Écrire Un journaliste de Jérusalem risque d’être expulsé

Depuis le 22 janvier 2019, le photojournaliste palestinien Mustafa al Kharouf est détenu arbitrairement dans la prison de Givon, à Ramla, dans le centre d’Israël. Son arrestation a eu lieu après que le ministère de l’Intérieur israélien eut rejeté sa demande de regroupement familial avec son épouse et son enfant et ordonné son expulsion immédiate vers la Jordanie. Mustafa al Kharouf vit à Jérusalem-Est, sans statut légal, depuis 1999. Il risque d’être expulsé contre son gré à tout moment. Mustafa al Kharouf est un photojournaliste de l’Agence Anadolu. Il couvre les violations des droits humains commises par les forces israéliennes à Jérusalem-Est.

Mustafa al Kharouf est un photojournaliste palestinien âgé de 32 ans, né d’une mère algérienne et d’un père palestinien de Jérusalem. Il vit à Jérusalem-Est occupée avec son épouse, Tamam al Kharouf, et sa fille Asia, âgée de 18 mois. Il a quitté l’Algérie à l’âge de 12 ans avec sa famille pour s’établir à Jérusalem-Est.
Peu après le retour de la famille à Jérusalem-Est, celle-ci a déposé auprès des autorités israéliennes des demandes de regroupement familial pour obtenir un statut légal les autorisant à résider dans la ville. Cependant, il lui fallait apporter la preuve que Jérusalem était son « lieu de vie principal ». Cette condition, que les autorités israéliennes appliquent de manière discriminatoire aux Palestiniens de Jérusalem depuis 1988, oblige ceux-ci à prouver qu’ils maintiennent un « lieu de vie principal » dans la ville afin d’obtenir le statut juridique de résident permanent. La famille Al Kharouf a dû attendre six ans avant de remplir cette condition. Quand cela a été le cas, Mustafa al Kharouf avait atteint l’âge de 18 ans et sa famille ne pouvait plus présenter de demande d’enregistrement d’enfant ou de regroupement familial en son nom. De ce fait, il est devenu apatride.
Depuis lors, Mustafa al Kharouf a engagé une longue bataille juridique avec le ministère israélien de l’Intérieur pour tenter de faire reconnaître son statut de résident à Jérusalem-Est, sans résultat. Il détient un document de voyage jordanien temporaire, délivré par la Jordanie aux palestiniens apatrides qui vivent à Jérusalem-Est, ainsi qu’un visa de travail B\1 qui lui a été accordé pour raisons humanitaires et qui n’était valable que du 27 octobre 2014 au 1er octobre 2015. En décembre 2015, Mustafa al Kharouf a été informé que la commission chargée de délivrer des visas pour raisons humanitaires au sein du ministère de l’Intérieur envisageait de rejeter sa demande de prolongation de visa sur la base d’informations secrètes fournies par l’Agence israélienne de sécurité.
En juin 2016, Mustafa al Kharouf a reçu une réponse indiquant que le ministère de l’Intérieur avait refusé de renouveler son visa de travail B\1 pour des « raisons de sécurité ». Son avocat, Adi Lustigman, de l’organisation israélienne de défense des droits humains HaMoked (Centre pour la défense de l’individu), pense que les refus du ministère sont liés au travail que Mustafa al Kharouf effectue en tant que photojournaliste pour couvrir les violations des droits humains commises par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est. En mai 2017, l’avocat de Mustafa al Kharouf a formé un recours auprès de la cour d’appel pour contester cette décision. Après des négociations, le ministère de l’Intérieur a permis à Mustafa al Kharouf de déposer une demande de regroupement familial et de rester chez lui, à Jérusalem-Est, jusqu’à ce qu’une décision soit prise. Cependant, le ministère de l’Intérieur a rejeté cette demande le 23 décembre 2018. Cette décision, selon l’avocat de Mustafa al Kharouf, est fondée sur une allégation non étayée selon laquelle Mustafa al Kharouf serait un activiste du Hamas, un mouvement politique palestinien doté d’une branche armée interdite par Israël, et serait impliqué dans des activités illégales.
Le 21 janvier 2019, l’avocat de Mustafa al Kharouf a formé un recours contre la décision de rejet de la demande de regroupement familial. Quelques heures plus tard toutefois, vers une heure du matin le 22 janvier 2019, la police israélienne et des inspecteurs de l’immigration, agissant sur la base d’un ordre d’expulsion émanant du ministère de l’Intérieur, ont fait une descente au domicile de Mustafa al Kharouf et l’ont arrêté. Depuis lors, il est incarcéré dans la prison de Givon, dans le Naqab (sud d’Israël). Le 3 avril, une cour israélienne de district a rejeté l’appel interjeté par Mustafa al Kharouf au sujet de sa demande de regroupement familial. La cour a ordonné à titre temporaire de ne pas l’expulser, afin qu’il puisse former un recours auprès de la Haute Cour d’Israël. Mustafa al Kharouf a jusqu’au 5 mai pour saisir la Haute Cour, faute de quoi il s’exposera à une expulsion forcée imminente vers la Jordanie.
Après la guerre de 1967, Israël a annexé illégalement Jérusalem-Est. Après l’annexion, Israël a réalisé un recensement de la population et accordé le statut de résident permanent aux Palestiniens qui vivaient dans les zones occupées, mais uniquement s’ils étaient présents au moment du recensement. Depuis lors, Israël a révoqué le statut de résident d’au moins 14 600 Palestiniens de Jérusalem-Est, selon le ministère israélien de l’Intérieur.
En vertu du droit international, Jérusalem-Est est considérée comme une partie intégrante des territoires palestiniens occupés et sa population palestinienne est par conséquent protégée par la Quatrième Convention de Geneve de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Il est interdit aux autorités israéliennes de transférer ou d’expulser contre leur gré des habitants palestiniens de Jérusalem-Est. La décision d’expulser Mustafa al Kharouf prise par Israël bafoue clairement l’article 49 de la Quatrième Convention de Genève, qui interdit l’expulsion de personnes protégées hors du territoire occupé. Au titre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), « la déportation ou le transfert [par la puissance occupante] à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire » constitue un crime de guerre.

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