Écrire Un homme victime d’une attaque à l’acide inculpé de diffamation

Novel Baswedan, défenseur des droits humains et éminent enquêteur de la Commission pour l’éradication de la corruption, une instance indépendante, fait l’objet de poursuites pénales pour diffamation en raison d’un courriel qu’il a rédigé en tant que représentant syndical. Son inculpation intervient alors qu’il a subi il y a cinq mois, à Djakarta, une attaque à l’acide sur laquelle l’enquête est au point mort.
Novel Baswedan, enquêteur de premier plan de la Commission pour l’éradication de la corruption (KPK), une instance indépendante de lutte contre la corruption, a été inculpé de diffamation, au titre de l’article 27(3) de la Loi n° 19/2016 portant modification de la Loi de 2008 relative aux informations et aux transactions électroniques. Cette inculpation est liée à un courriel dans lequel Novel Baswedan, en qualité de représentant syndical des travailleurs de la KPK, critiquait le leadership du directeur actuel de l’unité d’enquête de la Commission et remettait en question la désignation d’un enquêteur de police au sein de la KPK, arguant que cette nomination n’était pas conforme aux procédures internes de cette instance.
Le 11 avril 2017, alors que Novel Baswedan rentrait chez lui à pied après la prière du matin, deux hommes à moto lui ont jeté une fiole d’acide chlorhydrique au visage. À l’époque, il dirigeait une enquête sur un détournement de fonds alloués à un projet de carte d’identité électronique, dans lequel des parlementaires et des hauts fonctionnaires étaient impliqués. Ses deux cornées ayant été gravement atteintes, Novel Baswedan suit actuellement un traitement intensif à Singapour, où il doit encore séjourner pendant trois ou quatre mois.
Cette affaire d’attaque à l’acide n’a connu aucune évolution depuis que le président Joko Widodo a convoqué le chef de la police nationale fin juillet pour une conférence de presse et qu’un portrait-robot des suspects a été publié. L’absence de progrès dans les investigations de police sur cette agression offre un contraste frappant avec la célérité de la réaction de la police aux accusations de diffamation, ce qui montre que les mesures prises par la police pour enquêter sur cette affaire, comme sur d’autres attaques visant des défenseurs des droits humains dans le pays, sont insuffisantes.
En Indonésie, les militants anti-corruption et les défenseurs des droits humains sont depuis longtemps la cible de menaces et d’attaques, et de nombreuses affaires ne sont pas élucidées. Il est nécessaire que les autorités prennent des mesures décisives pour mettre fin à la culture de l’impunité qui prévaut actuellement et pour faire en sorte que les militants puissent mener sans crainte leurs activités pacifiques.

Par le passé, Novel Baswedan a déjà mené des enquêtes sur d’importants cas de corruption à l’issue desquelles des parlementaires, des hauts gradés de la police et des ministres de premier plan ont été traduits en justice. Tout au long de sa carrière, il a fait l’objet à maintes reprises de menaces d’agression et d’accusations de diffamation passible de poursuites pénales, qui visaient à entraver ses investigations.
L’attaque à l’acide contre Novel Baswedan ne peut être considérée comme un élément isolé. L’impunité constatée dans d’autres affaires de menaces et de violences contribue à entretenir un climat de peur parmi les militants anti-corruption et les défenseurs des droits humains.
Le 8 juillet 2010, deux personnes non identifiées ont roué de coups Tama Satya Langkun, chercheur de l’organisation Indonesia Corruption Watch (ICW) à Djakarta. Plus de cinq ans plus tard, personne n’a été arrêté ni traduit en justice pour cette agression. À l’époque des faits, Tama Satya Langkun enquêtait sur des comptes bancaires douteux liés à plusieurs policiers de haut rang.
Haris Azhar, coordinateur exécutif de la Commission des disparus et des victimes de la violence (KONTRAS), a publié le 28 juillet 2016 sur Facebook un texte soulignant les liens entre membres des forces de sécurité et de police, trafic de drogue et corruption en Indonésie. Fondé sur un entretien réalisé en 2014 avec un trafiquant de drogue condamné à mort, ce texte a été publié 24 heures avant que celui-ci ne soit exécuté, le 29 juillet 2016, sur l’île de Nusakambangan (Java central), aux côtés de trois autres personnes condamnées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Depuis la publication de ce texte, intitulé « The dark story of a bandit : testimony from a meeting with Freddy Budiman in Nusakambangan Prison (2014) », Haris Azhar reçoit des menaces anonymes et les membres du personnel de la KONTRAS sont convaincus de faire l’objet d’une surveillance renforcée de la part des services de renseignement.
Le 15 août 2016, I Wayan « Gendo » Suardana, un défenseur des droits humains du Forum indonésien pour l’environnement (WALHI), a été dénoncé à la police par des militants de Posko Perjuangan Rakyat (« Message de lutte du peuple », Pospera), une organisation populaire ayant des affiliations politiques. Selon ces militants, I Wayan « Gendo » Suardana a tenu des propos diffamatoires à l’égard de leur organisation et du président de son conseil d’administration, qui est également un député du parti au pouvoir. Dans un message publié sur Twitter, I Wayan « Gendo » Suardana avait fait référence à Pospera sous la dénomination de « Pos Pemeras Rakyat » (« Message d’extorsion du peuple ») et avait fait un jeu de mots sur le nom d’un des dirigeants en l’appelant « Napitufulus » (fulus signifiant « argent ») au lieu de Napitupulu.
Formulée en des termes vagues, la Loi de 2008 relative aux informations et aux transactions électroniques (ITE) permet d’interpréter de façon large les notions de diffamation et de blasphème, et a été utilisée pour inculper des dissidents et des défenseurs des droits humains. L’article 27(3) de cette loi, applicable à « toute personne qui, délibérément et sans en détenir les droits, diffuse et/ou transmet et/ou rend accessibles des informations et/ou documents électroniques dont le contenu est insultant et/ou diffamatoire » ou « vise à susciter la haine ou l’hostilité [à l’égard] d’individus », érige en infraction certaines formes d’expression. Ce texte contrevient au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), instrument auquel l’Indonésie est partie et dont l’article 19 dispose que toute personne a droit à la liberté d’expression.
En vertu des normes internationales relatives aux droits humains, le droit à la liberté d’expression s’étend à « toutes les formes de médias audiovisuels ainsi que les modes d’expression électroniques et l’Internet ». Amnesty International s’oppose à toute loi qui rend passible de sanctions pénales la diffamation de personnalités publiques ou de particuliers, car elle estime que la diffamation doit être traitée uniquement au civil.

Nom : Novel Baswedan
Homme

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