Écrire Les poursuites contre des manifestants pacifiques doivent cesser

Le 22 mai 2019, les autorités thaïlandaises s’en sont à nouveau pris à des manifestants pacifiques en relançant des poursuites qui avaient été engagées contre un groupe de 17 personnes, dont un responsable politique de l’opposition, parce qu’elles avaient participé à une manifestation pacifique devant un poste de police, à Bangkok, le 24 juin 2015. Ces personnes s’étaient réunies à une époque où la junte militaire avait interdit les rassemblements « politiques » de cinq personnes ou plus.

L’inculpation de ces personnes près de quatre ans après une manifestation pacifique est manifestement une décision politique destinée à faire taire les opposants présumés et a un effet dissuasif sur l’exercice des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique en Thaïlande.

Le 22 mai 2015, date anniversaire du coup d’État militaire de 2014, ces 16 militants (alors pour la plupart étudiants en droit) avaient participé à deux manifestations pacifiques, l’une dans le centre de Bangkok et l’autre dans la province de Khon Kaen, dans le nord-est du pays. À l’époque, une interdiction des rassemblements « politiques » de cinq personnes ou plus, imposée par la junte militaire, était en vigueur. Officiellement convoqués par la police, ces étudiants ont organisé deux autres manifestations pacifiques à Bangkok, les 24 et 25 juin 2015. La première a eu lieu devant le poste de police de Pathumwan. À l’époque, les agents de ce poste avaient refusé d’enregistrer la plainte de ces étudiants, qui disaient avoir été agressés par des policiers en uniforme et en civil lors de la manifestation du 22 mai à Bangkok.

Le 26 juin 2015, les autorités ont placé 14 militants en détention provisoire pendant près de deux semaines, affirmant que des poursuites pénales à leur encontre au nom de la sécurité nationale étaient « nécessaires pour prévenir de futurs conflits dans le pays ». Bien que les autorités aient engagé des poursuites pour sédition contre ces militants en 2015, elles n’ont pris aucune mesure pour faire avancer la procédure jusqu’en mai 2019.

Le 6 avril 2019, les autorités ont inculpé Thanathorn Juangroongruangkit (dirigeant du Parti du nouvel avenir et candidat au poste de Premier ministre en juin 2019) au titre de l’article 116 du Code pénal relatif à la sédition, de l’article 215 relatif aux rassemblements de 10 personnes ou plus menaçant de troubler l’ordre public, et de l’article 189 relatif à l’apport d’une assistance à l’auteur d’une infraction grave - en l’occurrence, il lui est reproché d’avoir pris le militant Rangsiman Rome à bord de son véhicule devant le poste de police pour le déposer ailleurs après la manifestation du 24 juin 2015.

Le 22 mai 2019, les autorités ont aussi inculpé 14 de ces militants au titre des articles 116 et 215. Deux militants, Pakorn Areekul et Worawut Butrmatr, ont également été inculpés le 11 juin 2019. Suhaimee Dulasa, ancien président de la Fédération des étudiants et des jeunes de Patani (PerMas), a été inculpé des mêmes chefs le 15 juin 2019.

Les autorités ont arrêté arbitrairement ces 16 militants favorables à la démocratie et ont engagé de multiples procédures pénales injustifiées à leur encontre, uniquement parce qu’ils avaient participé à diverses manifestations pacifiques pour dénoncer les projets de transition politique de la junte militaire ou l’utilisation par celle-ci de poursuites pénales destinées à faire taire les opposants. Entre décembre 2016 et mai 2019, Jatupat Boonpattararaksa a purgé une peine de près de deux ans et six mois d’emprisonnement, au titre de l’article 112 de la loi punissant le crime de lèse-majesté, simplement pour avoir relayé sur Facebook un reportage de la BBC. Les autorités ont également harcelé et intimidé des membres de la famille de ces militants, et engagé des poursuites contre d’autres personnes qui leur apportaient un soutien ou exerçaient leur fonction de journaliste ou de juriste en leur faveur, notamment Sirikan Charoensiri (alias June), avocate chargée de leur défense.

Les autorités ont également retenu des charges dénuées de fondement contre Thanathorn Juangroongruangkit, qui est actuellement le dirigeant du Parti du nouvel avenir, une nouvelle formation politique qui a remporté 81 sièges aux élections législatives de mars 2019. Cet homme et d’autres membres de son parti sont ainsi poursuivis pour avoir évoqué sur Facebook la façon dont les autorités utilisaient la menace de poursuites pénales comme moyen de pression politique. Les autorités ont également menacé de prendre ou pris de nouvelles mesures pour dissoudre le Parti du nouvel avenir et suspendre Thanathorn Juangroongruangkit de son poste de député. Rangsiman Rome a également remporté un siège au Parlement pour le Parti du nouvel avenir, et Worawut Butrmatr travaille pour ce parti.

En décembre 2018, les autorités ont levé l’interdiction pénale répressive des rassemblements « politiques » de cinq personnes ou plus, en vigueur depuis quatre ans et demi au titre de la loi martiale puis de l’Ordonnance n° 3/2015 du Conseil national pour la paix et l’ordre, après la prise du pouvoir par l’armée à la faveur d’un coup d’État en mai 2014. Pendant cette période, elles ont également adopté la Loi relative aux rassemblements publics, qui prévoit des sanctions pénales et des amendes pour les personnes qui ne notifient pas les autorités au préalable de la tenue d’une manifestation et permet de limiter les lieux où des manifestations peuvent se dérouler. Les autorités continuent également à engager des poursuites et à retenir de nouvelles charges contre des personnes qui n’ont fait qu’exercer leur droit de réunion pacifique.

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit