Écrire Répression du mouvement de protestation lancé par des organisations indigènes

Dans la nuit du 13 au 14 juin, à 0 h 29, les forces de sécurité ont arrêté Leónidas Iza, président de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE), dans la province du Cotopaxi. Il a été détenu au secret et inculpé de « blocage des services publics », puis relâché le soir même.

Sa détention pourrait avoir été arbitraire et les poursuites pénales à son encontre pourraient constituer une incrimination du fait de manifester.

Des organisations de défense des droits humains ont fait état d’une augmentation des cas de détention arbitraire, de recours excessif à la force et de poursuites à l’égard de manifestant·e·s.

Amnesty International appelle le président Guillermo Lasso à cesser de stigmatiser, de réprimer et d’incriminer les manifestations pacifiques, à divulguer le lieu de détention de toutes les personnes arrêtées et les charges retenues contre elles, et à libérer les personnes détenues arbitrairement.

Le 20 mai 2022, la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE) et d’autres organisations ont fait part de leur intention d’organiser des manifestations de grande ampleur le 13 juin, pour protester contre les mesures d’austérité du gouvernement de Guillermo Lasso et dénoncer le fait qu’il ne garantissait pas, selon elles, les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Elles ont également publié une liste de leurs principales revendications.

Le 11 juin, le ministre de l’Intérieur, Patricio Carrillo, a stigmatisé les manifestant·e·s avant même le début des manifestations, déclarant : « la mobilisation ou manifestation annoncée, en pratique, consiste en une semaine de blocage des routes et des puits de pétrole, d’enlèvements de policiers et de militaires, de pillages, etc. Ils feront comme si tout cela relevait de la lutte sociale, pour se poser en victimes. À qui profitera une nouvelle manifestation illimitée ? »

Le 13 juin, la CONAIE et d’autres organisations indigènes, paysannes, syndicales, éducatives, étudiantes, féministes, LGBTI et écologistes ont commencé à mener des actions de protestation. Lors de nombreuses manifestations, des routes ont été bloquées dans diverses provinces. Depuis le 13 juin, des organisations équatoriennes de défense des droits humains signalent des cas d’arrestations arbitraires, de poursuites judiciaires et d’usage excessif de la force, notamment d’emploi de gaz lacrymogène sans discrimination, à l’encontre de manifestant·e·s, de défenseur·e·s des droits humains et de journalistes dans tout le pays - un étudiant aurait notamment été blessé par balle à la jambe à Quito.

Le 14 juin, à 0 h 29, comme le montre une vidéo de la scène diffusée en direct, des policiers et militaires en uniforme ont arrêté Leónidas Iza, président de la CONAIE, près de Pastocalle (province du Cotopaxi), le poussant à l’intérieur d’un véhicule blanc banalisé qui a ensuite quitté les lieux. Dans la matinée, l’Alliance équatorienne des droits humains a souligné que les agents qui avaient appréhendé Leónidas Iza n’avaient pas présenté de mandat d’arrêt et ne l’avaient pas informé des motifs de son arrestation, que les autorités dissimulaient le lieu où il se trouvait et le détenaient au secret, l’empêchant de communiquer avec sa famille et ses avocats, et que les plaques d’immatriculation du véhicule (PTR-3246) à bord duquel il avait été emmené ne figuraient pas dans les bases de données accessibles au public, autant d’éléments tendant à indiquer que sa détention était arbitraire.

À 01 h 18, le président Guillermo Lasso a publié une vidéo, accusant les manifestant·e·s d’avoir commis des infractions et les menaçant de poursuites : « L’arrestation des auteurs intellectuels et matériels de ces actes de violence a commencé [...] Nous ne pouvons accepter d’être les victimes de vandales dont le seul but est de semer le chaos [...] Maintenant que nous avons commencé à relancer l’activité, nous ne pouvons pas nous arrêter en route. Les auteurs d’actes de vandalisme devront rendre des comptes à la justice et au peuple équatorien ».

À 03 h 20 du matin, la police nationale a annoncé qu’elle avait arrêté Leónidas Iza dans la paroisse de Pastocalle, dans la province du Cotopaxi, pour des « infractions présumées », sans préciser les faits qui lui étaient reprochés ni les charges retenues contre lui. Elle a également indiqué qu’il était détenu dans une « salle de garde à vue, pour une audience de flagrant délit ».

À 9 h 22, le Bureau du procureur général a indiqué qu’il avait appris l’arrestation de Leónidas Iza par les réseaux sociaux, que la police nationale ne l’avait pas présenté à ses services, et qu’elle n’avait pas fourni de rapport contenant les motifs de son arrestation. Il a ajouté que la procureure générale avait donné des instructions aux procureurs provinciaux afin qu’ils coordonnent les actions et les procédures avec les « autorités compétentes » pour prévenir les arrestations illégales ou arbitraires.

À 10 h 47, le Bureau du procureur général a fait savoir qu’il avait reçu le rapport de police sur l’arrestation en flagrant délit de Leónidas Iza tôt dans la matinée dans la province du Cotopaxi, et a déclaré que l’institution suivrait les procédures appropriées.

À 11 h 37, la police nationale a affirmé que Leónidas Iza avait été arrêté alors qu’il « dirigeait et encourageait des actions visant à l’escalade et à la radicalisation de la violence », et qu’elle avait remis le rapport de police sur son arrestation au Bureau du procureur « le matin à la première heure ».
Dans le courant de la journée, les avocats de Leónidas Iza ont indiqué que ni eux, ni ses proches ne savaient où il se trouvait, mais que selon des informations disponibles sur les réseaux sociaux, il aurait été transféré de la province du Cotopaxi vers Quito à bord du même véhicule banalisé, puis vers un site militaire situé à Latacunga, dans la province du Cotopaxi, à bord d’un véhicule de l’armée.

L’audience de flagrant délit de Leónidas Iza a eu lieu au sein du Service judiciaire spécialisé dans les violences à l’égard des femmes ou des membres de la famille et les atteintes à l’intégrité sexuelle et reproductive, dans la ville de Latacunga. Le juge a estimé que son arrestation était légale et a engagé des poursuites pénales à son encontre pour « blocage des services publics », en raison de sa participation présumée au blocage des routes lors des manifestations. Cette décision pourrait constituer une incrimination du droit de manifester.

Selon l’Alliance équatorienne des droits humains, au moins 36 personnes ont été arrêtées les 14 et 15 juin à Quito et au Cotopaxi dans le contexte des manifestations.

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