Écrire Deux influenceuses incarcérées pour « atteinte aux bonnes mœurs »

Le 20 juin, le tribunal pénal du Caire a déclaré les influenceuses égyptiennes Hanin Hossam et Mawada el Adham coupables et les a condamnées à de lourdes peines de prison pour incitation à des contenus « indécents », traite d’êtres humains et autres infractions.

Amnesty International estime que ces jeunes femmes sont sanctionnées en raison de la manière dont elles dansent, parlent, s’habillent et tentent d’« influencer » le public sur les réseaux sociaux et demande leur libération immédiate.

Depuis le mois d’avril 2020, les autorités égyptiennes ont intensifié leur répression contre les influenceuses sur les réseaux sociaux dans le but évident de contrôler le cyberespace en ayant la mainmise sur le comportement et le corps des femmes sur Internet et en compromettant leur capacité à gagner leur vie de manière indépendante. Depuis, 10 influenceuses TikTok ont été arrêtées et inculpées de violation de la loi draconienne sur la cybercriminalité et d’autres dispositions légales très vagues en lien avec les « bonnes mœurs » et l’« incitation à l’immoralité ». Elles ont toutes de nombreux abonné·e·s sur les réseaux sociaux, allant de centaines de milliers à plusieurs millions. Neuf de ces 10 femmes ont été condamnées à des peines comprises entre deux et six ans d’emprisonnement et à de lourdes amendes.

Elles ont été arrêtées à la suite de plaintes déposées principalement par des créateurs de contenu soi-disant outrés par leur comportement et d’investigations menées par le service du ministère de l’Intérieur en charge de la moralité. Selon le rapport d’enquête de la police concernant Hanin Hossam, qu’Amnesty International a pu consulter, le rôle de ce service consiste à « poursuivre les personnes qui utilisent des applications en ligne et des sites Internet dans le but de publier des contenus incitant les citoyens, particulièrement les jeunes, à agir d’une manière qui va à l’encontre des coutumes et des traditions, ou à diffuser des idées et des actes d’immoralité et de débauche au sein de la société ». Le 29 avril 2020, peu après l’arrestation de Hanin Hossam, le parquet a publié une déclaration « réaffirm[ant] sa détermination à poursuivre le combat contre les crimes honteux qui bafouent les principes et les valeurs de notre société », avertissant de nouveau le 2 mai que l’Égypte protégeait « la nouvelle cyberfrontière… piétinée par les forces du mal ».

Les autorités ont interpellé Hanin Hossam le 21 avril et Mawada el Adham le 14 mai 2020 et les ont déférées à la justice pour des accusations de « violation des principes et des valeurs de la famille » et d’incitation à « l’immoralité » et à « la débauche ». Le 27 juillet 2020, un tribunal chargé des affaires économiques au Caire les a déclarées coupables et condamnées à deux ans de prison et à une amende de 300 000 livres égyptiennes chacune (environ 16 300 euros). Le 12 janvier 2021, une cour d’appel a acquitté Hanin Hossam pour manque d’éléments à charge et a commué la peine de Mawada el Adham en une amende. Cependant, le parquet les a inculpées d’autres chefs d’accusation, notamment de trafic d’êtres humains, et les a renvoyées devant un tribunal pénal. Hanin Hossam a été libérée sous caution le 2 février 2021, avant d’être de nouveau arrêtée le 22 juin 2021. Mawada el Adham est maintenue en détention provisoire depuis son arrestation. Elles sont toutes deux incarcérées à la prison pour femmes d’al Qanater.

Après le jugement rendu par le tribunal pénal du Caire le 20 juin, Hanin Hossam est apparue dans une vidéo sur Instagram, dans laquelle elle s’est dite choquée par la lourde peine et s’est adressée au président : « Qu’est-ce que j’ai fait ? 10 ans ! Depuis que j’ai été libérée (après neuf mois de détention provisoire), je ne me suis pas exprimée, je ne me suis pas plainte et je n’ai pas dit que j’étais détenue injustement ni que j’avais souffert. […] Pourquoi voulez-vous me remettre derrière les barreaux ? » Elle a également fait part de sa confusion, car elle est sanctionnée pour avoir participé à la promotion de l’application Likee, qui est légale en Égypte.

Trois hommes ont été déclarés coupables et condamnés à six ans de prison et à une amende de 200 000 livres égyptiennes (environ 11 000 euros) chacun dans le cadre de la même affaire, soi-disant pour avoir aidé Hanin Hossam et Mawada al Adham à se livrer à la traite d’êtres humains. Selon le rapport de police sur cette affaire en date du 23 avril 2020 qu’Amnesty International a pu examiner, 10 suspects ont été accusés de « constitution d’un groupe criminel », dont quatre cadres chinois de l’entreprise Bigo Limited, qui détient l’application Likee. L’entreprise est enregistrée légalement en Égypte et les investigations menées sur ses cadres sont closes. Lors d’une rencontre avec l’ambassadeur chinois au Caire le 30 août 2020, le parquet a confirmé qu’aucune action judiciaire n’avait été intentée contre l’entreprise et ses cadres « à la lumière de la distinction entre responsabilité personnelle et responsabilité de l’entreprise ». À son tour, l’ambassadeur chinois a exprimé son respect pour les coutumes et les traditions de la société égyptienne.

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