Écrire Un dissident tadjik expulsé et condamné

Le 18 janvier 2023, l’Allemagne a expulsé Abdoullohi Chamsiddine vers le Tadjikistan, où il a été soumis à une disparition forcée puis, semble-t-il, placé en détention à l’isolement par le Comité de sûreté de l’État.

Il est pris pour cible en raison de ses liens avec l’un des dirigeants du Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (PRIT). Le 29 mars 2023, un tribunal de Douchanbé a, semble-t-il, déclaré Abdoullohi Chamsiddine coupable d’avoir « appelé publiquement à un changement violent de l’ordre constitutionnel de la République du Tadjikistan » au titre de l’article 307 du Code pénal, et condamné cet homme à sept ans d’emprisonnement.

Les autorités n’ont pas officiellement indiqué où se trouve Abdoullohi Chamsiddine ni annoncé la décision du tribunal.
Cet homme risque toujours de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Préalablement à sa condamnation, Abdoullohi Chamsiddine s’était vu refuser la protection internationale en Allemagne et avait été expulsé du pays depuis Düsseldorf et via la Turquie le 18 janvier 2023. Au Tadjikistan, ses proches qui l’attendaient à Douchanbé, la capitale du pays, le 19 janvier 2023, ne l’ont pas vu sortir de l’aéroport. Selon des sources confidentielles proches d’Abdoullohi Chamsiddine, cet homme a été arrêté par le Comité de sûreté de l’État près de la piste d’atterrissage immédiatement après l’atterrissage, puis soumis à une disparition forcée et il a ensuite été placé en détention à l’isolement dans une maison d’arrêt de Douchanbé.

Abdoullohi Chamsiddine affirme avoir été militant du Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (PRIT) et avoir entretenu des liens étroits avec Mouhiddine Kabiri, le dirigeant de ce parti. Abdoullohi Chamsiddine est par ailleurs le fils de Chamsiddine Saïdov, membre éminent du PRIT qui a obtenu le statut de réfugié en Allemagne en 2017. Le PRIT était le principal parti d’opposition au Tadjikistan et il a été représenté au Parlement pendant de nombreuses années, jusqu’à ce qu’il soit interdit arbitrairement et qualifié d’organisation « terroriste » en 2015.

Après cela, les autorités ont arrêté et emprisonné ses dirigeants à l’issue de procès iniques. Des personnes associées à ce parti et à sa direction ont été prises pour cible par les autorités tadjikes, tant au Tadjikistan qu’à l’étranger. Les autorités les ont fait extrader puis les ont arrêtés et poursuivis en justice avec des procès inéquitables. Des avocats ayant défendu des membres de ce parti ont eux-mêmes été la cible de violentes représailles, notamment avec de longues peines d’emprisonnements infligées sur la base d’accusations forgées de toutes pièces.

La première tentative d’expulsion d’Abdoullohi Chamsiddine depuis l’aéroport de Munich, le 12 décembre 2022, a échoué, car il a paniqué et s’est volontairement blessé pour ne pas être expulsé. Après cela, les autorités l’ont maintenu en détention pour assurer son expulsion. Un article de presse du 29 décembre 2022 indique qu’Abdoullohi Chamsiddine a déclaré : « Au Tadjikistan, je serai arrêté dès que je sortirai de l’avion et ensuite je disparaîtrai en prison pendant 20 ans. »

Des organisations internationales, notamment le Comité Helsinki de Norvège, Human Rights Watch et l’organisation allemande Abschiebungsreporting NRW, avaient prévenu qu’Abdoullohi Chamsiddine risquait d’être arrêté et torturé s’il était renvoyé au Tadjikistan. Cependant, le 21 décembre 2022, l’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés (BAMF) a rejeté sa deuxième demande d’asile à l’issue de procédures accélérées. Le 6 janvier 2023, le tribunal administratif de Gelsenkirchen a rejeté la demande de suspension de son expulsion, déclarant : « Il est peu probable qu’il soit exposé à une situation exceptionnelle au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme [torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants] en cas de renvoi dans son pays d’origine du fait de sa situation personnelle. »

Le 19 janvier 2023, ce même tribunal a refusé de suspendre l’expulsion en cours (pendant le transfert) et n’a pas reconnu l’authenticité des nouveaux éléments de preuve présentés, à savoir un test de paternité qui prouvait le lien entre Chamsiddine Saïdov et Abdoullohi Chamsiddine et le témoignage d’un réfugié tadjik affirmant qu’il avait identifié Abdoullohi Chamsiddine et révélé où il se trouvait lorsqu’il avait lui-même été torturé au Tadjikistan en 2019. Craignant les représailles des autorités tadjikes, qui s’en prennent aux personnes associées au PRIT à l’étranger, Abdoullohi Chamsiddine aurait dans un premier temps dissimulé son identité et ses liens avec son père lorsqu’il a demandé le statut de réfugié en Allemagne en 2009. Sa demande a été rejetée en 2011. Il a présenté une nouvelle demande en 2017, qui a également été rejetée, en 2021. Il a deux jeunes enfants et il travaillait à Dortmund. D’après ses proches, il est atteint d’une forme aiguë d’asthme.

Selon Human Rights Watch, un tribunal de Douchanbé a déclaré Abdoullohi Chamsiddine coupable d’infractions à l’article 307 du Code pénal (pour avoir « appelé publiquement à un changement violent de l’ordre constitutionnel de la République du Tadjikistan ») et l’a condamné à sept ans d’emprisonnement le 29 mars 2023. La procédure légale n’a pas été respectée et les autorités n’ont pas indiqué où se trouve Abdoullohi Chamsiddine ni annoncé la décision du tribunal. Les médias ont indiqué que la participation d’Abdullohi Shamsiddin à une manifestation ainsi que les « likes » obtenus par des publications sur les réseaux sociaux avaient joué un rôle majeur dans son procès. Les services de sécurité tadjiks auraient intimidé des personnes qui protestaient en Allemagne contre l’expulsion d’Abdullohi Shamsiddin en exerçant des pressions sur les proches des protestataires vivant au Tadjikistan.

Les services de sécurité du Tadjikistan s’en prennent souvent à des dissidents et à des figures de l’opposition, ainsi qu’à leurs proches. La torture et les autres mauvais traitements sont souvent employés contre des détenus pendant les interrogatoires menés par diverses agences de sécurité, en particulier le Comité de sûreté de l’État ou la Sixième division du ministère de l’Intérieur, dans le but d’extorquer des « aveux », d’obtenir des informations ou d’incriminer des tiers. Parmi les méthodes de torture employées par les agences de sécurité tadjikes figureraient le fait d’enfoncer des aiguilles sous les ongles, les décharges électriques, les coups, les violences sexuelles, la privation de sommeil, la suffocation avec des sacs en plastique et l’injection de drogues.

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