Écrire Des défenseurs des droits humains ont vu leurs locaux attaqués

Le personnel des instituts d’aide juridictionnelle d’Indonésie et de Djakarta a été menacé par de violents manifestants « anti-communistes » qui ont encerclé ses locaux. Depuis lors, ces organisations ont fermé, craignant pour la sécurité de leur personnel. Les autorités indonésiennes doivent prendre des mesures pour protéger ces défenseurs des droits humains et veiller à ce qu’ils puissent poursuivre leurs activités.

Le 17 septembre 2017, vers 21 heures, les locaux des instituts d’aide juridictionnelle d’Indonésie (YLBHI) et de Djakarta (LBH Djakarta) ont été encerclés par des personnes se présentant comme « anticommunistes », à la suite d’accusations selon lesquelles ces organisations accueillaient un séminaire sur le Parti communiste indonésien (PKI), un mouvement interdit, et sur les violations massives des droits humains commises en 1965, qui auraient fait entre 500 000 et un million de morts. En réalité, l’événement en question était une performance réalisée par des artistes et des militants, qui portait sur la répression récente de la liberté d’expression et du droit de réunion pacifique en Indonésie.

Les manifestants en colère ont empêché quiconque de quitter le bâtiment, criant qu’ils étaient prêts à tout pour éradiquer la menace « communiste » et menaçant de faire fermer les deux organisations. La police, dirigée par le chef des Forces de police de Djakarta (Kapolda), a tenté d’expliquer à la foule qu’aucun séminaire sur le PKI ou les événements de 1965 n’avait lieu, mais ses efforts pour disperser les manifestants ont échoué.

La foule, qui réunissait alors près d’un millier de manifestants, a commencé à jeter des pierres sur les locaux des deux organisations vers 1 heure du matin le 18 septembre, et a détruit les clôtures d’enceinte en essayant d’entrer. Des centaines de policiers, qui avaient commencé à assurer la protection des locaux dans l’après-midi du 17 septembre, ont finalement dû recourir à la force pour disperser les manifestants violents, après avoir été pris pour cible et touchés par des pierres. Amnesty International Indonésie a suivi la situation et a constaté que, malgré l’escalade des menaces contre le bâtiment et les personnes qui s’y trouvaient, la police réagissait de manière appropriée aux événements.

Bien que l’Indonésie ait connu une amélioration de l’exercice du droit à la liberté d’expression ces 20 dernières années, une culture du silence prévaut en ce qui concerne les débats sur les atrocités de 1965. Ces menaces et attaques persistantes contre le personnel des instituts d’aide juridictionnelle d’Indonésie et de Djakarta envoient un message dissuasif aux autres défenseurs des droits humains dans le pays, qui subissent déjà un rétrécissement de l’espace civil dans lequel ils mènent leurs activités en matière de droits fondamentaux.

Le 16 décembre 2017, la veille des attaques contre les locaux des instituts d’aide juridictionnelle d’Indonésie et de Djakarta, la police a interdit la tenue, au même endroit, d’un séminaire fermé. Il s’agissait d’un débat de survivants sur la vérité historique au sujet des violations massives des droits humains commises en 1965.

De 1965 à 1966, on estime qu’entre 500 000 et un million de personnes ont été victimes d’homicides illégaux, et des centaines de milliers d’autres placées en détention sans jugement pour des périodes allant de quelques jours à plus de 14 ans, lors de l’offensive systématique lancée par l’armée indonésienne contre les membres du Parti communiste indonésien (PKI) et ses sympathisants présumés.

La Commission nationale des droits humains (Komnas HAM) a mené pendant trois ans une enquête sur les violations des droits humains commises en 1965, qu’elle a achevée en juillet 2012. Elle a conclu que les éléments découverts correspondaient à des violations flagrantes des droits fondamentaux, notamment des crimes contre l’humanité, telles que définies par la Loi n° 26/2000 sur les tribunaux des droits humains. La Komnas HAM et d’autres organisations de défense des droits humains ont recueilli des informations sur toute une série de violations des droits fondamentaux commises pendant cette période : homicides illégaux, actes de torture, disparitions forcées, viols, esclavage sexuel et autres violences sexuelles, esclavage, arrestations et placements en détention arbitraires, déplacements forcés et travaux forcés, entre autres.

Nombre de victimes et familles de victimes ont également vu leurs droits sociaux, économiques et culturels bafoués. Aujourd’hui encore, elles sont en butte à des discriminations en droit et en pratique. À ce jour, rien n’indique que les autorités aient l’intention d’ouvrir une information judiciaire. Parallèlement, les initiatives visant à établir la commission vérité au niveau national sont au point mort, en raison d’une absence de volonté politique.
Ces dernières années, de nombreuses actions ont été menées par les forces de sécurité indonésiennes ou par des milices pour tenter d’empêcher la tenue de débats privés et d’événements publics concernant les violations massives des droits humains commises en 1965.

À Amboine (province des Moluques), les organisateurs d’un débat, après avoir été intimidés par la police le 18 mars 2017, ont été contraints de déplacer l’événement dans une église pour qu’il puisse avoir lieu. Le débat portait sur les conclusions du Tribunal international des peuples 1965 (TPI 1965), une initiative de la société civile visant à sensibiliser l’opinion internationale aux violations massives des droits humains commises en 1965. Plus récemment, le 1er août 2017, la police locale et l’armée ont dispersé les participants d’un atelier qui était organisé à Djakarta et visait aussi à diffuser les conclusions du TPI 1965. Les forces de sécurité se sont également livrées à des actes d’intimidation à Bandung et à Cirebon (Java-Ouest), Semarang (Java central), Surabaya (Java-Est) et Yogyakarta (anciennement Djokjakarta). Dans d’autres cas, des groupes de miliciens voulant faire justice eux-mêmes ont également dispersé des événements.

Voir https://www.amnesty.org/fr/documents/asa21/6908/2017/fr/.
Dans au moins 39 cas depuis 2015, selon des organisations locales de défense des droits humains, les autorités ou des groupes de particuliers ont dispersé des événements portant sur les violations de 1965 et intimidé les personnes participant à ces événements.

Ces restrictions à la liberté d’expression et de réunion pacifique liées aux événements de 1965 sont en contradiction avec les initiatives du président Joko Widodo, qui s’est engagé à faire face à toutes les violations des droits humains et atteintes à ces droits commises dans le pays, y compris celles de 1965. En avril 2016, le gouvernement a organisé une conférence intitulée « Examiner la tragédie de 1965 : une approche historique » (Membedah Tragedi 1965 : Pendekatan Kesejarahan), qui a réuni des survivants, des universitaires, des défenseurs des droits humains, des artistes, d’anciens membres de l’armée indonésienne et des représentants de l’État, afin d’évoquer les événements de 1965. L’une des principales recommandations formulées au cours de la conférence était que les autorités mettent fin à toute forme de restriction apportée à la liberté d’expression et de réunion lors de tout débat public portant sur les violations massives des droits humains commises en 1965.

Amnesty International maintient que les victimes et familles de victimes des violations de 1965 ont le droit de se réunir pacifiquement pour discuter et échanger des informations et des idées sur le passé.

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