Écrire Deux adolescents baloutches ont été torturés

Maziar Shahbakhsh Yasin Shahbakhsh Iran

Maziar Shahbakhsh, 18 ans, et Yasin Shahbakhsh, 17 ans, tous deux membres de la minorité baloutche, un groupe opprimé, sont maintenus en détention arbitraire par les autorités iraniennes.

Depuis leur arrestation, alors qu’ils étaient tous deux mineurs, les autorités les ont soumis à des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, les ont empêchés de s’entretenir avec leurs avocats, et ont fortement limité, voire supprimé, leur accès à leur famille.

Pendant des mois après l’arrestation de Maziar Shahbakhsh et Yasin Shahbakhsh, les autorités ont refusé de fournir à leurs familles la raison de leur arrestation et de leur incarcération. Ces derniers mois, cependant, un juge siégeant dans un tribunal révolutionnaire a déclaré à leurs proches que leur placement en détention est dû à leurs liens familiaux avec le père et l’oncle paternel de Maziar Shahbakhsh, également apparentés à Yasin Shahbakhsh, qui ont tous deux été tués lors de prétendus affrontements armés avec les forces de sécurité plusieurs mois avant l’arrestation des deux adolescents. Le juge a également dit à la famille de Maziar Shahbakhsh qu’il se trouve en détention à cause de vidéos et de photos de son père et de son oncle trouvées sur son téléphone portable, et parce qu’il a « créé de l’insécurité dans le pays », du fait de son implication présumée dans le cadre de l’affrontement armé lors duquel son oncle a été tué.

Abdolmalek Shahbakhsh, père de Maziar Shahbakhsh, a été tué le 15 novembre 2021 lors d’affrontements armés avec les forces de sécurité dans la province de Kerman, qui ont aussi fait trois morts au sein des forces de sécurité, selon des informations relayées par les médias. Gholam Shahbakhsh, oncle de Maziar Shahbakhsh, a perdu la vie quelques mois plus tard, le 1er janvier 2022, lorsque les forces de sécurité ont lancé une attaque armée contre une maison de Kourin, dans la province du Sistan-et-Baloutchistan. Selon des militant·e·s baloutches des droits humains, plusieurs autres Baloutches ont aussi été tués lors de cette attaque. En relation avec ces événements, le 2 janvier 2022, les médias d’État ont indiqué que les forces de sécurité du Sistan-et-Baloutchistan ont tué six « criminels armés » et cité Gholam Shahbakhsh parmi ceux-ci. Les médias d’État ont aussi signalé le décès de quatre membres des forces de sécurité.

Des sources informées ont déclaré à Amnesty International que plusieurs témoins ont signé des déclarations selon lesquelles Maziar Shahbakhsh se trouvait à Zahedan lors des événements ayant causé le décès de son oncle. Ces témoignages, qui ont été enregistrés par les autorités, semblent cependant avoir été ignorés.

Selon des sources informées, avant leur mort, Abdolmalek Shahbakhsh et Gholam Shahbakhsh ont été harcelés par des membres des forces de sécurité et des services de renseignements, qui ont tenté à plusieurs reprises de les recruter en tant qu’informateurs afin d’obtenir des renseignements sur les communautés locales, ce qu’ils ont refusé. Selon des informations obtenues par Amnesty International, aucune enquête indépendante, impartiale et efficace n’a été menée sur les causes et circonstances de leur mort.

Avant son arrestation, Yasin Shahbakhsh travaillait comme transporteur de carburant (Soukhtbar en persan) et était le principal soutien de famille.

Les transporteurs de carburant vivent généralement dans une grande pauvreté dans la province du Sistan-et-Baloutchistan. Ils s’efforcent de gagner leur vie en vendant du carburant dans les villages frontaliers au Pakistan. Si certains ont une licence officielle, la grande majorité le fait de manière clandestine en empruntant de petites routes frontalières. Ils affirment que les gardiens de la révolution qui contrôlent les passages à la frontière leur réclament continuellement des pots-de-vin. Chaque année, les forces iraniennes de sécurité tuent ou blessent en toute impunité des dizaines de transporteurs de carburant au nom de la lutte contre le « trafic de carburant ».

La minorité baloutche d’Iran est confrontée à des discriminations persistantes qui limitent son accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à des logements adéquats et aux fonctions politiques. L’insuffisance chronique des investissements du gouvernement central dans les zones peuplées par les minorités telles que la province du Sistan-et-Baloutchistan a exacerbé la pauvreté et la marginalisation dans la région. De nombreuses personnes de cette province continuent à être privées du droit à de l’eau potable aisément accessible en quantité suffisante, en raison d’un manque particulièrement marqué d’infrastructures, et leur accès à l’électricité, à l’école et à des services de soins est restreint, faute d’investissements dans ces domaines.

Des militant·e·s en faveur des droits des baloutches et des proches de détenu·e·s ont dit à Amnesty International que les forces de sécurité et les services de renseignement essaient souvent de harceler et d’intimider les hommes et adolescents baloutches afin de les inciter à devenir leurs informateurs, dans le but de contrôler cette communauté. La minorité baloutche a subi de plein fouet la répression cruelle menée par les forces de sécurité dans le contexte du soulèvement dont l’Iran est le théâtre depuis septembre 2022. Plus de 100 personnes ont été tuées dans la seule province du Sistan-et-Baloutchistan.

Aux termes du droit international, toute personne âgée de moins de 18 ans au moment des faits qui lui sont reprochés doit être traitée conformément aux règles de la justice pour mineurs. Les mineur·e·s accusés d’avoir enfreint la loi ont droit à un procès équitable, tout comme les adultes, ainsi qu’aux protections supplémentaires prévues par la justice des mineurs. En particulier, leur traitement doit respecter le fait que ceux-ci n’ont pas atteint le même degré de développement physique et psychologique que les adultes, et prendre en compte leur intérêt supérieur.

Dans le cadre de l’administration de la justice pour mineurs, les États doivent garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ; son droit à la vie, à la survie et au développement ; son droit d’être entendu·e, et son droit d’être protégé·e contre toute forme de discrimination. La privation de liberté doit être une mesure de dernier ressort, d’une durée aussi brève que possible, et d’autres solutions envisageables doivent être explorées par les autorités.

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