Écrire Une militante défendant le droit à l’avortement risque d’être jugée

La défenseure des droits humains Vanessa Mendoza Cortés pourrait bientôt comparaître devant les tribunaux pour avoir défendu en 2019 les droits des femmes en Andorre, notamment le droit à l’avortement, devant un organisme expert de l’ONU.

Si elle est reconnue coupable, elle encourt une lourde amende et une inscription sur son casier judiciaire.

Les autorités doivent abandonner les poursuites intentées contre Vanessa Mendoza Cortés, au seul motif qu’elle a exercé son droit à la liberté d’expression et défendu les droits des femmes, notamment les droits en matière de sexualité et de procréation, et prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’accès à un avortement sûr et légal en Andorre.

Vanessa Mendoza Cortés, psychologue, préside l’association de défense des droits des femmes Stop Violence (Associació Stop Violències en catalan), qui s’attache à lutter contre les violences fondées sur le genre, défend les droits en matière de sexualité et de procréation, et prône l’avortement sûr et légal en Andorre.

Dans la Principauté d’Andorre, qui compte une population d’environ 77 000 habitant·e·s, l’avortement est totalement interdit. Andorre et Malte sont les deux seuls pays d’Europe dotés de lois aussi draconiennes sur l’avortement. De ce fait, les personnes souhaitant avorter sont obligées de se rendre à l’étranger, principalement en France et en Espagne, pour obtenir les soins auxquels elles ont droit. Celles qui ne peuvent pas s’y rendre en raison du coût ou de leur situation incertaine vis-à-vis de la loi sont exposées à un risque accru de violations des droits humains. L’association Stop Violence aide les femmes et les jeunes filles enceintes à accéder à l’avortement à l’étranger et milite en faveur de l’accès à un avortement sûr et légal en Andorre. Militante bien connue en Andorre, Vanessa Mendoza Cortés est la principale porte-parole de cette association.

En octobre 2019, Vanessa Mendoza Cortés a assisté à la quatrième session de l’Examen périodique d’Andorre mené par le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, où elle s’est exprimée sur diverses questions relatives aux droits des femmes, notamment sur l’impact néfaste de l’interdiction totale de l’avortement sur les femmes et les jeunes filles en Andorre. Peu après, le gouvernement d’Andorre a déposé une plainte auprès du ministère public, faisant valoir que ses déclarations portaient atteinte « au prestige et à la bonne réputation » du gouvernement.

En juillet 2020, elle a été inculpée de « diffamation avec publicité » (article 172 du Code pénal), de « diffamation contre les coprinces » (article 320 du Code pénal) et de « délits contre le prestige des institutions » (article 325 du Code pénal). Elle encourt de lourdes peines, notamment une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans d’emprisonnement et une amende maximale de 30 000 euros. En 2021, le ministère public a abandonné deux chefs d’accusation, qui étaient passibles de peines de prison. En octobre 2022, un juge a émis un acte d’inculpation à son encontre pour des « délits contre le prestige des institutions » présumés, ce qui peut lui valoir une lourde amende et un casier judiciaire si elle est reconnue coupable.

Les preuves présentées par le ministère public à l’encontre de Vanessa Mendoza Cortés figurant également dans l’acte d’inculpation font référence au contenu du rapport alternatif présenté par Stop Violence au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de l’ONU en 2019. Il comprend également des déclarations médiatiques faites par Vanessa Mendoza Cortés, dans lesquelles elle critique la position de l’évêque d’Urgell et coprince d’Andorre contre la dépénalisation de l’avortement, et exprime des préoccupations sur les actions gouvernementales affectant les droits des femmes. Aucune date n’a encore été fixée pour son procès.

Amnesty International craint que les autorités andorranes ne se servent des lois sur la diffamation dans le but ou avec pour conséquence de museler toute critique du gouvernement ou des fonctionnaires de l’État, en violation du droit à la liberté d’expression garanti par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il faut supprimer du Code pénal les lois sur la diffamation conçues pour protéger les institutions étatiques, afin de les aligner sur les normes internationales relatives aux droits humains : les dispositions législatives visant à protéger le droit à l’honneur et à la réputation doivent avoir pour but de protéger les individus et non des notions abstraites ou des institutions étatiques. La diffamation écrite et orale ne doit jamais constituer une infraction pénale. Pourtant, en décembre 2022, le Parlement d’Andorre (Consell General en catalan) a voté contre l’abrogation de l’article 325 du Code pénal (délits contre le prestige des institutions), invoqué contre Vanessa Mendoza Cortés.

En outre, d’après les résolutions 12/2 (2009) et 24/24 (2013) du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, les actes d’intimidation à l’encontre de ceux qui cherchent à coopérer ou coopèrent avec les Nations unies, leurs représentant·e·s et leurs mécanismes dans le domaine des droits humains, ou qui leur fournissent des témoignages ou des informations, constituent des actes de représailles auxquels il faut mettre fin et remédier. Les poursuites engagées contre Vanessa Mendoza Cortés pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et les efforts concertés visant à délégitimer ses actions de défense des droits des femmes et des filles, et en particulier de leurs droits en matière de sexualité et de procréation, s’inscrivent dans une pratique globale d’intimidation visant à empêcher les femmes défenseures des droits humains de contester la discrimination et de promouvoir l’égalité, en particulier lorsque leur travail défie les structures traditionnelles et les normes sociales patriarcales.

En 2021, au cours de l’Examen périodique universel mené par l’ONU, qui évalue le bilan des États membres de l’ONU en termes de droits humains, il a été demandé à Andorre de s’abstenir d’exercer des actes de harcèlement judiciaire, de représailles et d’intimidation à l’encontre des défenseur·e·s des droits humains, de modifier les lois sur la diffamation, de dépénaliser l’avortement et de rendre son accès sûr et légal dans le pays.

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