Écrire Des manifestants condamnés à mort après avoir été torturés

En Iran, les jeunes manifestants Javad Rouhi, Mehdi Mohammadifard et Arshia Takdastan risquent d’être exécutés à l’issue de procès manifestement iniques en lien avec les manifestations qui ont eu lieu à Noshahr, dans la province du Mazandéran.

Le tribunal révolutionnaire a déclaré qu’ils avaient « incité à des émeutes » au motif qu’ils ont dansé, applaudi, scandé des slogans ou jeté des voiles dans un feu de joie.

Ils ont subi des coups, des flagellations, des décharges électriques et des violences sexuelles, ont été suspendus par les pieds et menacés de mort dans le but de leur arracher des « aveux ».

Les pasdaran (gardiens de la révolution) ont arrêté Javad Rouhi de manière violente dans la rue à Noshahr, dans la province du Mazandéran, le 22 septembre 2022. Ils l’avaient identifié dans une vidéo le montrant en train de danser la veille lors des manifestations à Noshahr. Pendant les six semaines qui ont suivi, les autorités ont dissimulé à sa famille quel sort lui avait été réservé, ce qui s’apparente à une disparition forcée, un crime relevant du droit international. Fin octobre 2022, il a été autorisé à appeler brièvement sa famille, pour l’informer qu’il se trouvait dans un centre médical inconnu. Les autorités ont coupé la communication au bout de quelques secondes.

Au cours des semaines suivantes, sa famille a continué de le rechercher désespérément, notamment en s’adressant à la prison centrale de Noshahr. Finalement, début novembre 2022, ses proches ont eu confirmation de sa détention dans cette prison et, mi-novembre, il a pu recevoir leur visite. Pendant les six semaines suivantes et jusqu’à ce qu’il soit informé de sa condamnation à mort fin décembre 2022, il a été privé de tout contact avec sa famille. Il est apparu par la suite qu’après son arrestation, il a été détenu plus de 40 jours à l’isolement dans un centre de détention géré par les pasdaran (gardiens de la révolution), le centre de Shahid Kazemi, situé dans l’enceinte de la prison de Tir Kola, à Sari.

D’après les informations obtenues par Amnesty International, au cours de cette période, il a été soumis à de violents passages à tabac et à des flagellations, y compris sur la plante des pieds, alors qu’il était attaché à un poteau, il a reçu des décharges de pistolets incapacitants, a été exposé à des températures glaciales et a subi des sévices sexuels consistant à lui mettre de la glace sur les testicules pendant 48 heures. Les pasdaran ont à plusieurs reprises pointé une arme sur sa tête et menacé de tirer s’il ne passait pas aux « aveux » et ne « révélait » pas le nom du « petit groupe » (terme péjoratif par lequel les autorités désignent des groupes d’opposition illégaux) avec lequel il avait « conspiré ».

Suite à ces tortures, Javad Rouhi a souffert d’incontinence urinaire, de complications digestives et de troubles de la mobilité et de la parole, et a été transféré en urgence dans un centre médical où il a été hospitalisé pendant 48 heures. Il a aussi souffert d’une nouvelle déchirure de la coiffe des rotateurs, qui avait été réparée grâce à une intervention chirurgicale quelques années auparavant. Il ressent toujours de fortes douleurs au niveau du dos et des hanches, et un engourdissement de la jambe droite, qui n’ont pas été traités et nécessitent des soins médicaux spécialisés. Son procès s’est déroulé à huis clos devant la première chambre du tribunal révolutionnaire, à Sari, le 13 décembre et a duré moins d’une heure.

Au cours de l’audience, il a déclaré au juge qu’il avait été torturé dans le but de lui extorquer de faux « aveux ». Pourtant, le tribunal a retenu à titre de preuve ses « aveux » forcés et a refusé d’ordonner la tenue d’une enquête. À titre de représailles parce qu’il a osé évoquer les traitements subis, il a été transféré dès la fin de son procès dans un centre de détention géré par les pasdaran (gardiens de la révolution) à Sari, dans la province du Mazandéran. Il y a été maintenu à l’isolement pendant environ deux semaines. Fin décembre 2022, il a été renvoyé à la prison centrale de Noshahr, où il est incarcéré depuis lors.

Arshia Takdastan a été arrêté à Noshahr le 24 septembre 2022 et transféré dès le lendemain au centre de détention de Shahid Kazemi, à Sari. D’après les informations obtenues par Amnesty International, il y a été détenu à l’isolement pendant 28 jours et a été régulièrement frappé et menacé de mort, notamment avec une arme à feu pointée sur la tempe. Les pasdaran ont menacé de le descendre s’il ne passait pas aux « aveux » devant une caméra. Ils ont également menacé d’arrêter et de torturer son père s’il n’acceptait pas de « coopérer ». Pendant 18 jours, les autorités ont dissimulé à sa famille quel sort lui avait été réservé, ce qui s’apparente à une disparition forcée.

Dans son jugement, qu’Amnesty International a pu examiner, le tribunal révolutionnaire a cité à titre de preuve de son « inimitié à l’égard de Dieu » un texto envoyé par Arshia Takdastan à Iran International, un média basé à l’étranger. D’après le verdict, il remerciait dans ce message Iran International pour avoir « soutenu le peuple » et lui demandait de « continuer d’encourager le peuple pour en finir avec la République islamique ».

Mehdi Mohammadifard est entré en clandestinité le 1er octobre 2022 après avoir été convoqué pour interrogatoire par les gardiens de la révolution. Il a été repéré et arrêté le 2 octobre, en tout début de matinée. Selon des informations obtenues par Amnesty International, Mehdi Mohammadifard a été violemment frappé et poussé à terre lors de son arrestation, ce qui lui a valu d’avoir le nez cassé. Après son interpellation, il a été détenu pendant une semaine à l’isolement dans une cellule infestée de souris et de cafards.

Au cours de cette période, il a été soumis à la torture et à des mauvais traitements, notamment passé à tabac et suspendu la tête en bas, dans le but de le faire « avouer ». Il a également subi un viol, tel que défini par le droit pénal international, à savoir tout acte de pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, de nature sexuelle, commis sur le corps d’une autre personne en utilisant une partie du corps ou un objet. Ce viol a entraîné des blessures anales et des saignements rectaux qui ont nécessité son transfert en urgence vers un hôpital extérieur à la prison. Il a été renvoyé au centre de détention le lendemain, avant d’être rétabli.

Amnesty International n’a pas pu confirmer avec certitude dans quel centre de détention il se trouvait durant la période d’interrogatoire. Mehdi Mohammadifard est actuellement incarcéré à la prison centrale de Noshahr. Il n’a pas été autorisé à recevoir de visites de sa famille avant que sa condamnation à mort ne soit prononcée en décembre 2022.

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