Écrire Craintes pour la sécurité d’un policier disparu

Artour Aïdamirov, ancien policier tchétchène âgé de 34 ans, a disparu le 8 juin à Brest, au Bélarus, après avoir appris début 2018 qu’il était tenu de servir au sein de l’armée russe en Syrie. Il a décidé de fuir la Tchétchénie avec sa famille. Des témoins ont vu des hommes en uniforme forcer Artour Aïdamirov à monter à bord d’une fourgonnette et démarrer. Il n’a pas réapparu depuis lors et on éprouve de vives craintes pour sa sécurité.

Le 8 juin, Artour Aïdamirov s’est rendu à la gare de Brest afin d’acheter des billets de train à destination de la Pologne, où il espérait faire une demande d’asile. Selon son épouse, qui a plus tard parlé à des témoins de la scène, quatre hommes en uniforme se sont approchés d’Artour Aïdamirov, l’ont menotté, l’ont forcé à monter à bord d’une fourgonnette et ont démarré. La famille pense qu’il a été conduit en Tchétchénie. Toutes les tentatives de ses proches pour retrouver sa trace en Tchétchénie, notamment dans les postes de police et les morgues, se sont avérées infructueuses.

Artour Aïdamirov, un policier tchétchène de Grozny, en Russie, a été blessé lors de son service militaire en 2014. Son épouse a déclaré qu’il avait déposé une demande afin d’obtenir une pension d’invalidité et d’être démobilisé, mais cette requête a été refusée et il est resté dans la police. Cette année, des gradés de son unité ont annoncé aux policiers qu’ils allaient être déployés en Syrie en vertu d’un ordre contraignant, afin d’y rejoindre les militaires russes en mission sur place. Artour Aïdamirov a appris que son départ pour la Syrie était prévu pour le 1er juin 2018.

Après avoir reçu cet ordre, Artour Aïdamirov a remis sa démission et quitté la Tchétchénie avec son épouse et leurs trois enfants pour Brest, au Bélarus, à la frontière avec la Pologne. Il comptait se rendre en Pologne ou dans un autre pays, et y demander l’asile. La ville de Brest est connue des services secrets russes et tchétchènes, car des familles tchétchènes y ont fui afin de franchir la frontière et de demander l’asile en Pologne ou ailleurs. Avant sa disparition, Artour Aïdamirov et sa famille ont essayé à au moins neuf reprises de soumettre des documents aux gardes-frontières polonais en vue de demander l’asile, mais leur dossier leur a été rendu sans explication à chaque fois.

On craint qu’Artour Aïdamirov ne soit détenu par les autorités tchétchènes dans un lieu inconnu, et que sa sécurité et son bien-être ne soient gravement menacés.

Artour Aïdamirov est l’un des nombreux responsables tchétchènes de l’application des lois ayant signalé qu’on leur avait ordonné de servir au sein de l’armée russe en Syrie, et ayant décidé de fuir à Brest, au Bélarus, afin d’essayer de franchir la frontière de la Pologne et d’y demander l’asile. Depuis qu’il a disparu, son épouse a tenté à au moins 10 autres reprises de franchir la frontière avec leurs enfants mais s’est heurtée à un refus à chaque fois. Les gardes-frontières polonais refusent de suivre le protocole et d’accuser réception de la demande d’asile des Aïdamirov, en violation des procédures locales et internationales en vigueur. La famille Aïdamirov a donc été renvoyée chez elle.

Amnesty International a précédemment fait état du cas d’un demandeur d’asile tchétchène soumis à une disparition forcée à Brest en septembre 2017. Il a été établi qu’il avait été arrêté par les autorités bélarussiennes et renvoyé en Tchétchénie ; le Bélarus a ainsi enfreint le principe international de « non-refoulement », au titre duquel les États ont l’interdiction de renvoyer des personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de violations graves des droits humains. Amnesty International a précédemment recensé des cas où des représentants des autorités tchétchènes se sont rendus à Brest pour harceler et menacer des familles tchétchènes, notamment au moyen de disparitions forcées - un crime de droit international.

Les disparitions forcées imputables aux agents de l’État sont de graves violations des droits humains qui continuent d’être commises en Tchétchénie. La torture et les mauvais traitements y sont par ailleurs très répandus, dans les centres de détention officiels comme dans les centres de détention secrets et illégaux dont se servent les policiers tchétchènes. Les recours formés par les proches des disparus auprès de la police locale et des autorités restent systématiquement lettre morte. Dans les cas où les personnes disparues « réapparaissent », il s’avère souvent qu’elles étaient détenues au secret dans un poste de police. Les victimes n’obtiennent jamais de réparations et les responsables ne sont jamais traduits en justice.

Les autorités polonaises sont de plus en plus critiquées car elles ne donnent pas accès aux procédures d’asile aux demandeurs d’asile arrivant par le Bélarus. Le 15 novembre, le Parlement européen a adopté à une majorité écrasante une résolution sur « la situation de l’état de droit et de la démocratie en Pologne », indiquant que le « refus du gouvernement polonais [...] d’obtempérer aux ordonnances de référé émises par la CEDH en matière d’expulsions vers la Biélorussie sont les symboles visibles du non-respect par la Pologne des traités de l’Union européenne ».

Le Parlement européen a par ailleurs demandé au gouvernement polonais de cesser les expulsions sommaires vers la Biélorussie, de manière à respecter les ordonnances de référé contraignantes émises par la CEDH le 8 juin 2017, et à faire en sorte que toute personne exprimant son intention de demander l’asile ou la protection internationale aux frontières de la Pologne bénéficie pleinement d’un accès à la procédure d’asile polonaise, dans le respect des obligations internationales et du droit de l’Union.

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