Écrire Le médiateur abandonne les charges de corruption retenues contre Leila de Lima

Le 9 août, le Bureau du médiateur des Philippines a rejeté les plaintes pour corruption déposées contre la prisonnière d’opinion et ancienne sénatrice Leila de Lima, en invoquant des divergences entre les dépositions des témoins.

Le rejet de ces plaintes - qui intervient alors que plusieurs témoins, il y a quelques mois, sont revenus sur leurs dépositions contre Leila de Lima au sujet des infractions à la législation sur les stupéfiants qui lui sont reprochées - vient s’ajouter aux éléments de plus en plus nombreux qui tendent à démontrer l’existence d’initiatives concertées visant à la persécuter et à forger de toutes pièces des éléments de preuve pour l’incriminer.

Amnesty International appelle les autorités à réexaminer de toute urgence et de manière impartiale les autres charges qui pèsent sur elle, afin que celles-ci soient abandonnées et que Leila de Lima soit libérée immédiatement.

La prisonnière d’opinion et ancienne sénatrice Leila de Lima, détenue au siège de la police nationale des Philippines depuis son arrestation le 24 février 2017, est l’une des personnes qui ont dénoncé le plus vigoureusement les violations des droits humains commises sous la présidence de Rodrigo Duterte. Au cours des cinq années qui se sont écoulées depuis l’arrestation de Leila de Lima, Amnesty International a déclaré à maintes reprises que les charges retenues contre elle étaient dénuées de fondement et que les dépositions des supposés témoins à charge étaient forgées de toutes pièces Lorsqu’il a rejeté, le 9 août 2022, les plaintes de 2018 pour corruption directe et indirecte visant Leila de Lima et son ancien assistant Ronnie Dayan - déposées par une unité spéciale du Bureau du médiateur des Philippines -, le médiateur lui-même a souligné l’existence de contradictions entre les déclarations des témoins quant à la façon dont les pots-de-vin supposés avaient été payés à Leila de Lima, notamment en ce qui concerne le nombre de versements, ainsi que la remise, directe ou indirecte, des sommes concernées à Leila de Lima.

Ces plaintes – qui sont distinctes des charges d’infraction à la législation sur les stupéfiants pour lesquelles Leila de Lima est poursuivie et détenue depuis maintenant cinq ans – renvoient aux allégations selon lesquelles elle et Ronnie Dayan auraient reçu de l’argent de Kerwin Espinosa, ancien témoin de l’accusation et, de son propre aveu, trafiquant de drogue, en contrepartie d’une protection pour les activités illégales de celui-ci.

Auparavant, en avril 2022, Kerwin Espinosa était revenu sur son témoignage antérieur, dans lequel il avait affirmé avoir versé au total 8 millions de pesos (environ 152 000 dollars des États-Unis) issus d’un trafic de stupéfiants à Leila de Lima lorsqu’elle était ministre de la Justice, par l’intermédiaire de Ronnie Dayan. Lors d’une audience au Sénat en 2016, Kerwin Espinosa avait déclaré que Ronnie Dayan l’avait appelé en 2015 pour lui demander de l’argent afin de financer la campagne sénatoriale de Leila de Lima, en contrepartie d’une protection, Kerwin Espinosa étant lui-même impliqué dans le trafic de stupéfiants.

Rafael Ragos, ancien chef par intérim du Bureau d’application des peines, est également revenu en avril 2022 sur ses déclarations incriminant Leila de Lima, et a indiqué qu’il avait été contraint d’« inventer des histoires » par Vitaliano Aguirre, ancien ministre de la Justice, et par d’autres hauts fonctionnaires. Rafael Ragos avait précédemment témoigné qu’en 2012, il avait déposé à deux reprises de l’argent provenant de détenus de la prison de New Bilibid au domicile de Leila de Lima, à l’époque où elle était ministre de la Justice, pour financer sa campagne sénatoriale. Rafael Ragos avait fait partie des accusés dans le cadre de la même affaire que Leila de Lima et Ronnie Dayan. Cependant, les charges retenues contre Rafael Ragos avaient été abandonnées quand il avait accepté de témoigner contre elle. Vitaliano Aguirre, depuis lors, a démenti les accusations de Rafael Ragos à son encontre.

Ronnie Dayan, de même, est revenu le 13 mai 2022 sur sa déposition de 2016, selon laquelle il avait collecté de l’argent lié au trafic de stupéfiants auprès de Kerwin Espinosa pour le compte de Leila de Lima, son employeuse de l’époque, alors qu’elle était encore ministre de la Justice. Coprévenu de l’ancienne sénatrice dans l’une des deux affaires encore en instance contre elle, Ronnie Dayan a déclaré que l’ancien député du Mindoro oriental, Rey Umali, décédé en janvier 2021, l’avait contraint à témoigner contre Leila de Lima lors des enquêtes du Congrès de 2016 sur le trafic de stupéfiants dans la prison de New Bilibid.

Avant l’investiture du gouvernement de Ferdinand Marcos Jr, le ministre de la Justice, Jesus Crispin Remulla, a déclaré que l’abandon des charges retenues contre Leila de Lima était possible, ajoutant que les rétractations des témoins étaient un « signal d’alarme » légitimant les inquiétudes quant à la procédure judiciaire à l’encontre de Leila de Lima.

En juillet 2022, le Bureau national d’enquête (NBI) des Philippines a porté plainte pour meurtre contre 22 policiers à la suite de la mort, en mai et juin 2020, de huit détenus en vue incarcérés à la prison de New Bilibid pour des infractions en relation avec les stupéfiants. Parmi les victimes figurait Jaybee Sebastian, témoin clé dans les poursuites lancées contre Leila de Lima. Le NBI a déclaré que ces détenus avaient été assassinés, contrairement aux informations figurant dans les documents du Bureau d’application des peines, selon lesquelles leur mort était due au COVID-19.

L’arrestation de Leila de Lima, en 2017, est survenue alors qu’elle tentait d’enquêter sur les violations commises dans le contexte de la « guerre contre la drogue », qui s’est traduite par des milliers d’exécutions extrajudiciaires visant des personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants, et par d’autres violations des droits humains, assimilables à des crimes contre l’humanité. Comme Leila de Lima, les victimes de ces violations et leurs proches n’ont guère obtenu justice, et les responsabilités n’ont quasiment jamais été établies.

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit