Écrire Le Sénat doit s’opposer à la peine de mort

Des propositions de loi visant à rétablir la peine de mort aux Philippines sont pendantes devant le Sénat, dont la session a repris le 2 mai 2017. Bien que les Philippines soient parties à un traité international en vertu duquel elles sont tenues d’abolir ce châtiment, la Chambre des représentants a adopté des mesures allant dans le sens contraire.

Le 2 mai 2017, le Sénat des Philippines a repris sa session, au cours de laquelle il doit examiner huit propositions de loi distinctes prévoyant le rétablissement de la peine de mort pour toute une série d’infractions. Les débats sur ces mesures ont débuté en février, mais ont été suspendus le 14 février 2017, après l’adoption par le Sénat d’une résolution réaffirmant que l’extinction ou le retrait de traités internationaux ne peuvent être valides et effectifs qu’avec l’aval du Sénat lui-même. Cette résolution a bénéficié du soutien de 14 sénateurs sur 24.

Les Philippines, qui ont aboli complètement la peine de mort pour la deuxième fois en 2006, ont ratifié le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. En vertu de ce traité international, les exécutions sont catégoriquement interdites et les Philippines, en tant qu’État partie, sont tenues d’abolir la peine capitale. L’adoption de dispositions législatives réintroduisant ce châtiment dans le droit national serait contraire aux obligations qui incombent à cet État au titre de ce traité ; de plus, elle susciterait des interrogations quant à l’importance que les autorités attachent aux engagements internationaux des Philippines.

Le 7 mars, à l’issue de débats parallèles, la Chambre des représentants a adopté la proposition de loi n° 4727, qui prévoit le rétablissement de la peine capitale pour certaines infractions relatives aux stupéfiants. Ce texte, synthèse de plusieurs mesures adoptées le 29 novembre 2016 par la Sous-Commission de réforme judiciaire de la Commission Justice de la Chambre des représentants, a été adopté par 217 voix pour, 54 voix contre et une abstention. Dans le cas où le Sénat adopterait une mesure similaire, les deux propositions de loi devraient être conciliées avant que le Président ne promulgue le rétablissement de la peine de mort.

Les délibérations à la Chambre des représentants sur la proposition de loi visant à réintroduire la peine de mort ont été entachées d’irrégularités de procédure. Les débats ont été suspendus précipitamment, au cours de la semaine précédant le vote, par le chef de la majorité et le président de la Chambre, qui ont également fait pression pour que les votes en deuxième et troisième lectures aient lieu en moins d’une semaine. À la suite du vote final du 7 mars 2017, les dirigeants de la coalition majoritaire ont indiqué que 11 de leurs représentants, qui avaient voté contre la proposition de loi (notamment l’un des vice-présidents de la Chambre, l’ancienne présidente des Philippines Gloria Macapagal-Arroyo), seraient démis de leurs fonctions au sein du Congrès en mai 2017.

En vertu des dispositions législatives proposées, le Code pénal serait modifié de façon à prévoir l’application de la peine capitale dans certaines circonstances, notamment dans les affaires de meurtre, de trahison, de corruption, de viol, d’enlèvement, de vol, d’incendie volontaire, d’infractions à la législation sur les stupéfiants et de conspiration en vue de commettre des actes de « terrorisme ». De plus, ce châtiment deviendrait obligatoire pour certaines de ces infractions dans certains cas, et serait appliqué par injection létale entre 12 et 18 mois après confirmation par la Cour suprême.

Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, car il s’agit d’une violation du droit à la vie, qui est consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme, et du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. C’est une peine irréversible, prononcée et appliquée par des systèmes judiciaires qui ne sont pas à l’abri de la discrimination ni des erreurs. L’organisation déplore les propos tenus par les autorités philippines, qui, pour justifier le rétablissement de la peine capitale, affirment que ce châtiment permet de lutter contre la criminalité et de rendre justice aux victimes. Or, aucun élément convaincant ne prouve que la peine de mort ait un effet dissuasif.

Les statistiques de pays abolitionnistes montrent que les infractions précédemment passibles de ce châtiment n’augmentent pas quand il n’est plus appliqué, tandis que des éléments font apparaître que les approches punitives n’ont guère d’influence sur la consommation de stupéfiants.
Depuis qu’elles ont aboli la peine de mort en 2006, les Philippines ont joué un rôle essentiel dans la protection du droit à la vie à l’échelon international, notamment en promouvant l’abolition de ce châtiment. Elles ont soutenu et coparrainé cinq résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire sur le recours à la peine capitale qui ont été adoptées depuis 2007. Ces résolutions appellent instamment les États qui ont aboli la peine de mort à ne pas la rétablir.

D’après les derniers chiffres rendus publics, attribués au ministère des Affaires étrangères, au mois d’avril 2015, le nombre de Philippins condamnés à mort pour diverses infractions dans d’autres pays s’élevait au moins à 88. Le ministère a apporté une assistance à ces prisonniers afin que leurs droits soient respectés. Les représentants des Philippines ont notamment exercé des pressions politiques en vue d’obtenir la commutation des condamnations à mort prononcées contre leurs ressortissants. Outre les préoccupations déjà évoquées, Amnesty International craint que le rétablissement de la peine capitale ne diminue significativement la capacité des autorités philippines à protéger les droits de leurs citoyens, en particulier le droit à un procès équitable, quand ceux-ci sont concernés par ce châtiment dans d’autres pays.

À ce jour, 141 pays – plus des deux tiers des pays du monde – ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Sur les 193 États membres des Nations unies, 172 (89 %) n’ont procédé à aucune exécution en 2016. Dans la région Asie-Pacifique, 19 États ont aboli la peine capitale pour tous les crimes, les derniers en date étant Fidji en 2015 et Nauru en 2016, et huit autres sont abolitionnistes dans la pratique.

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