Écrire Les foyers d’une minorité religieuse détruits par la foule

La police a évacué au moins 23 membres de la minorité religieuse ahmadie du Lombok oriental vers une autre ville, après la destruction de leur domicile et de leurs biens par des villageois voisins. La communauté a subi des attaques à répétition sur une période de 24 heures et continue d’être victime de manœuvres d’intimidation et de menaces visant ses biens immobiliers.

Au moins 23 personnes appartenant à la minorité religieuse ahmadie du village de Gereneng (province du Nusa Tenggara occidental) ont été évacuées par la police du Lombok oriental après avoir été attaquées par des dizaines de personnes du même village, le 19 mai 2018. À partir de 11 heures, heure locale, la foule a détruit au moins six maisons, quatre motos, un magasin de quartier et des équipements ménagers appartenant aux membres de la communauté ahmadie. Selon une des victimes, la foule a également pris les bijoux et l’argent de sa famille. Les victimes de l’attaque, principalement des femmes et des enfants, n’ont toujours pas pu rentrer chez elles.

Plus tard cette nuit-là, vers 21 heures, environ 30 habitants du village de Gereneng ont tenté de détruire d’autres habitations appartenant à des ahmadis, en utilisant des pierres, des briques et des bâtons, mais des policiers et des militaires les ont arrêtés et leur ont ordonné de rentrer chez eux. Le lendemain, vers 6 h 30, ce groupe de personnes est retourné au village de Gereneng et a détruit deux autres habitations alors que des policiers et des militaires étaient présents dans cette zone. Au total, au moins huit habitations ont été détruites par la foule en moins de 24 heures.

La police locale, les officiers de l’armée et le gouvernement du district du Lombok oriental ont organisé une réunion de médiation et ont décidé de réinstaller les ahmadis dans un refuge temporaire dans le village de Gelang (sous-district de Selong, Lombok oriental). Le commandant des forces de police locales a promis d’ouvrir une enquête sur ces attaques.
La communauté ahmadie est un groupe religieux qui se réclame de l’islam, bien que nombre de formations musulmanes considèrent leurs croyances comme déviantes. Des membres de la communauté ahmadie sont en butte à des actes de discrimination et d’intimidation et à des menaces dans d’autres régions d’Indonésie, parce que le gouvernement considère leurs enseignements comme « déviants ».

Le gouvernement indonésien doit prendre des mesures concrètes pour protéger les minorités comme les ahmadis des violences et des expulsions forcées, et lutter contre les incitations à la haine et les actes dictés par la haine contre ces minorités.

Selon les organisations de défense des droits humains qui surveillent la situation, d’autres membres de la communauté ahmadie ont choisi de rester au village de Gereneng, mais des habitants des villages voisins tentent de les intimider et menacent de détruire leurs maisons et leurs biens.

Les groupes religieux minoritaires en Indonésie, notamment les communautés chiite, ahmadie et chrétienne, sont souvent victimes de harcèlement, de manœuvres d’intimidation et d’agressions. Au moins 1 500 membres du groupe religieux minoritaire Fajar Nusantara (Gafatar) ont été expulsés de force de leurs villages à Menpawah, dans la province de Kalimantan-Ouest, en janvier. En décembre 2011, sur l’île de Madura, une foule a incendié un lieu de culte, un pensionnat et plusieurs logements appartenant à la communauté chiite. À Lombok (province du Nusa Tenggara oriental), des membres de la communauté ahmadie vivent depuis février 2006 dans des logements précaires car leurs habitations ont été incendiées par une foule. Les membres des communautés ahmadie et chiite n’ont toujours pas pu rentrer chez eux et vivent dans des logements provisoires depuis.

En 2008, le gouvernement indonésien a adopté un décret ministériel conjoint interdisant aux ahmadis de promouvoir leurs activités et de diffuser leurs enseignements. L’enfreindre est passible d’une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. En septembre 2010, l’ancien ministre indonésien de la Religion, Suryadharma Ali, a réclamé l’interdiction de ce mouvement.

Les autorités locales ont fermé plusieurs lieux de culte des ahmadis, notamment à Depok (2017), à Ciamis (juin 2014), à Bekasi (mai 2014) et à Depok (décembre 2013). Le 5 février 2016, au moins 12 membres de la minorité religieuse ahmadie, principalement des femmes et des enfants, ont été forcés de quitter leurs foyers dans le village de Srimenanti (île de Bangka, dans la province des Îles Bangka Belitung) par le gouvernement local (voir https://www.amnesty.org/fr/documents/asa21/3409/2016/fr/). Amnesty International a demandé à maintes reprises aux autorités indonésiennes d’abroger le décret ministériel conjoint relatif aux ahmadis et de leur permettre de pratiquer leur foi sans être victime de discrimination, d’actes d’intimidation et d’agressions.

Le droit à la liberté de religion est garanti par la Constitution indonésienne. De plus, l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, dispose que « ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix » et que « nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix ».

En mai 2017, à l’occasion de l’Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme, le gouvernement indonésien a réitéré son engagement à protéger les personnes appartenant à des minorités religieuses contre les actes de violence et de persécution et à traiter les affaires d’intolérance religieuse. Pourtant, les personnes qui commettent des actes de violence à leur encontre sont rarement punies et des adeptes de ces courants sont déplacés à la suite d’attaques.

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), l’Indonésie est aussi tenue de garantir les droits de chacun à un niveau de vie suffisant, notamment à un logement convenable, ce qui inclut la protection contre les expulsions forcées (article 11.1), et au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint (article 12). En juillet 2013, le Comité des droits de l’homme (Nations unies), organe indépendant composé d’experts et chargé de suivre la mise en œuvre du PIDCP, s’est déclaré préoccupé par le fait que les autorités ne protégeaient pas les minorités religieuses des attaques violentes. Il a exhorté les autorités indonésiennes à prendre des mesures adéquates pour les protéger et, en cas de violence, à ouvrir des enquêtes et à traduire les responsables présumés en justice.

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