Écrire Douze hommes risquent d’être exécutés après un procès inique

Douze condamnés à mort risquent d’être exécutés très prochainement, la plus haute juridiction d’appel d’Égypte, la Cour de cassation, ayant confirmé le 14 juin la peine à laquelle ils ont été condamnés à l’issue d’un procès collectif manifestement inique.

Ils ont été déclarés coupables et condamnés à mort pour leur participation à des manifestations liées à la destitution de l’ancien président Mohamed Morsi, en juillet 2013.

Leur condamnation à mort doit être commuée immédiatement et leur déclaration de culpabilité annulée.

Le 14 août 2013, les forces de sécurité égyptiennes ont tué au moins 900 personnes et en ont blessé plus d’un millier d’autres lors des opérations de dispersion des sit-in organisés sur les places Rabaa al Adawiya et al Nahda, au Caire, pour protester contre la destitution de l’ancien président Mohamed Morsi le 3 juillet 2013. D’après les statistiques officielles, six membres des forces de sécurité ont été tués pendant la dispersion du sit-in de Rabaa al Adawiya et trois autres lors de manifestations deux jours plus tard. Avant et après la dispersion des sit-in, les autorités ont arrêté des centaines de dirigeants, membres et sympathisants du mouvement des Frères musulmans, d’autres manifestants et de journalistes.

Le 8 septembre 2018, une chambre du tribunal pénal du Caire consacrée aux affaires de terrorisme a prononcé 75 condamnations à mort, 47 condamnations à perpétuité et 612 condamnations à des peines allant de cinq à 15 ans de prison, les cinq autres personnes accusées étant mortes pendant le procès. Amnesty International avait dit estimer que ce procès était manifestement inique. Le 14 juin 2021, la Cour de cassation a confirmé la condamnation à mort de 12 hommes, commué la condamnation à mort de 31 hommes et confirmé les peines de prison. Les deux juridictions n’ont prononcé aucun acquittement. Le tribunal pénal du Caire et la Cour de cassation n’ont pas établi la responsabilité pénale individuelle des personnes poursuivies dans le cadre de ce procès collectif, et n’ont pas ordonné d’enquêtes sur les allégations formulées par les accusés selon lesquelles ils avaient été victimes de disparition forcée et de torture après leur arrestation.

Des avocats ont indiqué à Amnesty International que le juge qui présidait le procès initial avait fait preuve d’un manque d’impartialité flagrant à l’encontre des accusés. En effet, ce magistrat a critiqué publiquement le sit-in de Rabaa al Adawiya ainsi que les membres et sympathisants des Frères musulmans alors que le procès était toujours en cours, dans un jugement lié à une autre affaire, qu’Amnesty International a pu consulter. Les avocats de la défense ont ajouté que le président du tribunal avait limité leur capacité à procéder au contre-interrogatoire des témoins à charge et à citer des témoins à décharge. Les avocats se sont également dits préoccupés par les violations du droit à une assistance juridique effective commises, notamment par le fait que les autorités aient refusé de les laisser s’entretenir avec leurs clients de manière confidentielle.

De plus, ils ont estimé que la Cour de cassation n’avait pas procédé à un véritable réexamen du dossier, indiquant qu’elle s’était notamment abstenue d’examiner les éléments à charge pour déterminer s’ils étaient suffisants ou non, et qu’elle ne leur avait même pas permis de plaider sur les circonstances des faits en cause. Le tribunal a déclaré tous les accusés coupables de toutes les charges qui pesaient sur eux, sans établir de responsabilité pénale individuelle. Pour ce faire, il s’est appuyé sur la draconienne Loi sur les rassemblements (Loi n° 10 de 1914), qui attribue une responsabilité pénale individuelle à tous les participants à un rassemblement de plus de cinq personnes organisé dans le but « de commettre un crime, ou d’entraver ou de retarder l’application des lois et règlements » ou de chercher à « influencer les autorités » pour toute infraction commise pendant le rassemblement dès lors que les participants en connaissaient le but (articles 2 et 3 de la Loi n° 10 de 1914).

Le tribunal s’est également fondé sur l’article 32 du Code pénal, qui permet l’application de la plus sévère des peines prévues si un acte correspond à plusieurs infractions, ou si plusieurs infractions ont été commises dans un même but criminel. Six des hommes qui ont été déclarés coupables et condamnés à mort étaient en détention en juillet 2013, alors que la dispersion du sit-in sur la place Rabaa al Adawiya a eu lieu en août 2013, ce qui montre à quel point la décision du tribunal était viciée. Le jugement n’apporte aucun élément pour justifier le fait que des peines différentes aient été prononcées, alors que les accusés ont tous été reconnus coupables des mêmes chefs d’accusation.

Les autorités égyptiennes n’annoncent pas les exécutions prévues et s’abstiennent fréquemment d’informer les familles ou les avocats de la date de l’exécution ou de leur permettre une dernière visite, en violation du droit égyptien. Les autorités égyptiennes ont accéléré le rythme des exécutions depuis octobre 2020, ce qui laisse à craindre que l’exécution de ces 12 hommes ne soit imminente. Rien que cette année, les autorités ont exécuté au moins 74 hommes et femmes, selon les médias. En 2020, les autorités égyptiennes ont exécuté au moins 107 personnes, plaçant ainsi l’Égypte au troisième rang des pays procédant au plus grand nombre d’exécutions.

Cinq des 12 hommes, qui sont incarcérés dans la prison de sécurité maximale de Tora 1 (communément appelée prison du Scorpion), sont privés des visites de leur famille et sont détenus à l’isolement pour une durée indéterminée depuis leur arrestation, en violation de l’interdiction absolue de la torture. D’autres prisonniers se sont plaints du manque ou de l’insuffisance d’accès à l’air libre, à la lumière du jour ou à du temps en dehors de leur cellule, et du fait que les autorités pénitentiaires refusaient de leur fournir des produits de première nécessité, notamment une nourriture en quantité suffisante et satisfaisante sur le plan nutritif, des vêtements et des articles d’hygiène personnelle, même lorsque les frais pouvaient être pris en charge par les prisonniers ou leur famille. Cinq des hommes ont également dit avoir été frappés et insultés par des gardiens. Huit hommes se sont plaints d’avoir été privés d’accès à une prise en charge médicale adaptée, notamment de s’être vu refuser des médicaments pour des problèmes de santé préexistants et de ne pas avoir été transférés dans des hôpitaux en dehors de la prison pour des examens médicaux ou d’autres traitements qui leur étaient nécessaires.

Amnesty International avait déjà rassemblé des informations sur le fait que les autorités pénitentiaires égyptiennes infligeaient aux opposants politiques des conditions de détention particulièrement cruelles et inhumaines et les privaient délibérément de soins de santé pour les punir de leurs vues dissidentes.

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