Écrire Les magistrats tunisiens limogés doivent être rétablis dans leurs fonctions

Tunisie magistrats magistrat·es

Pour AGIR : copiez-collez le modèle de lettre ci-dessous dans le cadre bleu en l’adressant à la Ministre de la Justice tunisienne Leila Jaffel, en l’envoyant à l’adresse info@e-justice.tn, avec copie à l’Ambassade de la République tunisienne en Belgique : at.belgique@diplomatie.gov.tn.

Vous pouvez aussi personnaliser votre email avant de l’envoyer, cela augmentera la probabilité qu’il arrive dans la boîte de réception du Responsable du pouvoir judiciaire. Veillez à ce que votre courrier électronique soit respectueux et persuasif - n’utilisez pas de langage haineux. Expliquez que vous suivrez de près cette campagne et que vous en parlerez à d’autres personnes.

Pour que nous puissions faire un suivi des actions, merci de mettre action@amnesty.be en copie cachée (Cci) de votre mail.

Le 1er juin, le président Kaïs Saïed a révoqué arbitrairement 57 magistrat·e·s en invoquant de vagues motifs - entrave à des enquêtes liées au terrorisme, corruption financière, « corruption morale », « adultère » et participation à des « soirées alcoolisées », entre autres.

Le 10 août, le tribunal administratif de Tunis, statuant en urgence, a ordonné la réintégration de 49 des 57 magistrat·e·s, mais les autorités, jusqu’ici, n’ont pas respecté cette décision.

Le ministère de la Justice doit se conformer immédiatement au jugement du tribunal en rétablissant sans délai dans leurs fonctions tous les magistrat·e·s révoqués arbitrairement.

Depuis qu’il s’est adjugé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed s’est attaqué à plusieurs reprises au droit à un procès équitable et à l’indépendance de la magistrature. Le 1er juin 2022, il a publié le décret-loi n° 2022-35, qui l’autorise à révoquer tout magistrat sans préavis, sur la base de rapports d’« autorités compétentes » (non précisées) faisant état d’une atteinte à la « sécurité publique » ou à l’« intérêt supérieur du pays » en raison d’un fait « de nature à compromettre la réputation du pouvoir judiciaire, son indépendance ou son bon fonctionnement ». Le jour même, il a limogé 57 magistrats et magistrates, dont les noms ont été publiés au Journal officiel. Il a annoncé leur révocation lors d’un discours filmé au cours duquel il les a accusés, entre autres, d’entrave à des enquêtes liées au terrorisme, de corruption financière, de « corruption morale » et d’« adultère ». Dans le courant de la journée, les noms des 57 juges et procureurs révoqués sont parus au Journal officiel.

Le président Saïed s’était déjà attaqué au pouvoir judiciaire auparavant. Le 12 février 2022, il a ainsi pris le décret-loi n° 2022-11, par lequel il a dissous le Conseil supérieur de la magistrature, un organe composé de magistrat·e·s et de spécialistes juridiques, financiers, fiscaux et comptables en majorité élus par leurs pairs, qui avait été créé après la révolution de 2011 en Tunisie pour superviser le fonctionnement de l’appareil judiciaire et le protéger de toute ingérence du pouvoir exécutif. Le président Saïed a remplacé ce conseil par une instance provisoire dont il nomme une partie des membres, et s’est octroyé, dans le même décret, le pouvoir d’intervenir dans la nomination, la carrière et la révocation des magistrat·e·s.

Le 10 août 2022, le tribunal administratif de Tunis, statuant en urgence, a ordonné la réintégration immédiate de 49 des 57 magistrat·e·s révoqués arbitrairement. Ce jugement n’est pas susceptible d’appel et doit être appliqué immédiatement, en vertu de l’article 41 de la Loi n° 72-40 relative au tribunal administratif. Pourtant, le ministère de la Justice a jusqu’ici refusé de se conformer à cette décision. Près d’un mois après le jugement, les magistrat·e·s n’ont pas été réintégrés, au mépris total de la décision du tribunal et de l’état de droit.

À la suite de la décision du tribunal administratif, le ministère de la Justice, le 14 août, a publié sur sa page Facebook un communiqué indiquant que les magistrat·e·s révoqués au titre du décret n° 2022-35 du 1er juin 2022 faisaient l’objet d’une enquête pénale. Le 20 août, dans un second communiqué, le ministère de la Justice a donné de plus amples informations sur les procédures pénales engagées, indiquant que le ministère public avait ouvert 109 dossiers liés à des infractions à caractère financier et économique et à des crimes terroristes. Cependant, selon l’un des conseils des 57 magistrat·e·s avec qui Amnesty International s’est entretenue, aucun des magistrat·e·s n’a été informé officiellement des poursuites judiciaires à son encontre, et ils ne sont toujours pas autorisés à consulter leur dossier dans le cadre de ces procédures. Le ministère de la Justice, en tout état de cause, doit réintégrer les magistrat·e·s et, si des allégations dignes de foi font état d’actes répréhensibles constitutifs de fautes graves ou d’infractions pénales, ne doit engager contre ces personnes des procédures disciplinaires ou judiciaires que dans le plein respect des normes internationales.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe d’experts chargé de l’interprétation définitive du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui a un caractère contraignant pour la Tunisie, a souligné lorsqu’il a apporté des précisions sur l’obligation incombant à l’État de garantir le droit à un procès équitable (Observation générale n° 32) : « Les juges ne peuvent être révoqués que pour des motifs graves, pour faute ou incompétence, conformément à des procédures équitables assurant l’objectivité et l’impartialité, fixées dans la Constitution ou par la loi. La révocation d’un juge par le pouvoir exécutif, par exemple avant l’expiration du mandat qui lui avait été confié, sans qu’il soit informé des motifs précis de cette décision et sans qu’il puisse se prévaloir d’un recours utile pour la contester, est incompatible avec l’indépendance du pouvoir judiciaire. »

Selon les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, adoptés par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en 2005, « [l]es magistrats exposés à des procédures disciplinaires, de suspension ou de destitution ont droit aux garanties qui s’attachent à un procès équitable, notamment au droit d’être représentés par un conseil de leur choix et à un réexamen indépendant des décisions liées à des procédures disciplinaires, de suspension ou de destitution. »

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit