Écrire Un chanteur arrêté pour « atteinte au sentiment religieux »

Le chanteur folk bangladais Shariat Boyati a été arrêté au titre de la loi draconienne sur la sécurité numérique pour avoir déclaré que la musique n’est pas interdite dans le Coran. Il encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour de vagues accusations d’atteinte au sentiment religieux.

Détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression, Shariat Boyati doit être libéré immédiatement et sans condition.

Shariat Boyati est un chanteur Baul, une musique folk populaire du Bangladesh. S’exprimant en des termes vifs et livrant une interprétation personnelle de l’islam, il a critiqué certains penseurs islamiques radicaux qui présentent faussement et dénaturent la philosophie de la religion, lors d’un rassemblement de la communauté musulmane à Dacca, au Bangladesh, le 24 décembre 2019. La police l’a arrêté le 11 janvier 2020, pour « atteinte au sentiment religieux » au titre de l’article 28(2) de la Loi sur la sécurité numérique, presque deux semaines après la diffusion de ses propos sur YouTube.

L’avocat de Shariat Boyati, Abdullah Al Noman, a déclaré à Amnesty International que ses remarques visant une partie des érudits musulmans ne devaient pas être comprises comme une attaque contre l’ensemble de la communauté musulmane.

La liberté d’expression protège toutes les formes d’opinion, y compris à caractère religieux, et englobe le droit de changer librement d’opinion à tout moment et pour quelque motif que ce soit. Dans son Observation générale n° 34, le Comité des droits de l’homme des Nations unies souligne que le droit à la liberté d’expression s’étend même à l’expression qui peut être considérée comme profondément offensante. Le Comité note également que « les interdictions des manifestations de manque de respect à l’égard d’une religion ou d’un autre système de croyance, y compris les lois sur le blasphème, sont incompatibles avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ».

Les journalistes et les détracteurs au Bangladesh craignent la Loi sur la sécurité numérique, qui musèle la dissidence sur les plateformes numériques en imposant des sanctions extrêmement sévères, allant jusqu’à la réclusion à perpétuité. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a demandé au Bangladesh de réviser de toute urgence la Loi sur la sécurité numérique, de veiller à ce qu’elle soit conforme au droit international relatif aux droits humains et à ce qu’elle prévoit des garde-fous contre l’arrestation arbitraire, la détention et toute autre restriction injustifiée des droits des personnes à exercer de manière légitime leur liberté d’expression et d’opinion.

En novembre 2018, Amnesty International a publié un rapport pointant les articles de cette loi qui sont incompatibles avec le droit international relatif aux droits humains, notamment avec le PIDCP, auquel le Bangladesh est partie. Elle a demandé au gouvernement bangladais de modifier rapidement le texte de loi.

Au moins 14 infractions couvertes par cette loi, dont les chefs d’accusation retenus contre Shariat Boyati, excluent toute possibilité de libération sous caution. Le Comité des droits de l’homme a observé que le harcèlement, y compris l’arrestation, le jugement, la détention et l’incarcération pour des motifs relevant de la liberté d’opinion d’une personne, constitue une violation de l’article 19 du PIDCP. Le 12 février 2020, la Haute cour de Dacca a enjoint au gouvernement bangladais d’expliquer dans un délai de deux semaines pourquoi Shariat Boyati ne pouvait pas bénéficier d’une libération sous caution.

Au cours des 11 mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité numérique en octobre 2018, près de 400 plaintes ont été déposées contre différentes personnes. D’après les médias, plus de 200 affaires ont été classées sans suites en raison du manque de preuves venant étayer les accusations.

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