Écrire Une expulsion forcée tue une enfant et fait 3 500 sans-abri

Le 5 février, à 22 h 30, 3 500 habitant·e·s de Kibos, dans le comté de Kisumu, au Kenya, ont été brutalement expulsés par la Société des chemins de fer kenyans.
Des policiers armés ont utilisé du gaz lacrymogène pour forcer les habitant·e·s à sortir de chez eux. Alors qu’un bulldozer démolissait les maisons, une enfant a été piégée sous les décombres et a perdu la vie.

Les habitant·e·s, qui appartiennent à la communauté nubienne, affirment qu’aucun avis d’expulsion ne leur a été adressé.
Cet acte illégal a été commis en violation du moratoire sur les expulsions pendant la pandémie de COVID-19, décrété par le président le 1er mai 2020.

Les Nubiens du Kenya font l’objet d’injustices subies de longue date, liées à l’apatridie et à la propriété foncière. L’administration coloniale britannique les a d’abord installés près de l’aéroport de Kisumu, mais par la suite, après l’extension de l’aéroport, ils se sont réinstallés en 1938 à Kibos, où ils vivent depuis lors. Kibos a fait l’objet de nombreux litiges fonciers, la Société des chemins de fer kenyans affirmant être propriétaire des terrains et menaçant la communauté d’expulsion. La communauté a déposé avec succès une requête adossée à un certificat d’urgence, pour demander une ordonnance conservatoire empêchant la Société des chemins de fer de procéder aux expulsions jusqu’à ce que le tribunal de l’environnement et des terres se soit prononcé sur la propriété des terrains.

L’ordonnance conservatoire a été remise à la Société des chemins de fer kenyans et au directeur de la police du comté (qui l’a déchirée en morceaux) le 5 février à 16 h 15. À 17 heures, le directeur de la police du comté a commencé à tracer des croix sur les maisons des habitant·e·s de Kibos. A 21 heures, la compagnie d’électricité kenyane, la Kenya Power and Lighting Company, a coupé l’alimentation électrique de toute l’agglomération. A 22 h 30, la police a fait une descente, répandant du gaz lacrymogène dans les logements de plus de 3 500 personnes et dans une mosquée vieille de 83 ans. Des pelleteuses et d’autres équipements lourds ont été utilisés pour démolir les maisons, la mosquée et deux écoles maternelles. Pendant que les autorités procédaient à la démolition, une enfant est morte écrasée sous les décombres alors que sa mère suppliait qu’on lui laisse le temps d’aller la chercher dans la maison.

Le directeur de la police du comté a supervisé la démolition de tous les bâtiments. À peine cinq jours plus tard, le 10 février, le tribunal de l’environnement et des terres de Kisumu a convoqué la Société des chemins de fer kenyans, afin que celle-ci expose les raisons pour lesquelles elle ne devrait pas être déclarée coupable d’entrave à la bonne marche de la justice pour avoir ignoré les ordonnances conservatoires et ne pas s’être présentée devant le tribunal. Lors d’une audience qui s’est tenue le 11 février, le tribunal a maintenu le statu quo des ordonnances conservatoires et a rendu des décisions autorisant les habitant·e·s à retourner sur les terrains.

Les expulsions forcées à Kibos ont eu lieu moins d’un mois après que la Cour suprême du Kenya, le 11 janvier, s’est prononcée définitivement sur le droit au logement. Cet arrêt historique dispose, à la section 153, que « le droit au logement sous sa forme élémentaire (l’abri) ne repose pas nécessairement sur les "titres fonciers". En effet, c’est l’incapacité de nombreux citoyens à acquérir des titres fonciers privés qui les condamne à l’indignité des "quartiers informels". Lorsque les pouvoirs publics ne fournissent pas de logements accessibles et appropriés à l’ensemble de la population, le moins qu’ils doivent faire est de protéger les droits et la dignité des personnes qui vivent dans les quartiers informels. Les tribunaux sont là pour veiller à ce que cette protection soit mise en œuvre, sans quoi ces citoyens doivent éternellement errer aux quatre coins de leur pays, vivant la terrible réalité des "damnés de la terre" ».

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