Écrire Un journaliste indépendant condamné à un an de prison

Le 16 avril, le journaliste indépendant Daler Charipov a été déclaré coupable d’« incitation à la discorde religieuse » et condamné à un an d’emprisonnement par un tribunal du Tadjikistan.

Cet homme est un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Il doit donc être libéré immédiatement et sans condition.

Tant qu’il est en détention, il risque de subir des actes de torture et de contracter le COVID-19.

Daler Charipov est un journaliste célèbre au Tadjikistan. Il a travaillé pour le journal indépendant Ozodagon jusqu’à ce que celui-ci ferme en 2019 après avoir subi le harcèlement des autorités pendant des années. Le 28 janvier, il a été arrêté par des agents du Comité de sûreté de l’État (SNCS) pour « incitation à la discorde religieuse », au titre de l’article 189 du Code pénal.

Le 30 janvier, il a comparu devant le tribunal du district d’Ismoili Somoni, à Douchanbé, qui a ordonné son placement en détention provisoire pendant deux mois. Le 1er février, le bureau du procureur général a publié une déclaration accusant Daler Charipov de publier des articles « extrémistes » sur les questions religieuses et prétendant qu’il était lié à une organisation extrémiste interdite.

Au début de sa détention, son avocat a été empêché d’entrer en contact avec lui, ce qui laissait craindre qu’il ne soit torturé. En effet, le travail du SNCS, par qui il était détenu pendant cette période, a toujours été entaché de nombreuses allégations de pratiques abusives et de graves atteintes aux droits humains, y compris le recours à la torture et à d’autres mauvais traitements.

Le 30 mars, le bureau du procureur général a conclu son enquête et transmis le dossier au tribunal. Le procès s’est ouvert le 15 avril devant le tribunal du district de Chohmansour, à Douchanbé. L’audience était publique, mais le juge a limité le nombre de personnes présentes dans la salle en raison des mesures de distanciation sociale liées à la pandémie de COVID-19. Le procureur a requis deux ans et quatre mois d’emprisonnement contre Daler Charipov en raison d’une centaine d’exemplaires d’un essai traitant de l’islam et de l’extrémisme qu’il avait publiés et diffusés de façon non officielle. Le 16 avril, le tribunal l’a déclaré coupable et condamné à une peine d’un an de prison, qui a été ramenée à neuf mois en tenant compte du temps déjà passé en détention provisoire.

Son avocat a indiqué que, lors de sa déclaration finale au tribunal, Daler Charipov avait rejeté le chef d’accusation retenu contre lui, mais reconnu qu’il avait pu se tromper dans l’essai sur la base duquel le juge avait pris sa décision. Il a également annoncé à des journalistes que Daler Charipov ne souhaitait pas faire appel de sa condamnation.

L’article 189 du Code pénal, au titre duquel Daler Charipov a été condamné, comporte une définition très large de l’« extrémisme » et le gouvernement l’emploie fréquemment pour faire taire ses détracteurs – avocats, militants politiques et journalistes notamment. Il prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 12 ans d’emprisonnement. Parmi les personnes qui ont été incarcérées au titre de l’article 189 figurent deux prisonniers d’opinion.

Khaïroullo Mirsaïdov, journaliste indépendant actuellement en exil, a été arrêté le 5 décembre 2017 après avoir publié une lettre ouverte adressée au président du Tadjikistan dans laquelle il dénonçait la corruption des pouvoirs publics locaux. Il a passé neuf mois en détention (https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/08/tajikistan-release-of-independent-journalist-a-rare-victory-for-freedom-of-expression/). L’avocat spécialiste des droits humains Bouzourgmekhr Iorov a quant à lui été condamné à 25 années de prison en 2015 pour diverses accusations, notamment au titre de l’article 189, à la suite de son travail en tant qu’avocat représentant des personnes liées à l’opposition politique. En 2019, sa peine a été réduite à 22 ans dans le cadre d’une mesure de grâce collective (https://www.amnesty.org/en/documents/eur60/6266/2017/en/).

Dans ses observations finales concernant le troisième rapport périodique du Tadjikistan, publiées en 2019, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait part de ses préoccupations au sujet du « harcèlement dont sont victimes les journalistes et les professionnels des médias indépendants qui ont une attitude critique à l’égard des politiques publiques et d’autres questions d’intérêt public, notamment […] les poursuites engagées contre elles sur la base de fausses accusations ». Il a appelé le Tadjikistan à « [o]ffrir aux journalistes et aux professionnels des médias indépendants une protection efficace contre toute forme d’intimidation et éviter d’invoquer les dispositions de la législation civile et de la législation pénale, dont les dispositions relatives à l’extrémisme, ainsi que d’autres dispositions, pour étouffer les critiques portant sur des questions d’intérêt public ».

Les autorités affirment qu’il n’y a aucun cas de COVID-19 au Tadjikistan. Néanmoins, elles ont imposé certaines mesures pour limiter le risque de propagation de cette maladie, telles que la fermeture des frontières et l’arrêt des visites dans tous les centres de détention.

Le Comité des droits de l’homme a également recommandé dans ses observations aux autorités tadjikes de prendre sans délai des mesures à l’égard du traitement des personnes détenues, des sanctions cruelles infligées pour les infractions aux règlements des prisons, de la surpopulation carcérale et du manque d’installations sanitaires et de soins médicaux adaptés dans les lieux de détention. Ces conditions favorisent la propagation des maladies infectieuses et rendent les prisonniers particulièrement vulnérables au COVID-19.

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