260 000 réfugiés Somaliens mis délibérément en danger

Une décision de justice rendue le 9 février a porté un coup d’arrêt au projet de fermeture du camp de réfugiés de Dadaab voulu par les autorités kenyanes. Celles-ci doivent désormais veiller à ce que ce jugement soit respecté et à ce que les personnes réfugiées somaliennes ne soient pas renvoyées dans leur pays ravagé par la guerre.

En annonçant en 2016 leur volonté de fermer Dadaab, le plus grand camp de réfugiés du monde, le gouvernement du Kenya a semé un sentiment de peur et d’angoisse parmi les plus de 250 000 réfugiés somaliens installés dans ce camp. Certains ont alors pensé qu’ils n’auraient d’autre choix que de retourner en Somalie, pays très instable et dans lequel il y a notamment des risques d’enlèvement et d’enrôlement de force d’enfants dans des groupes armés. Une communauté internationale absente Le manque chronique de soutien de la communauté internationale au Kenya, qui accueille des réfugiés depuis plusieurs décennies, a contribué à la décision du gouvernement de fermer le camp de Dadaab. À de nombreuses reprises, la communauté internationale ne s’est pas montrée à la hauteur des demandes de financement faites par le gouvernement kenyan et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Elle n’a en outre pas réinstallé suffisamment de personnes réfugiées depuis le Kenya vers d’autres pays. Une décision qui va dans le bon sens mais... Le 9 février, la Haute Cour du Kenya a estimé que la fermeture du camp était anticonstitutionnelle et que le fait de cibler les réfugiés somaliens constituerait un acte de persécution et serait illégal et discriminatoire. Cependant, le gouvernement kenyan a déclaré qu’il ferait appel de cette décision. Les réfugiés somaliens risquent donc toujours d’être renvoyés de force vers la Somalie. Le gouvernement du Kenya doit respecter son (…)

Le dernier rapport d’Amnesty International, intitulé “Nowhere else to go. Forced returns of Somali refugees from Dadaab refugee camp, Kenya” révèle les conditions de la fermeture imminente du camps de réfugiés de Dadaab. Ce rapport est publié deux semaines avant le 30 novembre, date de la fermeture du camp de réfugiés de Dadaab annoncée depuis mai 2016, dans lequel se trouvent plus de 260 000 réfugiés somaliens. La fermeture du camp avait ensuite été reportée au mois d’avril 2017 mais nos craintes demeurent toujours fondées.

Le 9 février, la Haute Cour du Kenya a estimé que la fermeture du camp était anticonstitutionnelle et que le fait de cibler les réfugiés somaliens constituerait un acte de persécution et serait illégal et discriminatoire. Cependant, le gouvernement kenyan a déclaré qu’il ferait appel de cette décision. Les réfugiés somaliens risquent donc toujours d’être renvoyés de force vers la Somalie.

Le gouvernement du Kenya doit respecter son obligation de protéger les réfugiés somaliens fuyant les conflits. Quant à la communauté internationale, elle doit soutenir le Kenya pour trouver de nouvelles solutions durables, passant notamment par l’intégration de réfugiés au Kenya et la réinstallation d’autres réfugiés dans d’autres pays.

Le 25 mars, lors d’un sommet spécial de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) consacré à la question des réfugiés somaliens, le président Uhuru Kenyatta et d’autres dirigeants de la région se sont engagés à préserver les conditions d’asile et à renforcer la protection de ces réfugiés. Ces engagements vont dans la bonne direction. Il faut maintenant veiller à ce qu’ils se concrétisent en actes.

Une décision aux conséquences terribles

Cette décision aurait été prise suite à des considérations sécuritaires, économiques et environnementales outre une absence de soutien de la part de la communauté internationale. Depuis lors, des représentants du gouvernement ont fait des déclarations dans les médias et se sont rendus dans le camp, menaçant les résidents afin de les faire partir avant la date de fermeture.

La vie est très dure pour les réfugiés à Dadaab. L’aide humanitaire, notamment les rations alimentaires, a été réduite.

Les autorités kenyanes ont clairement fait savoir qu’elles voulaient que les réfugiés retournent en Somalie, mais leur ont donné des informations trompeuses sur la procédure de retour. En n’offrant aucune autre solution que le retour en Somalie, le gouvernement force les réfugiés à quitter le Kenya.

En effet, aucune autre alternative n’est proposée aux réfugiés somaliens que le retour en Somalie. Seuls 25% d’entre eux ont exprimé la volonté de rentrer en Somalie. Parmi les raisons citées pour expliquer leur souhait, ils ont évoqué les menaces formulées par les autorités kényanes, selon lesquelles ils seraient forcés à quitter les lieux plus tard s’ils ne le faisaient pas immédiatement de leur propre chef, et qu’ils ne recevraient pas l’indemnité accordée par le HCR. Les dangers en rapport avec le conflit armé en Somalie sont très insuffisamment signalés aux réfugiés par les Nations unies et les organisations non gouvernementales (ONG) encadrant la procédure de retour de Dadaab vers la Somalie. A titre d’exemple en août 2016, les réfugiés recevaient des informations du HCR datant de septembre 2015 alors que la situation dans différentes régions en Somalie a largement changé depuis.

Renvois forcés : un danger grave pour les réfugiés somaliens

La Somalie est un pays ravagé par un conflit qui oppose les forces gouvernementales et les soldats de l’Union africaine face aux extrémistes d’Al Shabaab, depuis deux décennies. Ces combats, en plus d’être à l’origine de nombreuses violations des droits humains, ont détruit une majorité d’infrastructures et de services de base. Cette situation a provoqué le déplacement à l’intérieur du pays à hauteur de 1,1 million de personnes. Ainsi, un tel afflux de retours serait largement problématique pour le pays.

Plusieurs des personnes ayant parlé à Amnesty International ont évoqué non seulement l’insécurité, mais également l’absence de services de base et la crainte des discriminations comme raisons pour lesquelles ils ne souhaitent pas rentrer. Parmi ceux qui ont fait état de préoccupations figurent des personnes infirmes et des membres de minorités, qui estiment que retourner en Somalie n’est pas une solution envisageable parce qu’aucune garantie n’a été mise en place.
Mouna, mère d’un enfant handicapé, a déclaré : « Il n’y a pas de structures pour les personnes souffrant de handicaps en Somalie. En tant que réfugiés, ce n’est qu’en tout dernier lieu qu’on se soucie de nous. Avec des enfants présentant des handicaps, nous nous retrouverons au bout de la queue quand il s’agira de recevoir de l’aide. »

Le Kenya : un pays d’accueil pour les réfugiés mais peu soutenu par la communauté internationale

Le Kenya est un pays qui accueille plus de 500 000 réfugiés. Il est un des dix principaux pays accueillant 21 millions de réfugiés, un pays qui ne dispose pas de beaucoup de ressources. La décision de la fermeture du camp s’explique par deux facteurs.

D’une part, le Kenya reçoit très peu d’aide de la part de la communauté internationale. Au 31 octobre 2016, l’appel de fonds lancé par le HCR pour le Kenya, pour un montant de 272 millions de dollars américains, n’était financé qu’à 38 %. En 2015, en tout et pour tout, 5 001 personnes ont été réinstallées depuis le Kenya, dont plus de 3 500 aux États-Unis. Seuls 671 réfugiés particulièrement menacés ont été réinstallés dans des pays de l’Union européenne (UE). Jusqu’à présent cette année, il y a eu 1 648 départs vers les États-Unis et 118 vers l’UE.

D’autre part, le gouvernement a invoqué des raisons sécuritaires. Le Kenya a subi une série d’attaques perpétrée par Al Shabaab - notamment l’attentat ciblant le centre commercial Westgate de Nairobi et celui d’avril 2015 à l’université de Garissa. Le sentiment que la situation de sécurité s’améliore en Somalie est un autre facteur explicatif de l’intensification des pressions de la part des autorités kenyanes afin que les réfugiés somaliens retournent dans leur pays.

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