Écrire Les autorités doivent faire la lumière sur le sort réservé à un journaliste disparu

Le 24 octobre 2021, le journaliste Bassem al Zaak a été enlevé alors qu’il diffusait en direct, en sa qualité de journaliste, une vidéo sur un sit-in organisé par un bloc politique à Bagdad pour protester contre les résultats des élections parlementaires.

Sa famille pense que ses ravisseurs sont des membres des Unités de mobilisation populaire, un vaste réseau bien établi de milices officiellement reconnues comme une composante des forces armées irakiennes.

Plus de deux ans après, on ignore toujours ce qu’il est advenu de Bassem al Zaak.

Les autorités irakiennes doivent révéler le sort qui lui a été réservé et le lieu où il se trouve, et amener les responsables de sa disparition forcée à répondre de leurs actes dans le cadre de procès équitables.

Lors des manifestations de masse contre le gouvernement connues sous le nom de mouvement Tishreen (« octobre » en arabe) qui ont débuté en octobre 2019, les forces de sécurité, notamment les membres des Unités de mobilisation populaire, un vaste réseau de milices considérées comme faisant juridiquement partie des forces armées irakiennes, ont fait usage de la force meurtrière contre les manifestant·e·s et mené une sinistre campagne d’homicides extrajudiciaires et de disparitions forcées.

Très peu de poursuites ont été engagées contre des membres des forces de sécurité ou des Unités de mobilisation populaire pour leur rôle dans les violences commises contre des manifestant·e·s et des militant·e·s. Dans un rapport publié en juin 2022, la Mission d’assistance des Nations unies pour l’Irak (MANUI) n’a pu relever que la condamnation de quatre « éléments armés non identifiés » depuis mai 2021 et de six membres des forces de sécurité pour des tirs ciblés, des homicides et des enlèvements. Ce rapport ajoutait que « [l]a MANUI/HCDH n’a pu relever aucune autre affaire ayant progressé au-delà de la phase d’enquête pendant la période visée ».

Depuis 2019, les gouvernements irakiens qui se sont succédé ont créé de nombreuses commissions chargées d’enquêter sur les violations des droits humains commises dans le cadre des manifestations au niveau national et des gouvernorats, mais elles n’ont pas permis d’obtenir vérité et justice.

C’est notamment le cas de la « commission d’établissement des faits » créée par le décret n° 293 du Premier ministre de l’époque, Mustafa al Kadhimi, le 18 octobre 2020, avec pour objectif de rassembler des preuves, de publier un rapport complet et d’identifier les responsables des crimes commis. Aux termes de ce décret, la commission a le droit de saisir la justice de certains dossiers. Cependant, faute de transparence, on ignore si elle a pris de telles initiatives.

Dans une lettre adressée par le bureau du Premier ministre Chia al Soudani à Amnesty International le 2 avril 2023, il est dit que « le Premier ministre a ordonné en novembre 2022 l’activation des travaux de la commission [d’établissement des faits] et la prise de contact avec les représentants des manifestants ».

Le bureau du Premier ministre a présenté les mesures prises par la commission d’enquête, notamment « l’examen de plus de 215 affaires obtenues auprès de la Cour centrale d’enquête de Rusafa et l’examen de plus de 5 375 documents officiels, dont des rapports médicaux, des rapports d’autopsie des victimes et des rapports d’experts médicolégaux, et la commission continue d’examiner les documents reçus des cours d’appel ». Le Premier ministre a également confirmé que des réparations avaient été versées aux familles des personnes tuées, à hauteur de 10 millions de dinars irakiens (7 000 euros environ) pour chaque victime.

Toutefois, les réparations ne sauraient remplacer le fait d’établir la vérité et de traduire en justice les responsables présumés et, près de trois ans après sa création, la commission d’établissement des faits n’a toujours pas publié de conclusions.

Selon le Comité des disparitions forcées de l’ONU, en Irak, on estime qu’entre 250 000 et un million de personnes ont disparu depuis 1968, ce qui en fait l’un des pays comptant le plus grand nombre de personnes disparues au monde.

Actuellement, la disparition forcée n’est pas un crime dans le droit irakien et cet acte ne fait donc pas l’objet de poursuites en tant qu’infraction en soi. Le 6 août 2023, le Conseil des ministres irakien a rédigé un projet de loi sur les personnes disparues qu’il a adressé au Parlement. L’objectif déclaré de ce projet est d’aider les proches des personnes disparues à savoir ce qu’il est advenu d’elles et à avoir accès à des réparations, notamment au moyen de la création d’une commission nationale pour les disparus. Toutefois, il ne criminalise pas la disparition forcée et ne prévoit pas de sanctions pour les auteurs de tels actes.

En tant qu’État partie à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, l’Irak est tenu de criminaliser les disparitions forcées, d’enquêter, de traduire les responsables en justice et de garantir des réparations pour les victimes.

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