Écrire Cinq ans de prison et une amende pour des messages sur Facebook

Alnoldy Bahari a été condamné à cinq ans d’emprisonnement au titre de la loi répressive sur les informations et les transactions électroniques, pour avoir publié sur Facebook des messages jugés insultants à l’égard de l’islam et pour avoir prétendument diffusé des « propos haineux ». N’ayant fait qu’exercer pacifiquement son droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, Alnoldy Bahari est un prisonnier d’opinion ; en conséquence, il doit être libéré immédiatement et sans condition.

Alnoldy Bahari a été déclaré coupable de blasphème et condamné à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 100 millions de roupies (environ 7 150 dollars des États-Unis) par le tribunal du district de Pandeglang (province de Banten), en Indonésie, le 30 avril 2018. Arrêté et placé en détention le 1er décembre 2017, il avait été inculpé de blasphème au titre de l’article 156 (a) du Code pénal et de l’article 28 (2) de la Loi relative aux informations et aux transactions électroniques (ITE).

Alnoldy Bahari, un fermier de Pandeglang, a été poursuivi pour « outrage à l’islam » et diffusion de « propos haineux » en raison de certains des messages qu’il a écrits sur sa page Facebook. Parmi les déclarations considérées comme offensantes figuraient notamment les phrases suivantes : « Je suis musulman et je témoigne qu’en vérité il n’est d’autre dieu qu’Allah. J’ai vu Allah, et vous ? » et « Si un faux clerc musulman a fait son entrée sur la scène politique, alors les versets coraniques ne sont plus la vérité absolue ». Se sentant offensés par ces messages, des habitants du quartier d’Alnoldy Bahari ont dénoncé celui-ci à la police.

L’article 28 (2) de la Loi ITE, en vertu duquel Alnoldy Bahari a été déclaré coupable, prévoit une peine maximale de six ans d’emprisonnement et une amende d’un montant maximal d’un milliard de roupies (71 550 dollars des États-Unis) pour « toute personne qui, délibérément et sans en avoir le droit, diffuse des informations dans le but de susciter la haine ou l’hostilité envers des personnes et/ou des groupes de personnes sur la base de l’appartenance ethnique, de la religion, de la race et des intergroupes (antargolongan). » Bien que cette disposition fasse référence à l’incitation à la haine à l’égard de personnes, dans la pratique, elle a été utilisée par le passé pour poursuivre en justice des personnes accusées d’avoir diffamé ou insulté une religion au cours de leurs activités sur Internet.

En Indonésie, les autorités utilisent les lois sur le blasphème pour tenter de limiter l’exercice des droits à la liberté d’expression et de religion. Si Alnoldy Bahari est la première personne à en avoir fait les frais en 2018, au moins 11 personnes ont été déclarées coupables de blasphème en 2017 au titre de l’article 28 (2) de la Loi ITE ou de l’article 156 (a) du Code pénal.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, et conformément à l’article 20(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, les États doivent interdire tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Cette interdiction concerne l’incitation à la haine à l’égard de personnes appartenant à des groupes particuliers, y compris des groupes religieux ; elle ne s’applique cependant pas au blasphème, qui concerne, lui, des idées, comme des convictions religieuses ou des symboles sacrés. Pour qu’elle soit conforme au PIDCP, toute interdiction de ce type doit être formulée en des termes très précis, de façon à ne couvrir que les formes d’expression contenant à la fois un aspect d’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse et un aspect d’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence à l’égard des personnes concernées. De plus, de tels agissements ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales que si des éléments tendent à prouver que ces deux aspects avaient un caractère intentionnel.

Le droit international relatif aux droits humains autorise les États à imposer certaines restrictions à l’exercice de la liberté d’expression lorsqu’elles sont manifestement nécessaires pour protéger les droits d’autrui, mais il ne peut être invoqué pour protéger les religions et d’autres systèmes de croyance contre la critique. Le droit à la liberté de religion ou de conviction protège les droits des personnes et des groupes, mais pas les religions elles-mêmes, ni les sensibilités religieuses de leurs adeptes, et il n’englobe pas le droit de voir sa religion ou sa conviction à l’abri de critiques tant externes qu’internes ou de la dérision. Le droit à la liberté d’expression s’applique aux informations et idées de toutes sortes, y compris celles qui peuvent être profondément choquantes. Par conséquent, les lois qui invoquent la protection des religions pour limiter la liberté d’expression, comme les lois sur le blasphème ou sur l’outrage à l’égard de la religion, sont incompatibles avec le droit à la liberté d’expression et doivent être abrogées.

Par le passé, Amnesty International a déjà appelé les autorités indonésiennes à abroger toutes les dispositions législatives et règlementaires relatives au blasphème qui imposent des restrictions à l’exercice des droits aux libertés d’expression, de pensée, de conscience et de religion outrepassant ce qui est permis en vertu du droit international et des normes internationales en matière de droits humains, ou à modifier ces dispositions afin de les rendre conformes aux obligations internationales de l’Indonésie en matière de droits humains. (Pour en savoir plus, voir : https://www.amnesty.org/en/documents/asa21/018/2014/en/).

Ahmad Mushaddeq, Mahful Muis Tumanurung et Andry Cahya ont été déclarés coupables de blasphème par le tribunal de district de Djakarta-Est le 7 mars 2017. Ces trois hommes, dirigeants du mouvement Fajar Nusantara (Gafatar), aujourd’hui dissous, sont des adeptes du courant religieux Millah Abraham, considéré comme « hérétique » par les autorités indonésiennes parce qu’il mêle les enseignements religieux de l’islam, du christianisme et du judaïsme (pour plus d’informations : https://www.amnesty.org/fr/documents/asa21/5851/2017/fr/). En outre, le gouverneur de Djakarta, Basuki Tjahaja Purnama, plus connu sous le nom d’« Ahok », a été déclaré coupable de blasphème et condamné à deux ans d’emprisonnement par le tribunal du district de Djakarta-Nord le 9 mai 2017. Ahok, qui est chrétien, a été accusé d’avoir « insulté l’islam » dans une vidéo diffusée sur Internet, après avoir annoncé publiquement qu’il se représenterait au poste de gouverneur de Djakarta aux élections de 2017. (Pour en savoir plus, voir : https://www.amnesty.org/fr/documents/asa21/6213/2017/fr/).

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