Écrire Un rédacteur en chef détenu après avoir subi une disparition forcée

Cinquante-trois jours après sa disparition forcée, les autorités ont reconnu que le photographe et rédacteur en chef bangladais Shafiqul Islam Kajol était entre leurs mains et l’ont placé en détention provisoire pour une durée indéterminée.

Il risquerait jusqu’à sept années d’emprisonnement s’il était déclaré coupable des chefs d’accusation retenus contre lui, au titre de la Loi relative à la sécurité numérique, en raison de ses publications sur Facebook.

Détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression, Shafiqul Islam Kajol est un prisonnier d’opinion et doit être libéré immédiatement et sans condition.

Shafiqul Islam Kajol, âgé de 50 ans, photographe et rédacteur en chef du quotidien bangladais Dainik Pokkhokal, risque d’être maintenu en détention provisoire indéfiniment après avoir été probablement victime d’une disparition forcée depuis le 10 mars 2020.

Cinquante-trois jours après sa disparition, le 3 mai 2020, la police du Bangladesh a indiqué qu’il avait été trouvé à un peu moins de 100 mètres de la frontière, à l’intérieur du territoire. Elle a engagé une procédure à son encontre en vertu du décret de 1973 relatif aux passeports, pour « entrée illégale » dans son propre pays depuis l’Inde voisine sans passeport. Le tribunal de première instance de Jashore lui a accordé une libération sous caution après qu’il a refusé de plaider coupable dans cette affaire, mais la police a engagé peu après une nouvelle procédure, au titre de l’article 54 du Code de procédure pénale de 1898, qui permet aux policiers de détenir une personne sans mandat d’arrêt si celle-ci est accusée d’une infraction reconnue par la législation nationale.

La veille de sa disparition, un député de la Ligue Awami, le parti au pouvoir, a porté plainte contre lui et 31 autres personnes en vertu des dispositions draconiennes de la Loi de 2018 relative à la sécurité numérique, au titre des articles 25, 26, 29 et 31, pour avoir publié sur Facebook des contenus « fallacieux, offensants, obtenus illégalement et diffamatoires » qui « pourraient dégrader le maintien de l’ordre ».

Un autre membre du même parti a déposé une deuxième plainte contre lui au titre des articles 25, 26 et 29 de cette loi, trois heures après qu’il a été vu pour la dernière fois, à 18 h 51 le 10 mars 2020, quittant son travail. Il semble à présent qu’une troisième plainte au titre de cette loi a été déposée contre lui le lendemain. S’il était reconnu coupable des faits dont il est accusé, il risquerait jusqu’à sept années d’emprisonnement.

Des images de vidéosurveillance qu’Amnesty International a pu se procurer et a relayées dans une vidéo diffusée le 21 mars 2020 montrent au moins trois hommes non identifiés qui s’approchent de la moto du journaliste garée devant les locaux de son journal et semblent la manipuler, quelques minutes avant qu’on le voie démarrer le véhicule et quitter les lieux. Sa disparition forcée et les multiples procédures engagées à son encontre ont fait suite à une série de messages critiques qu’il a publiés sur Facebook au sujet de l’implication présumée de membres de la Ligue Awami dans un réseau de traite à des fins sexuelles piloté dans un hôtel cinq étoiles de Dacca.

En novembre 2018, Amnesty International a publié un rapport intitulé Muzzling Dissent Online, dans lequel l’organisation pointait les articles de la Loi relative à la sécurité numérique qui sont incompatibles avec le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière, notamment avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Bangladesh, et demandait au gouvernement bangladais de modifier rapidement cette loi.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. En particulier, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a demandé aux États d’envisager la dépénalisation de la diffamation, qui doit être traitée exclusivement au civil.

Au moins 14 infractions couvertes par la Loi relative à la sécurité numérique, notamment au titre des articles 26 et 31 qui ont été utilisés contre Shafiqul Islam Kajol, excluent toute possibilité de libération sous caution. Le Comité des droits de l’homme a observé que le harcèlement pour des motifs relevant de la liberté d’opinion d’une personne, notamment sous la forme de l’arrestation, du jugement, de la détention et de l’incarcération, constitue une violation de l’article 19 du PIDCP.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a demandé au Bangladesh de réviser de toute urgence la Loi sur la sécurité numérique, afin qu’elle soit conforme au droit international relatif aux droits humains et qu’elle prévoie des garde-fous contre l’arrestation arbitraire, la détention et toute autre restriction injustifiée des droits des personnes à exercer de manière légitime leur liberté d’expression et d’opinion.

Plus de 1 000 procédures ont été engagées en vertu de la Loi sur la sécurité numérique au Bangladesh depuis son entrée en vigueur en octobre 2018.

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