Écrire Un défenseur des droits humains en danger

Lors de sa rencontre annuelle au palais présidentiel avec le Conseil des sages musulmans de Banjul pour la korité [Aïd el Fitr], le 2 mai 2022, le président de la République gambienne, Adama Barrow, a accusé le défenseur des droits humains Madi Jobarteh d’être un « fauteur de troubles » et de chercher à répandre la violence dans le pays.

Il semble que cette accusation soit liée à un message, récemment publié sur les réseaux sociaux, dans lequel Madi Jobarteh appelait à la destitution d’un ministre pour mauvaise gestion des terres publiques.

Ces propos du président mettent en danger la sécurité de Madi Jobarteh et portent fondamentalement atteinte au droit à la liberté d’expression en Gambie.

Le président de la République gambienne a porté ces accusations contre Madi Jobarteh dans un discours à l’occasion de sa réunion annuelle avec le Conseil des sages musulmans de Banjul pour la korité [nom donné en Afrique de l’Ouest à l’Aïd el Fitr, fête marquant la fin du jeûne du ramadan], le 2 mai 2022, au palais présidentiel. Madi Jobarteh s’est vu reprocher d’être un fauteur de troubles et de répandre la violence dans le pays. Il semble que ces propos aient été tenus en réponse à un message publié sur les réseaux sociaux par Madi Jobarteh le 20 avril.

Dans cette publication, il appelait à la destitution du ministre de l’Administration du territoire, Musa Drammeh, pour mauvaise gestion des terres publiques. Quelques semaines auparavant, le gouvernement avait reconnu, après la diffusion d’un document confidentiel sur les réseaux sociaux, que des terrains publics avaient été octroyés au vice-président, à plusieurs ministres ainsi qu’à des particuliers. Le gouvernement affirme avoir respecté la loi.

Les accusations formulées par Adama Barrow contre les médias dans ce même discours, selon lesquelles les médias contribueraient à déstabiliser le pays en offrant une tribune à l’un des principaux détracteurs du président, sont contraires aux droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, qui sont garantis par l’article 25 de la Constitution gambienne.

Ce n’est pas la première fois que Madi Jobarteh est la cible de harcèlement. Le 30 juin 2020, il a été arrêté et inculpé de diffusion de fausses informations au titre de l’article 181A du Code pénal, après avoir déclaré, lors d’une manifestation Black Lives Matter qu’il avait organisée, que les autorités n’avaient pas enquêté sur la mort de trois citoyens gambiens tués par des policiers. Les charges ont été abandonnées le mois suivant.
Après son entrée en fonction à l’issue de l’élection présidentielle de 2016, Adama Barrow s’est engagé à mener des réformes décisives pour mettre fin à la répression qui avait marqué le gouvernement de son prédécesseur, Yahya Jammeh. Près de cinq ans plus tard, malgré certains progrès, la situation n’a pas autant évolué que l’on pouvait l’espérer, notamment le paysage législatif gambien, qui n’a guère changé.

Bien que la protection du droit à la liberté d’expression et d’autres droits se soit améliorée depuis 2016, les dispositions législatives répressives de l’ère Jammeh n’ont pas été abolies, comme certains passages de la Loi de 2009 sur l’information et les communications. Ces dispositions sont toujours utilisées pour réprimer les personnes qui défendent les droits humains, mènent des activités militantes ou exercent le métier de journaliste, ainsi que les groupes de la société civile.

En décembre 2021, Adama Barrow a remporté l’élection présidentielle et a été reconduit dans ses fonctions pour un deuxième mandat de cinq ans. Les propos tels que ceux qu’il a tenus à l’encontre de Madi Jobarteh montrent de manière préoccupante que le président peut remettre en cause et menacer les défenseur·e·s des droits humains, les médias et les militant·e·s de la société civile pour leurs activités légitimes.

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