pour échanger avec eux et témoigner de son parcours et de son engagement.
Retour sur sa rencontre avec près de 80 élèves fin mai 2018 à Bruxelles
Lors de cette rencontre, les élèves du Collège Saint Michel ont eu l’occasion de lui poser des questions sur l’origine de son engagement, sur ses actions, sur ses conditions d’emprisonnement, ou encore sur son futur.
Yves leur a notamment raconté l’origine de la création du mouvement Lucha.
« Le mouvement Lucha est né car, à un moment donné, les jeunes de République démocratique du Congo se sont dit qu’il était temps de stopper ce cycle de violences à répétition. Ils ont voulu changer la donne en créant un mouvement politique et non violent afin de pousser la population à prendre possession de sa force. »
« Concrètement, au sein de La Lucha, on menait des actions de sensibilisation à destination de la population pour qu’elle se rende compte de son pouvoir si elle se levait et se mobilisait. On menait aussi avec toutes les personnes mobilisées des actions à destination des autorités. On interpellait les autorités en leur rappelant leurs obligations et leurs responsabilités. »
« Par exemple, on a sensibilisé les habitants de la ville de Goma au problème de l’accès à l’eau potable et grâce à la mobilisation de la population de Goma qui a fait valoir ses droits, la ville de Goma a pu avoir accès à l’eau potable. »
Il a également parlé des circonstances de son arrestation et de ces conditions de détention.
« Le 15 mars 2015, le jour de mon arrestation et de celle de Fred, nous avions décidé de lancer officiellement une nouvelle plateforme citoyenne non partisane réunissant tous les mouvements citoyens. Nous l’avons appelée "Filimbi", ce qui veut dire "coup de sifflet" en swahili. On souhaitait faire comme d’autres mouvements citoyens qui existaient dans d’autres pays d’Afrique, Y en a marre au Sénégal ou le Balai citoyen au Burkina Faso, et avaient réussi à sensibiliser un grand nombre de citoyens et à faire bouger les choses mais à la fin de la conférence de presse, des agents de l’ANR (l’agence nationale de renseignements) ont débarqué et ont commencé à arrêter des tas de personnes. Fred et moi avons été arrêtés ce jour-là. »
« En principe, la loi prévoit que l’ANR peut détenir des personnes pendant deux jours maximum. Dans mon cas, j’ai été détenu pendant plus de 40 jours par l’ANR sans avoir droit à aucune visite avant d’être transféré dans une grande prison. J’y suis plus resté plusieurs mois avant d’être libéré le 26 août 2016 sans avoir été jugé. »
« Mes conditions de détention étaient très pénibles au début. J’étais enfermé dans un cachot, par terre. Je n’avais aucune information. Je n’avais droit qu’à un bol de riz par jour (on me donnait un bol de riz à 15h et on ne m’en donnait pas d’autre avant 15h le jour suivant. »
Il a aussi parlé de l’impact de la mobilisation dans le monde entier des activistes en sa faveur.
« Quand j’étais détenu au début, je ne savais pas que des gens à l’extérieur, dans le monde entier, se mobilisaient pour réclamer notre liberté à Fred et moi. On l’a su plus tard, quand on était en prison. C’était le plus important pour nous : de savoir que des gens adhéraient à notre cause, nous écrivaient et nous soutenaient. »
« Aujourd’hui je suis libre mais les charges qui pèsent contre moi n’ont pas été abandonnées, je risque jusqu’à 15 ans de prison ou la peine de mort. »
« Pourtant, même si les charges qui pèsent contre nous n’ont pas été abandonnées, on continue avec Fred à militer. Je continue à être actif au sein de la cellule communication de La Lucha en relayant notamment des informations sur les réseaux sociaux et en travaillant sur le site web de La Lucha. C’est important pour moi d’informer les gens pour qu’il puisse agir. »
« Le message que j’ai envie de faire passer à des jeunes comme vous, c’est de vous dire que l’engagement citoyen c’est essentiel, il faut s’engager en faveur du respect des droits humains, il faut dénoncer les violations des droits humains car elles sont inacceptables ! Il y a une phrase que j’aime bien, c’est : ’le désespoir précède le chaos’. Je pense qu’il faut rester positif, cela ne sert à rien le désespoir, cela nous fait que reculer, il faut justement garder espoir et se rappeler que notre voix peut changer les choses. »
Que peux-tu faire pour les prisonniers d’opinion ?
Comme Fred Bauma et Yves Makwambala, de nombreux prisonniers d’opinion sont emprisonnés pour avoir prôné la démocratie et exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion, c’est pourquoi Amnesty continue à lutter pour faire valoir ces droits humains et encourage chaque jeune à prendre 2 minutes de son temps pour faire la différence dans ce combat quotidien.
Tu veux, toi aussi, écrire une lettre, un message ou faire un dessin pour défendre des personnes victimes de violations de leurs droits humains ?
Agis grâce au marathon d’écriture « Écrire pour les droits », qui se déroule de janvier à juin ou bien en utilisant tout au long de l’année nos cartes-actions en faveur d’individus en danger.
Pour retrouver toutes les infos sur « Écrire pour les droits »
Notre prochaine édition d’« Écrire pour les droits » débutera au mois de janvier 2019. Le nouveau matériel pour cette action sera disponible à partir de la fin du mois de décembre 2018.