Écrire Une femme condamnée en application d’une loi anti-avortement injuste

Alors que les législateurs salvadoriens reportent depuis des mois les débats sur une réforme du Code pénal qui aurait pour effet de dépénaliser l’avortement, une peine de réclusion, d’une durée de 30 ans, a une nouvelle fois été prononcée contre une victime de viol, qui souffrait de complications liées à une grossesse.
Le 5 juillet, Evelyn Beatriz Hernández Cruz, 19 ans, a été condamnée à 30 ans de réclusion pour « homicide avec circonstances aggravantes ». Selon les informations recueillies auprès d’organisations locales, Evelyn Hernández a été violée, mais n’a pas signalé les faits aux autorités par peur de représailles. Le 6 avril 2016, elle a été admise dans un hôpital à Cojutepeque, dans le nord du Salvador, après avoir perdu connaissance à son domicile. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle était enceinte et que le travail avait commencé. Le personnel de l’hôpital l’a dénoncée aux autorités. Cette affaire, la dernière en date à être jugée en application de la loi injuste actuellement en vigueur, montre à quel point il est urgent de modifier la législation anti-avortement, qui bafoue les droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles salvadoriennes.
Depuis 1998, l’avortement est illégal en toutes circonstances au Salvador. De nombreuses femmes et jeunes filles ont perdu la vie ou, comme Evelyn Hernández, ont été emprisonnées en raison de cette interdiction totale de l’avortement. Le cadre juridique actuel fait de toute femme qui interrompt volontairement sa grossesse une criminelle. De plus, il crée un climat de suspicion à l’égard des femmes, qui reçoivent des soins médicaux limités, voire ne sont pas du tout prises en charge, lorsqu’elles sont confrontées à des situations d’urgence obstétrique. Le cas d’Evelyn Hernández en est un exemple, puisque le personnel même de l’hôpital où elle a été admise l’a signalée aux autorités. Dans le même contexte, des femmes qui, comme elle, souffraient de complications obstétriques ont été accusées d’homicide avec circonstances aggravantes et condamnées à des peines allant jusqu’à 40 ans de réclusion, ce qui a eu de graves répercussions sur leur vie et celle de leur famille.
En octobre 2016, le Frente Farabundo Martí de Liberación Nacional (FMLN, Front Farabundo Martí de libération nationale) a présenté une proposition de modification du Code pénal visant à dépénaliser l’avortement dans plusieurs circonstances particulières : si la grossesse met en danger la vie de la femme ou de la jeune fille concernée, lorsque la grossesse est consécutive à un viol et s’il est établi que le fœtus ne sera pas apte à survivre dans un environnement extra-utérin. Les débats auront lieu en deux temps : le projet sera d’abord examiné par une commission de l’Assemblée législative (la Commission des lois et des questions constitutionnelles), puis par l’Assemblée législative elle-même. Les débats sur la réforme proposée n’ont pas encore commencé au sein de la Commission, mais la récente condamnation d’Evelyn Hernández montre à quel point il est urgent qu’ils aient lieu. Il est donc capital d’appeler maintenant les parlementaires à soutenir cette proposition, qui respectera, protègera et mettra en œuvre les droits des femmes et des jeunes filles.

L’année 1998 a marqué un tournant pour les droits des femmes au Salvador. Cette année-là, les autorités ont pris des mesures rétrogrades. Alors que la plupart des pays du monde se dirigeaient vers un assouplissement des lois restrictives en matière d’avortement, le Salvador a érigé en infraction le recours à l’avortement en toutes circonstances. La législation salvadorienne, qui permettait jusque-là de recourir à l’avortement dans certains cas (à savoir, lorsque la vie de la femme était en danger, lorsque la grossesse était consécutive à un viol ou à un inceste ou lorsque le fœtus présentait de graves malformations), a été modifiée. Depuis lors, l’avortement est considéré comme un crime en toutes circonstances.
Il est démontré que l’interdiction totale de l’avortement ne réduit pas le nombre d’interruptions de grossesse, mais augmente en revanche le risque de décès liés à des avortements illégaux et pratiqués dans de mauvaises conditions. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné que, dans les pays disposant de lois restrictives en matière d’avortement, les femmes et les jeunes filles pauvres ou vivant dans des zones rurales et isolées risquaient plus particulièrement d’avoir recours à des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions. La pénalisation de l’avortement en toutes circonstances dissuade les femmes de se faire soigner et décourage les médecins d’intervenir, car ils craignent des poursuites s’ils dispensent des soins susceptibles de sauver des femmes dont la vie ou la santé est menacée par une grossesse, ou qui souffrent de complications consécutives à un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions.

Ces dernières années, au moins 17 femmes salvadoriennes issues de milieux pauvres et défavorisés ont été injustement emprisonnées à l’issue de procès iniques, marqués notamment par une absence d’éléments de preuve solides et une défense médiocre. Toutes ces femmes avaient subi des complications liées à la grossesse survenues en dehors du milieu hospitalier et avaient dans un premier temps été inculpées d’avortement. Elles ont par la suite été condamnées à des peines allant jusqu’à 40 ans de réclusion pour homicide avec circonstances aggravantes. Pour en savoir plus, voir le rapport (en anglais) intitulé Separated families, broken ties : Women imprisoned for obstetric emergencies and the impact on their families (https://www.amnesty.org/en/documents/amr29/2873/2015/en/).

Noms : Evelyn Beatriz Hernández Cruz et les autres femmes et filles du Salvador
Femmes

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit