Antoinette Chahin, ancienne condamnée à mort au Liban

Accusée d’avoir commis un assassinat politique, la Libanaise Antoinette Chahin a été condamnée en 1997 à la peine de mort sur base d’aveux arrachés sous la torture. Acquittée en 1999, après avoir été détenue pendant cinq ans, elle vit aujourd’hui en France où elle a repris des études. Aucune mesure n’a été prise jusqu’à présent par les autorités libanaises pour poursuivre ses tortionnaires devant la justice.

Je m’appelle Antoinette Chahin, je suis libanaise. J’ai aujourd’hui 30 ans. J’étais étudiante en 1994. C’était le 21 mars, la fête des mères au Liban. Alors que j’essayais de trouver un cadeau pour ma mère, la police est venue pour m’arrêter.

Pourquoi moi ? Je n’appartenais à aucun parti politique. On m’a emmenée, on m’a interrogée et torturée, on m’a fait subir toutes sortes de pressions pour me faire dire que mon frère se trouvait au Liban au moment où avait eu lieu un attentat à l’église Saint-Najat alors qu’il était parti depuis deux ans. Mon frère était membre du parti des forces libanaises. Après la guerre civile libanaise, le parti des forces libanaises a très vite été réprimé et dissout.

Mon frère avait été contraint à l’exil pour échapper à cette répression. Je suis restée 46 jours dans les sous-sols du ministère de la Défense. J’ai été torturée, mes yeux bandés. Je ne savais pas ce que l’on me reprochait (…) J’ai été libérée le 5 mai 1994. Mais le cauchemar a recommencé le 5 juin à l’aube. On m’a conduite au commissariat de Jounieh, dans la banlieue de Beyrouth, et là j’ai subi les pires tortures, de tortures que beaucoup d’autres connaissent. La torture du Balanco : j’étais suspendue et battue. C’est très difficile pour une fille, des jours entiers sans manger, sans boire. C’est surtout la soif que je ne supportais pas.

Et toujours les mêmes questions sur mon frère. On voulait que je dise qu’il était au Liban. Les interrogatoires et les tortures ont duré huit jours.
La Croix rouge est venue pour me soigner tellement j’étais mal. Je suis restée deux semaines dans cet endroit.

(…)

Par décision du juge, j’ai été transférée à la prison des femmes de Baabda au sud de Beyrouth. Là on m’a enfermée dans une cellule si petite que je ne pouvais pas m’allonger, je ne pouvais que m’asseoir. Je suis restée 23 jours dans cette cellule toute seule.

(…)
Le médecin a constaté des ecchymoses sur les bras et des traces de coup sur la cheville gauche et de brûlures au pied. J’avais été suspendue au plafond pendant que l’on me battait et l’on m’avait aspergée les pieds d’eau bouillante.

Après le rapport de ce médecin, j’ai été opérée, toujours en prison, puis on m’a mise dans une autre cellule avec d’autres prisonnières. Je suis restée deux ans dans cette prison sans être jugée.

J’étais traitée comme toutes les prisonnières. On était 25 dans la chambrée, on dormait par terre, les matelas étaient collés les uns aux autres et on partageait les mêmes toilettes. Il n’y avait pas de promenade, cette prison n’a pas de lieu de promenade. Il n’y avait pas de soleil, tout était artificiel, même l’air que nous respirions était artificiel.

Son cas fut adopté par Amnesty en 1997. Un appel mondial est lancé en sa faveur .

« (…) et j’ai commencé à recevoir des milliers de lettres de partout, du Japon, du Sri Lanka, dans toutes les langues,(…). Ces lettres me faisaient beaucoup de bien, moi qui étais condamnée à perpétuité. Grâce à cela, j’ai pu arrêter de prendre des médicaments, (…). » Au terme de 5 ans et demi de prison, son procès fut révisé et ce fut enfin la libération, le 24 juin 1999.

« Vous étiez ma lumière dans l’obscurité de ma cellule, vous étiez mon espoir qui m’a poussée à survivre. J’espère que je pourrai rencontrer chacun de vous personnellement, pour vous dire merci pour le support que vous m’avez donné durant mes jours sombres en prison. »

« Je souhaite à tous les militants de rencontrer un jour les prisonniers qu’ils soutiennent. »

Bonne nouvelle : nous venons d’apprendre le mariage d’Antoinette. Nous lui souhaitons nos meilleurs voeux pour ce départ d’une nouvelle vie. Antoinette avait envie de partager cette bonne nouvelle avec les membres d’Amnesty qui ont été si proches d’elle dans les moments durs de son existence.

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