Écrire Des demandeurs d’asile risquent d’être expulsés ou incarcérés

Plusieurs milliers de demandeurs d’asile érythréens et soudanais risquent d’être contraints à retourner au Rwanda ou en Ouganda, où leur sécurité n’est pas garantie, ou incarcérés pour une durée indéterminée en Israël. Certains d’entre eux sont déjà en détention, mais les autorités israéliennes ont dit aux autres qu’ils devaient quitter le pays avant le mois d’avril sous peine d’être incarcérés.

Le 1er janvier, l’Autorité israélienne de la population, de l’immigration et des frontières a rendu public un nouveau règlement (la « Procédure pour l’expulsion vers des pays tiers ») au titre de la Loi relative à l’entrée sur le territoire israélien. Ce règlement prévoit que les hommes érythréens et soudanais célibataires n’ayant pas déposé une demande d’asile avant le 1er janvier ou dont la demande a été rejetée seront invités à quitter le pays avant le mois d’avril. Ceux qui acceptent de partir reçoivent 3 500 dollars des États-Unis et un billet d’avion vers leur pays d’origine ou vers « un pays tiers » non précisé. Ceux qui refusent peuvent être détenus pour une durée indéterminée. Le gouvernement israélien affirme que ce programme favorise les « départs volontaires » des migrants en situation irrégulière. En réalité, la plupart des personnes expulsées n’ont pas eu accès en Israël à une procédure équitable de demande d’asile. Amnesty International les considère comme des demandeurs d’asile ou des réfugiés et estime que leur expulsion est illégale au regard du droit international.

Israël aurait conclu des accords avec deux États – de l’avis général, l’Ouganda et le Rwanda – où sont transférés les Érythréens et les Soudanais renvoyés du pays. Or, l’Ouganda et le Rwanda nient l’existence de tels accords, et le gouvernement israélien considère que toute information sur ces ententes est confidentielle.

Les autorités israéliennes ont pris des mesures d’expulsion contre des demandeurs d’asile déjà incarcérés depuis le 4 février, au titre de la nouvelle « Procédure pour l’expulsion vers des pays tiers ». Une mesure d’expulsion a été notifiée à 280 demandeurs d’asile se trouvant déjà en détention. Ils ont été informés du fait qu’ils doivent quitter le pays dans les deux mois suivant la première notification, sans quoi ils resteront incarcérés. Depuis l’annonce de ce nouveau règlement, 500 hommes érythréens et soudanais ont quitté Israël ou accepté de partir.

« Tesfai » (ce n’est pas son vrai nom), demandeur d’asile érythréen âgé de 29 ans, a vu sa demande d’asile rejetée sans aucune explication. Il a été arrêté en novembre 2017 parce qu’il n’avait pas de visa en cours de validité. Au bout de 100 jours de détention, on lui a dit qu’il devait quitter Israël et se rendre au Rwanda. Comme il a refusé, il a été incarcéré au titre de la Loi relative à l’entrée sur le territoire israélien et il est depuis maintenu en détention.

La plupart des demandeurs d’asile érythréens et soudanais qui risquent actuellement d’être expulsés sont arrivés en Israël avant 2013, l’année où Israël a fermé sa frontière avec l’Égypte. Beaucoup d’entre eux ont traversé des épreuves très difficiles dans la péninsule du Sinaï, en Égypte, où ils ont été retenus contre leur volonté par des trafiquants et soumis à des actes de torture ou à d’autres mauvais traitements ; ils souffrent à présent de traumatismes physiques et psychologiques.

Le transfert de demandeurs d’asile érythréens et soudanais vers des pays africains a commencé en 2013. D’après le HCR, l’agence de l’ONU qui s’occupe des réfugiés, quelque 4 000 demandeurs d’asile érythréens et soudanais ont fait l’objet d’une mesure d’expulsion entre décembre 2013 et juin 2017. Les pays africains en question n’ont pas été officiellement nommés, mais des demandeurs d’asile expulsés d’Israël ont confirmé qu’il s’agit du Rwanda et de l’Ouganda. Les deux pays ont nié avoir passé un accord avec Israël pour accueillir ces demandeurs d’asile, que ce soit oralement ou par écrit.

Que ces accords existent ou non, ces expulsions sont illégales car elles violent le principe de non-refoulement, qui interdit le transfert de quiconque vers un lieu où l’intéressé/e risque de subir de graves violations des droits humains, ou de n’être pas protégé/e contre un tel transfert par la suite.

Pour que l’obligation de non-refoulement soit respectée, il faut que le risque de subir des violations des droits humains à la suite du transfert soit évalué au cas par cas, en tenant compte des circonstances particulières pour chaque cas. L’État procédant au transfert, en particulier, doit évaluer non seulement le risque de violations des droits humains pour chaque personne concernée en cas de transfert dans « un pays tiers », mais aussi le risque d’un transfert ultérieur depuis ce « pays tiers » vers un autre pays où la personne coure ce risque (refoulement « en chaîne » ou « indirect »). Le fait que le pays tiers soit partie à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 ne suffit pas pour exclure le risque de refoulement « en chaîne ».

En plus d’être illégales, ces expulsions représentent pour Israël un moyen d’échapper à ses responsabilités à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile relevant de sa compétence, et de reporter ces responsabilités sur des pays moins riches et ayant une population de réfugiés plus nombreuse. Israël accueille 44 600 réfugiés et demandeurs d’asile, ce qui est gérable pour un pays riche. Par contre, le Rwanda accueille au moins trois fois plus de réfugiés qu’Israël, et l’Ouganda au moins 20 fois plus.

Les autorités israéliennes prennent ces mesures d’expulsion en se basant sur le principe que les personnes expulsées n’avaient pas déposé de demande d’asile ou avaient été déboutées. Mais les dysfonctionnements du système d’asile israélien remettent fortement en question ce principe. Sur les 15 200 ressortissants érythréens et soudanais ayant déposé une demande d’asile entre 2013 et 2017, 12 seulement (soit moins de 0,5 % d’entre eux) ont obtenu la reconnaissance de leur statut de réfugié à l’issue de la procédure de détermination de ce statut. Au cours des 10 dernières années, seuls 0,1 % des demandeurs d’asile érythréens ont été reconnus en tant que réfugiés en Israël. Par comparaison, 92,5 % des Érythréens qui ont demandé le statut de réfugiés dans l’Union européenne en 2016 l’ont obtenu.

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