Écrire Une jeune militante condamnée à 24 ans de réclusion

Bonne nouvelle : Saba Kordafshari et d’autres prisonnières politiques iraniennes ont été libérées en février 2023.

Saba Kordafshari, une défenseure iranienne des droits des femmes âgée de 22 ans, a appris en mai 2020 que les autorités judiciaires avaient illégalement et secrètement rallongé sa peine d’emprisonnement, la faisant passer de neuf à 24 ans, en modifiant le jugement rendu en appel en novembre 2019, qui annulait sa déclaration de culpabilité pour une infraction passible de 15 ans de réclusion.

Il faut que cette jeune femme soit libérée immédiatement et sans condition car elle est détenue uniquement en raison de ses activités liées aux droits humains, y compris son travail de campagne contre les lois discriminatoires qui imposent le port du voile en Iran.

Saba Kordafshari a été condamnée à 24 ans de réclusion par la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran en août 2019, à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, en raison de ses activités pacifiques de défense des droits humains. Sa peine de 24 ans se décomposait comme suit : 15 ans de prison pour « incitation à la corruption et à la prostitution » par la promotion du « retrait du voile », sept ans et six mois pour « rassemblement et collusion dans l’intention de porter atteinte à la sécurité nationale » et un an et six mois pour « propagande contre le régime ».

En novembre 2019, l’avocat de Saba Kordafshari a été informé officiellement du fait que la 36e chambre de la cour d’appel de Téhéran avait relaxé sa cliente des chefs d’« incitation à la corruption et à la prostitution » par la promotion du « retrait du voile ».

La peine d’emprisonnement de Saba Kordafshari a ainsi été ramenée de 24 à neuf ans et, aux termes des lignes directrices en vigueur en Iran en matière de détermination de la peine, elle devait en purger sept et demi. À l’époque, son avocat a pu consulter le jugement écrit de la cour d’appel mais il ne lui a pas été remis de copie. C’est ainsi qu’il a découvert que la déclaration de culpabilité pour « incitation à la corruption et à la prostitution » par la promotion du « retrait du voile » avait été annulée et que la peine d’emprisonnement avait été réduite.

En mars 2020, Saba Kordafshari a également été autorisée à lire le jugement de novembre 2019 de la cour d’appel mais n’a pas pu en obtenir de copie. Les autorités ont refusé de fournir à son avocat et à elle une copie du jugement en invoquant la note 2 relative à l’article 380 du Code de procédure pénale iranien, qui leur permet de ne pas remettre aux prévenus ni à leurs avocats d’exemplaire écrit du jugement dans les affaires liées à des infractions portant atteinte à la « décence » et à la « sécurité nationale ». Cette pratique va à l’encontre de l’obligation qui incombe à l’Iran de rendre publics les jugements rendus dans des affaires pénales (à quelques exceptions près, qui ne s’appliquent pas dans le cas présent), conformément à l’article 14(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel ce pays est partie.Le 26 mai 2020, Saba Kordafshari a reçu une lettre du bureau chargé de l’application des peines qui indiquait ce dont elle avait été déclarée coupable et le nombre d’années d’emprisonnement correspondant à chacune des charges retenues.

Elle a ainsi découvert, avec stupeur, que la charge d’« incitation à la corruption et à la prostitution » par la promotion du « retrait du voile » y figurait. Elle a ensuite appris que les autorités judiciaires avaient modifié illégalement et secrètement la décision rendue en novembre 2019 par la 36e chambre de la cour d’appel en faisant comme si cette juridiction avait pleinement confirmé la déclaration de culpabilité et la peine initiales. Après qu’elle en a informé son avocat, celui-ci a déposé une plainte. Le ministère public lui a répondu que, dans la mesure où le jugement de novembre 2019 n’avait pas été signé par tous les juges de la cour d’appel, sa modification ne constituait pas une violation. Saba Kordafshari croit savoir que les faits se sont déroulés avec la complicité des juges de la 36e chambre de la cour d’appel de Téhéran, qui étaient, semble-t-il, au courant de cette modification.

Après son arrestation, Saba Kordafshari a été maintenue à l’isolement pendant 11 jours au centre de détention de Vozara, à Téhéran, où elle a été interrogée au sujet de ses activités en faveur des droits humains. Le 11 juin 2019, elle a été transférée à la prison de Shahr-e Rey, située entre Téhéran et Varamin. Le 2 juillet 2019, les pasdaran (gardiens de la révolution) l’ont transférée à un autre endroit et ont caché à sa famille ce qu’il était advenu d’elle et où elle se trouvait jusqu’au 13 juillet 2019, la soumettant ainsi à une disparition forcée pendant 12 jours. Le 13 août 2019, Saba Kordafshari a été transférée dans le quartier réservé aux femmes de la prison d’Evin, à Téhéran. La défenseure des droits des femmes Raheleh Ahmadi, qui est la mère de Saba Kordafshari, est aussi incarcérée injustement à la prison d’Evin, où elle a commencé à purger une peine d’emprisonnement de 31 mois le 20 février 2020, après avoir été déclarée coupable de « rassemblement et collusion dans l’intention de porter atteinte à la sécurité nationale » et de « propagande contre le régime ».

Amnesty International est convaincue qu’elle est détenue uniquement pour avoir fait campagne de manière pacifique contre le port obligatoire du voile et avoir défendu publiquement sa fille emprisonnée à tort.Après la période de détention à l’isolement et d’interrogatoire, Saba Kordafshari a commencé à avoir du sang dans les selles et à ressentir des douleurs. Elle a demandé à être conduite à l’hôpital pour des examens et des analyses plus approfondis. Le personnel médical de la prison a fini par réaliser des analyses de sang et de selles et lui a indiqué qu’elle était anémiée du fait de la perte de sang. Saba Kordafshari a attendu un an pour être emmenée à l’hôpital et c’est sa famille qui a pris les frais en charge.

Amnesty International a recueilli des éléments montrant que la plupart des personnes détenues pour des infractions sous-tendues par des considérations politiques ne bénéficient pas, en temps utile, de soins médicaux spécialisés à l’extérieur de la prison. En outre, le fait d’exiger des personnes détenues qu’elles règlent leurs frais médicaux constitue une violation du droit iranien et va à l’encontre des normes internationales.

Pour en savoir plus, voir le rapport (en anglais) intitulé Healthcare taken hostage : cruel denial of medical care in Iran’s prisons.

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