Écrire La santé d’un détenu sahraoui est menacée

Mohamed Lamine Haddi, un militant sahraoui, souffre de problèmes de santé après avoir observé une grève de la faim pendant 69 jours afin de protester contre les mauvais traitements qu’il a subis à la prison de Tiflet II - à Rabat, au Maroc – et contre son maintien en détention à l’isolement depuis plus de trois ans.

En juillet 2017, ce militant a été condamné à 25 ans de prison après le procès collectif et inique de « Gdeim Izik », qui s’est appuyé sur des « aveux » arrachés sous la torture.

Les autorités doivent immédiatement fournir à Mohamed Lamine Haddi les soins médicaux nécessaires, mettre fin à sa détention à l’isolement et diligenter une enquête indépendante sur ses allégations de torture et ses conditions de détention.

Mohamed Lamine Haddi est un militant sahraoui ayant participé aux actions de protestation du camp de Gdeim Izik en 2010, en relation avec la situation sociale et économique des Sahraouis. En novembre 2010, il a été arrêté lors des violents affrontements ayant suivi le démantèlement du camp. En 2013, il a été condamné à 25 ans de réclusion pour participation et soutien à une « association de malfaiteurs », et participation à des violences contre des agents de la force publique ayant entraîné la mort avec l’intention de la donner, en vertu des articles 293, 129 et 267 du Code pénal marocain.

Le tribunal militaire ayant jugé Mohamed Lamine Haddi et d’autres Sahraouis n’a pas enquêté sur les allégations des accusés, selon lesquelles ils avaient été forcés à signer des « aveux » sous la torture. Un tribunal civil a confirmé sa condamnation en 2017, en s’appuyant sur les déclarations dont il a dit qu’elles lui avaient été arrachées sous la torture.

Selon l’avocat de Mohamed Lamine Haddi, durant sa première année à la prison de Tiflet II, il était uniquement autorisé à sortir de sa cellule 15 minutes par jour, seul. Depuis lors, il a la possibilité de passer une heure par jour hors de sa cellule, toujours seul. En hiver, il ne peut pas prendre de douches chaudes comme les autres détenus, et le 14 décembre 2020, le directeur de la prison a ordonné que tous ses effets personnels soient confisqués. Depuis son arrivée à Tiflet II, Mohamed Lamine Haddi ne peut recevoir la visite de son avocat, et les visites de sa famille ont été interdites en mars 2020.

Le contexte de la pandémie de COVID-19 ne justifie pas l’interdiction des parloirs avec la famille pour une période aussi longue. Le 16 janvier 2021, l’avocat de Mohamed Lamine Haddi a écrit au procureur et au directeur de la prison de Tiflet II afin de demander une enquête sur ses conditions de détention. Aucun des deux n’a répondu. Avant d’entamer sa grève de la faim, Mohamed Lamine Haddi a déclaré à son avocat qu’il préfèrerait mourir plutôt que continuer à subir les conditions prévalant à Tiflet II.

Mohamed Lamine Haddi a commencé à jeûner le 17 janvier 2021. Ses appels téléphoniques hebdomadaires d’une durée de 15 minutes à sa famille ont été interdits à compter du 22 février 2021. Dans une déclaration publiée le 13 mars 2021, sa famille a affirmé ne rien savoir de sa situation actuelle. Mohamed Lamine Haddi a été autorisé à parler au téléphone avec sa mère pendant une minute et demie le 23 mars ; il lui a dit que les autorités carcérales l’avaient nourri de force. Sa mère a expliqué à Amnesty International qu’il semblait très affaibli et pouvait à peine parler. Il lui a dit qu’il souffrait d’une paralysie partielle du côté gauche. Le 25 mars, Mohamed Lamine Haddi a pu appeler sa mère pour lui dire qu’il avait été temporairement transféré à la prison de Kenitra pour y passer des examens universitaires. Son transfert a été effectué sans que Mohamed Lamine Haddi ni sa famille n’en aient été notifiés au préalable.

Mohamed Lamine Haddi a dit à ses proches qu’il continue à souffrir d’une paralysie partielle, ainsi que de pertes de mémoire et de douleurs à la main gauche. Les autorités carcérales continuent à le priver du droit de voir un médecin. Les autorités ont fait de même avec Abdeljalil Laaroussi, un militant sahraoui, en 2017. L’avocat d’Abdeljalil Laaroussi a déclaré à Amnesty International qu’afin de dissimuler son état de santé, les autorités l’ont transféré à la prison de Bouzarkene afin qu’il y passe des examens universitaires, et l’ont forcé à être photographié.

Deux autres détenus de Gdeim Izik, Sidi Abdallah Abbahah et Bachir Khadda, sont également détenus à l’isolement à Tiflet II, à 1 227 km d’El Ayoun, où vivent leurs proches. Selon leur avocat, ils sont tous victimes de torture psychologique, de harcèlement et de mauvais traitements. Ils passent au moins 23 heures par jour dans des cellules d’environ 5 m². Sidi Abdallah Abbahah a déclaré à leur avocat que les gardiens et le directeur de la prison les insultent fréquemment et les menacent de torture, de mort et de les priver du droit de prendre une douche. Depuis 2017, ils ont fait plusieurs grèves de la faim afin de protester contre leur placement prolongé à l’isolement et les mauvais traitements qu’ils subissent.

Les normes internationales relatives aux droits humains, telles que l’Ensemble révisé de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus, définissent la détention à l’isolement comme l’isolement d’un détenu pendant 22 heures par jour ou plus, sans contact humain réel. Elles disposent qu’une détention prolongée à l’isolement - soit plus de 15 jours consécutifs - est considérée comme un traitement cruel, inhumain, ou dégradant. En vertu de la législation pénitentiaire marocaine, la détention à l’isolement doit être une mesure exceptionnelle, uniquement imposée à titre de protection pour les prisonniers. Par ailleurs, le Code pénal marocain érige la torture en infraction.

Le Sahara occidental fait l’objet d’une querelle territoriale entre le Maroc, qui a annexé ce territoire en 1975 et revendique sa souveraineté sur place, et le Front populaire pour la libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario), qui appelle à la création d’un État indépendant sur ce territoire. Ces dernières années, il est devenu de plus en plus difficile pour les observateurs extérieurs de se rendre dans le Sahara occidental tandis que la situation des droits humains a continué à se dégrader.

Le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pour l’instant pas pris en considération les appels d’Amnesty International et d’autres organisations visant à les inciter à inclure une dimension relative aux droits humains à la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, qui permettrait un suivi et la remontée d’informations sur les atteintes aux droits humains.

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