Écrire Préoccupations pour la santé d’un défenseur des droits humains en détention

Le 31 octobre 2020, la détention provisoire d’Ibrahim Ezz el Din, chercheur sur les droits humains, a été prolongée de 45 jours.

L’état de santé de cet homme, appréhendé le 11 juin 2019 et victime d’une disparition forcée de 167 jours, s’est détérioré depuis son arrestation.

De ce fait, Ibrahim Ezz el-Din est exposé à un risque accru en cas d’infection au COVID-19, maladie qui se serait répandue dans les prisons égyptiennes, tristement célèbres pour leur surpopulation et leur insalubrité.

Ibrahim Ezz el Din est chercheur à la Commission égyptienne des droits et des libertés, où il travaille essentiellement sur le droit au logement. Le 11 juin 2019 au soir, des policiers en civil l’ont arrêté dans une rue près de chez lui, au Caire. Les autorités ont dissimulé son sort et le lieu où il se trouvait durant 167 jours, affirmant à ses proches et à ses avocats qu’il n’était pas en détention.

Le 26 novembre 2019, Ibrahim Ezz el Din a comparu devant le service du procureur général de la sûreté de l’État. D’après son avocat, il était visiblement affaibli sur le plan physique et avait perdu énormément de poids. Ibrahim Ezz el Din a déclaré au procureur qu’on l’avait torturé pendant sa détention au secret afin de lui arracher des informations sur ses liens avec la Commission égyptienne des droits et des libertés et sur le travail de celle-ci.

Il a ajouté qu’on l’avait maintenu en détention dans des conditions inhumaines et dégradantes, dans différents locaux des services de sécurité.
Le 31 octobre 2020, la détention provisoire d’Ibrahim Ezz el Din a été prolongée de 45 jours. Ses avocats ont indiqué à Amnesty International qu’à l’audience, il semblait fragile et amaigri. Après une visite à la prison le 27 octobre 2020, sa mère a quant à elle indiqué qu’il paraissait très renfermé.

Ibrahim Ezz el Din est la cinquième personne liée à la Commission égyptienne des droits et des libertés à avoir été appréhendée depuis 2016. Son arrestation a fait suite à celle d’un avocat spécialiste du droit du travail, Haytham Mohamdeen, qui travaille également à la Commission et a été placé en détention le 13 mai 2019, sur la base de charges sans fondement d’« assistance à un groupe terroriste ».

En mai 2018, les forces de sécurité égyptiennes avaient arrêté Amal Fathy, militante des droits humains et épouse de Mohamed Lotfy, directeur exécutif de la Commission et ancien chercheur d’Amnesty International, en raison d’une vidéo dans laquelle Amal Fathy dénonçait l’inaction des autorités face au fléau du harcèlement sexuel. Après avoir bénéficié d’une libération conditionnelle en décembre 2018, elle a été placée en résidence surveillée jusqu’au 14 mars 2020, date à laquelle le service du procureur général de la sûreté de l’État a levé toutes les mesures de précaution qui lui avaient été imposées.

En 2016, les autorités avaient également appréhendé Mina Thabet, directeur du programme Minorités de la Commission, et Ahmed Abdallah, président du conseil d’administration. Tous deux avaient ensuite été relâchés sans inculpation.

Ibrahim Ezz el Din n’a pas pu soutenir sa thèse comme prévu en décembre 2019, en raison de son arrestation. Si son avocat lui a obtenu l’autorisation de recevoir des livres, l’administration pénitentiaire l’a empêché de rédiger sa thèse en prison. Ibrahim Ezz el Din est autorisé à recevoir une seule visite par mois, pendant 10 minutes. Il reçoit également des colis, contenant notamment de la nourriture et des médicaments, une fois par semaine.

L’arrestation d’Ibrahim Ezz el Din est intervenue dans un contexte de crise des droits humains en Égypte, marqué par des mesures de répression contre la société civile indépendante, ainsi que par l’arrestation de centaines de personnes n’ayant fait que mener des activités de défense des droits humains ou exercer leur droit à la liberté d’expression ou de réunion pacifique.

Cette répression a touché des journalistes, des supporters de football, des personnes critiques à l’égard du pouvoir en place, des responsables politiques et des membres du personnel d’organisations de la société civile. Nombre de personnes arrêtées ont été enlevées et soumises à une disparition forcée, avant d’être inculpées de charges sans fondement liées au « terrorisme », puis maintenues en détention provisoire pendant des mois, voire des années, sans jamais être traduites en justice (pour en savoir plus, voir ici).

Amnesty International a recueilli des informations sur l’utilisation des disparitions forcées par les forces de sécurité égyptiennes comme outil contre les militant.e.s politiques et les manifestant.e.s, y compris des étudiant.e.s et des mineur.e.s (plus d’informations ici).Des centaines de personnes victimes de disparition forcée ont été arrêtées de manière arbitraire et détenues au secret dans des lieux tenus secrets, sans pouvoir consulter un avocat ni communiquer avec leur famille, et ce en l’absence totale de contrôle judiciaire.

La Commission égyptienne des droits et des libertés est l’une des principales ONG égyptiennes travaillant de manière approfondie sur la question des disparitions forcées.

Amnesty International a recueilli des informations montrant que les autorités égyptiennes avaient mal géré l’épidémie de COVID-19 dans les prisons et autres lieux de détention, notamment en s’abstenant de fournir des produits d’hygiène aux détenus ou de tester et d’isoler systématiquement les détenus en cas de présomption d’infection. Les autorités ont libéré des milliers de prisonniers dans le cadre de grâces annuelles, mais cela n’a pas suffi à remédier à la surpopulation.

Les personnes en détention provisoire et celles détenues dans le cadre d’affaires politiques n’ont pas bénéficié de ces mesures. Les autorités ont aussi arrêté arbitrairement et harcelé des proches de détenus et des personnes soutenant des détenus pour avoir exprimé des inquiétudes au sujet de leur santé.

Les autorités ont interdit les visites en prison entre mars et août en invoquant des craintes de propagation du COVID-19, mais elles n’ont pas mis à disposition de solutions alternatives régulières de communication entre les détenus et leurs familles et avocats. L’administration pénitentiaire a refusé toute visite familiale tout au long de l’année 2020 à plusieurs personnes détenues en lien avec des affaires politiques (plus d’informations ici).

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