Écrire Un journaliste poursuivi pour avoir publié un livre d’investigation

Tomasz Piątek, un journaliste d’investigation, pourrait faire l’objet de poursuites pénales en raison d’un livre qu’il a publié en juin, dans lequel il fait état de liens présumés entre le ministre polonais de la Défense et les services de renseignement russes. S’il est inculpé et déclaré coupable, il risque 3 ans d’emprisonnement.

Tomasz Piątek, un journaliste d’investigation travaillant pour le quotidien Gazeta Wyborcza, fait l’objet de poursuites pénales en raison de la publication de son livre d’investigation, Macierewicz et ses secrets (Macierewicz i jego tajemnice), dans lequel il fait état de liens présumés entre Antoni Macierewicz, le ministre polonais de la Défense, et les services de renseignement russes.

Peu après la publication de cet ouvrage, à la fin du mois de juin, le ministre de la Défense a porté plainte au pénal contre Tomasz Piątek. La porte-parole du parquet général a déclaré aux médias, le 11 juillet, que la plainte du ministre de la Défense avait été transmise au parquet militaire et que Tomasz Piątek serait inculpé au titre des articles 224, 226 et 231a du Code pénal pour « recours à la violence ou à une menace illégale portant atteinte à un représentant du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions » et « outrage à fonctionnaire dans et en relation avec l’exercice de [ses] fonctions ».
S’il est inculpé et déclaré coupable, Tomasz Piątek encourt jusqu’à 3 ans de prison. D’après la porte-parole du parquet général, l’affaire en est au stade de l’instruction. Tomasz Piątek risque d’être inculpé à tout moment. On ignore de quels éléments de preuve le parquet dispose, et même s’il dispose de tels éléments, pour servir de base à l’inculpation de Tomasz Piątek.

Cet homme vit dans l’angoisse, car il pense être sous surveillance depuis au moins le début du mois de juillet.

En vertu de ses obligations internationales, la Pologne est tenue de veiller à ce que les professionnels des médias puissent exercer leur activité, à savoir commenter les sujets d’intérêt public, informer l’opinion publique et transmettre des informations et des idées sans subir de menaces, de harcèlement ou d’actes d’intimidation. Il lui incombe également de s’assurer qu’ils ne font pas l’objet de poursuites pour avoir exprimé des vues qui ne constituent pas une incitation à la violence.

En vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Pologne est tenue de respecter, de protéger et de promouvoir le droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend une obligation pour l’État de veiller à ce que les professionnels des médias puissent exercer leur activité, y compris, comme l’a fait Tomasz Piątek, en portant à l’attention de la population un sujet d’intérêt public, sans craindre de faire l’objet de menaces, de harcèlement, d’actes d’intimidation ou de poursuites.

En vertu de ses obligations internationales en matière de droits humains, la Pologne doit veiller à ce que toute poursuite à l’encontre d’un professionnel des médias concerne uniquement des infractions dûment reconnues, définies dans des lois formulées de façon suffisamment claire pour permettre aux intéressés de savoir ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas, et à ce que cette poursuite ne constitue pas une entrave inutile ou disproportionnée à la liberté d’expression.

Si l’un des motifs recevables pour restreindre la liberté d’expression est la protection des droits et de la réputation d’autrui, les limites des critiques admissibles sont plus larges à l’égard d’un personnage public que d’un simple particulier. Les personnages publics s’exposent à un contrôle attentif de leurs faits et gestes par la masse des citoyens, et doivent par conséquence montrer une plus grande tolérance à la critique. Les dispositions pénales ne doivent jamais être utilisées pour porter atteinte au droit à la liberté d’expression ni pour prendre pour cible délibérément, harceler ou intimider des opposant politiques, des défenseurs des droits humains, des manifestants pacifiques, des militants écologistes ou syndicaux ou encore des journalistes et d’autres professionnels des médias.

Amnesty International est préoccupée par le fait que les autorités polonaises ont restreint la liberté des médias depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, en octobre 2015. Nombre des mesures prises par les autorités sont contraires à la liberté d’expression. Les médias publics ont été placés sous le contrôle des autorités, et des pressions économiques croissantes sont actuellement exercées sur les médias privés pour leur faire accepter ce contrôle. Après l’adoption de la loi sur les médias en décembre 2015, un certain nombre de directeurs et de conseils de surveillance des chaînes publiques de télévision et de radio ont été congédiés.

Dans le même temps, le ministre des Finances a nommé de nouveaux directeurs, sans consulter le Conseil national de radiotélévision, une instance indépendante. Le placement des médias publics sous le contrôle des autorités a suscité des critiques des médias indépendants et de l’opposition, qui leur reprochaient de n’être que des outils de propagande. Au mois d’août 2017, plus de 220 journalistes travaillant dans le secteur de la radiotélévision publique, notamment des dirigeants syndicaux, avaient été renvoyés, contraints à démissionner ou forcés à accepter des postes moins élevés.

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’est elle aussi dite inquiète des poursuites visant Tomasz Piątek et des efforts déployés par les autorités pour réduire les médias au silence.

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