Écrire Halte à la reprise des exécutions illégales

Il est prévu que les autorités singapouriennes rétablissent les exécutions par pendaison après une interruption de deux ans liée aux appels en instance et à la pandémie de COVID-19. Plusieurs personnes automatiquement condamnées à la peine capitale pour des infractions à la législation relative aux stupéfiants pourraient être mises à mort d’un moment à l’autre, tandis que d’autres exécutions risquent de suivre, en violation du droit international et des normes internationales.

Un recours a été formé auprès de la Cour suprême afin de lui demander d’annuler ces exécutions, et on craint que des personnes présentant des handicaps mentaux et intellectuels se voient ôter la vie. Le gouvernement singapourien doit renoncer aux exécutions programmées, commuer ces peines et établir un moratoire officiel sur toutes les exécutions, à titre de première étape vers l’abolition complète de la peine de mort.

Nagaenthran K Dharmalingam, ressortissant malaisien, a été automatiquement condamné à la peine de mort le 22 novembre 2010, après avoir été déclaré coupable d’avoir importé à Singapour 42,72 grammes de diamorphine (héroïne) en avril 2009. La Cour d’appel a confirmé sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort en juillet 2011. Les autorités singapouriennes ont programmé son exécution au mois de novembre 2021. Face à la mobilisation internationale, son audience d’appel de dernière minute a été repoussée plusieurs fois, et est actuellement prévue pour le mois de mars.

Des experts médicaux ayant évalué Nagaenthran K Dharmalingam en 2013, 2016 et 2017 ont déterminé qu’il présentait un fonctionnement intellectuel à la limite du retard mental et des déficiences cognitives, qui « ont pu contribuer à ce qu’il accorde sa loyauté de manière inconsidérée et à ce qu’il n’évalue pas correctement les risques liés aux actes qui lui sont reprochés ». La Cour d’appel n’a pas pris ces préoccupations en considération, affirmant que « sa déficience présumée en matière d’évaluation des risques a pu le rendre plus susceptible d’adopter un comportement dangereux ; cela ne diminue cependant en rien sa culpabilité. »

Les organes chargés de veiller à l’application de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels Singapour est partie, ont précisé que ces traités interdisent de prononcer la peine de mort contre des personnes dont les troubles mentaux et déficiences intellectuelles compromettent l’efficacité de la défense.

Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles au moins deux exécutions étaient prévues pour mercredi 16 février. Une des personnes concernées est le Singapourien Roslan bib Bakar, arrêté en 2008, avant d’être accusé du trafic de 96,07 grammes de diamorphine et de 76,37 grammes de méthamphétamine. Il a été déclaré coupable et condamné à mort le 22 avril 2010. Durant leur procès, les avocats de Roslan bin Bakar et d’un autre accusé ont évoqué la faiblesse de leur quotient intellectuel. Après que leurs avocats ont formé des recours de dernière minute, les deux hommes ont reçu une lettre du président reportant leur exécution. Un risque subsiste cependant, selon l’issue d’une audience qui aura lieu le 28 février.

Rosman bin Abdullah, citoyen singapourien, devait être exécuté mercredi 23 février 2022. Ses avocats ont formé un recours auprès de la Haute cour de Singapour afin de lui demander d’annuler l’exécution, et de réviser les lois singapouriennes relatives à la peine de mort. Une audience est prévue pour le 28 février. Rosman bin Abdullah a été déclaré coupable d’avoir importé 57,43 grammes de diamorphine et condamné à mort en 2010.

Le droit international et les normes internationales interdisent d’imposer des peines de mort automatiques, car elles privent les juges de la possibilité de prendre en considération d’éventuelles circonstances atténuantes relatives à l’affaire. En outre, aux termes du droit international et des normes associées, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves » impliquant un homicide volontaire. Une autre source d’inquiétude est le fait que le ministère public s’appuie sur des présomptions juridiques en vertu de la Loi singapourienne relative à l’usage illicite de stupéfiants, ce qui signifie que toute personne dont il est établi qu’elle a en sa possession une certaine quantité de substances prohibées peut être considérée comme ayant connaissance de la nature de la substance et de sa quantité ; et aussi comme ayant l’intention de se livrer au trafic de cette substance, à moins qu’elle ne puisse prouver le contraire, ce qui constitue une atteinte au droit à la présomption d’innocence.

Depuis l’entrée en vigueur en 2013 de modifications apportées à la Loi relative à l’usage illicite de stupéfiants, les juges singapouriens ont une marge de manœuvre en matière de condamnation dans les affaires où le rôle de l’accusé·e est limité au transport de stupéfiants (« coursier ») si le ministère public délivre un certificat d’assistance substantielle ; ou dans le cas de personnes présentant des troubles mentaux ou des handicaps intellectuels ayant un impact considérable sur leur responsabilité mentale dans les actes et omissions en relation avec l’infraction. Cela signifie, et c’est alarmant, que si le parquet ne fournit pas de certificat d’assistance après qu’il a été déterminé qu’un accusé a fait office de « coursier », le tribunal est privé de pouvoirs discrétionnaires d’appréciation et doit condamner l’accusé à mort, transférant dans les faits au parquet la décision de condamner.

La dernière exécution signalée à Singapour remonte à novembre 2019, avant le début de la pandémie de Covid-19. Les autorités ont programmé d’autres exécutions en 2020 et 2021, mais elles ont finalement été différées en raison d’appels en instance. Amnesty International craint que d’autres exécutions n’aient lieu.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception. À ce jour, 108 pays du monde ont renoncé à la peine de mort pour tous les crimes, et plus des deux tiers ont aboli ce châtiment en droit ou en pratique.

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