Écrire Un jeune bahreïnite pris pour cible dans le cadre de représailles visant sa famille

Kameel Juma Hasan, lycéen bahreïnite, est incarcéré à titre de représailles exercées contre lui et sa famille.

Lui-même et sa mère ont en effet refusé de devenir des informateurs et sa mère s’est exprimée dans la presse internationale.

Il est inculpé de plus de 20 chefs d’accusation découlant de sa participation présumée à des manifestations de l’opposition.

Kameel Juma Hasan est le fils de Najah Yusuf Ahmed, ancienne prisonnière déclarée coupable et détenue pendant plus de deux ans pour des accusations portant sur la publication en ligne de contenus opposés au gouvernement. Le 23 avril 2017, Kameel, alors âgé de 14 ans et encore collégien, a été convoqué avec sa mère pour être interrogé au sujet d’accusations de « rassemblement illégal », « hooliganisme » et « production et possession d’engins inflammables ou explosifs » (sans doute des cocktails Molotov).

Alors qu’il se trouvait au centre des interrogatoires ce jour-là, un tribunal l’a déclaré coupable de ces accusations dans le cadre d’un procès manifestement inique, en son absence et en l’absence de son avocat, et l’a condamné à un an de mise à l’épreuve. Sa famille n’a jamais été informée qu’une audience était prévue à cette date et n’a appris le jugement que plus tard.

Najah Yusuf Ahmed a relaté dans des interviews qu’au cours des interrogatoires d’elle-même et de son fils, en avril 2017, au bureau de Muharraq de la Direction des enquêtes criminelles (service de la police de Bahreïn chargé des interrogatoires), des agents du renseignement ont exigé que la mère et le fils deviennent des informateurs pour renseigner le gouvernement sur les activités de l’opposition dans le secteur de Murqoban, à Sitra, où vivait la famille. Ces agents ont menacé de se venger de Kameel, en se servant des accusations pénales portées contre lui comme moyen de coercition, et ont menacé Najah de tuer des membres de sa famille, en maquillant ces meurtres en accident, si tous deux refusaient de travailler comme informateurs.

Najah Yusuf Ahmed a affirmé depuis son arrestation qu’elle avait été frappée et soumise à des agressions sexuelles par les agents chargés de l’interroger. Elle a refusé de devenir une informatrice pendant plusieurs jours d’interrogatoire et de violences, et a ensuite été placée en détention provisoire, poursuivie et emprisonnée pour diffusion en ligne de contenus favorables à l’opposition. Une fois libérée, elle a raconté son expérience aux médias britanniques (The Independent, la BBC). Amnesty International a évoqué son affaire à plusieurs reprises.

Plus tard en 2017, après l’incarcération de sa mère, Kameel Juma Hasan a de nouveau été convoqué pour une nouvelle série d’accusations liées à sa participation présumée à une manifestation violente. Comme il avait déjà fait l’expérience de la coercition lors de ses interrogatoires et avait été condamné dans le cadre d’un procès inique, il n’a pas répondu à cette convocation.

Le 26 novembre 2017, un tribunal bahreïnite l’a déclaré coupable de ces accusations en son absence, statuant qu’il avait enfreint les termes de sa mise à l’épreuve et ordonnant son placement en détention pour le reste de sa période de mise à l’épreuve dans un centre pour mineurs. Il ne s’est pas présenté pour purger sa détention et a donc basculé dans la catégorie des personnes recherchées. Il a réussi à passer ses examens de fin de collège, au printemps 2018, mais est ensuite entré en clandestinité totale et n’a donc pas pu démarrer le lycée à l’automne 2019, à partir de septembre.

En 2018 et 2019, Kameel Juma Hasan a régulièrement fait l’objet de convocations, d’accusations et de poursuites, dont six poursuites fondées exclusivement sur des accusations de « rassemblement illégal » et de « hooliganisme », et plus d’une dizaine d’autres liées à la participation à des manifestations. Au total, Bahreïn a formulé au moins 22 poursuites distinctes contre Kameel découlant de sa participation présumée à des manifestations.

Dans le cadre d’une de ces poursuites, il a 38 coaccusés, dont 13 autres mineurs – un nombre particulièrement élevé dans le cadre d’une même affaire, ce qui rend impossible la tâche de déterminer la responsabilité pénale individuelle et bafoue donc le droit à un procès équitable. Tous ses coaccusés, tout comme Kameel et sa famille, sont chiites. Sa région natale, l’île de Sitra, est presque exclusivement chiite et les habitant·e·s de Sitra sont souvent considérés avec suspicion par le gouvernement sunnite de Bahreïn. Les autorités carcérales ont récemment confisqué des objets religieux (des exemplaires du coran et des chapelets) appartenant à Kameel et à d’autres prisonniers chiites.

Fin 2019, les accusations visant Kameel se sont enchaînées si rapidement qu’il aurait parfois dû assister à différentes audiences dans le cadre d’affaires distinctes pendant la même journée. Confronté aux menaces croissantes visant le reste de sa famille, son père, son frère et ses cousins étant convoqués et interrogés sur le lieu où il se trouvait, il a finalement décidé de se rendre après une nouvelle convocation, au poste de police de Nabih Saleh, le 31 décembre 2019. Il a été transféré plus tard le même jour à l’Académie de la police royale, où des sources d’Amnesty affirment qu’il a été frappé et contraint à des positions douloureuses (station debout).

Quelques jours plus tard, il a été emmené pour signer une déclaration d’« aveux » déjà rédigés, qu’il n’avait pas eu la possibilité de lire. Étant donné la prolifération d’affaires identiques à son encontre, le contexte et le calendrier – les poursuites officielles contre Kameel se faisant plus agressives au fur et à mesure que sa mère continuait de parler de son propre calvaire – les poursuites et son incarcération semblent correspondre à des représailles visant sa mère.

Kameel Juma Hasan avait 16 ans au moment de sa détention et était donc légalement mineur au titre de l’article 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, à laquelle Bahreïn est partie.

Toutefois, Bahreïn traite les individus âgés de plus de 15 ans comme des adultes dans le cadre de poursuites pénales depuis 1976, une position réaffirmée dans la modification de la Loi sur les mineurs de 2014 (Décret-loi n° 17 de 1976 sur les mineurs, Art. 1, et Loi n° 15 de 2014 modifiant cette disposition). Les mineurs âgés de moins de 15 ans peuvent aussi faire l’objet de diverses procédures disciplinaires qui ne sont pas des poursuites pénales pour avoir participé à des manifestations, au titre de la législation bahreïnite (Loi sur les mineurs, sous sa forme amendée par le Décret-loi n° 23 de 2013, Articles 2.8 et 6).

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