Écrire pour les droits, qu’est-ce que c’est ?
Une lettre peut parfois changer une vie. C’est le principe d’Écrire pour les droits, notre campagne mondiale de rédaction de lettres, que nous menons depuis 20 ans. Aujourd’hui, c’est le plus grand événement de défense des droits humains à l’échelle planétaire.
Chaque année, des gens du monde entier écrivent des millions de lettres pour ceux et celles dont les droits fondamentaux sont bafoués. L’objectif est de faire écrire et signer un maximum de lettres dans le monde entier pour 10 personnes ou groupes de personnes en danger.
Vous pouvez organiser avec votre classe une session d’écriture pour un cas, deux, ou plus. Vous avez la possibilité de choisir les individus que vous voulez mettre en avant lors de la commande. Les kits d’écriture sont gratuits, seuls les frais de port vous seront facturés.
Chaque élève a la possibilité d’écrire deux lettres : une à la personne disposant de l’autorité nécessaire pour agir (roi, président, chef de la police, procureur, etc.), et une à la personne ou au groupe de personnes pour qui nous nous battons, afin que ces personnes sachent qu’elles sont soutenues par des milliers de personnes dans le monde.
À la suite de notre appel international à l’action, des représentant·e·s d’États croulent sous les lettres. Des victimes de torture, des prisonnier·e·s d’opinion, des personnes condamnées à mort ou dont les droits humains sont bafoués reçoivent des messages de solidarité de milliers d’inconnu·e·s, venant des quatre coins du globe. Ces personnes savent ainsi que la communauté internationale est au courant de leur situation et qu’elle milite pour elles.
Les campagnes précédentes ont eu de véritables résultats (certaines personnes sont libérées, acquittées ou mieux protégées) et nous comptons faire pareil cette année encore !
Quand participer à cette action ?
Il est possible de participer à cette campagne, dans les écoles primaires et secondaires de Wallonie et de Bruxelles, entre novembre 2022 et février 2023.
Pour qui écrivons-nous cette année ?
Cette année, nous vous proposons d’agir avec vos élèves pour des personnes qui sont en prison ou menacées pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, et en particulier leur droit à la liberté d’expression et de manifestation.
Elles ont été victimes de torture, mauvais traitements, n’ont pas eu droit à un procès équitable, ont été harcelées ou menacées de mort… Elles ont besoin de notre soutien pour ne pas perdre espoir. Disons-leur que nous pensons à elles et appelons les gouvernements à respecter leurs droits fondamentaux.
Luis Manuel Otero Alcantára à Cuba
Luis Manuel Otero Alcantára est un artiste afro-cubain. Il est une figure clé du Mouvement San Isidro. Ce mouvement est un groupe diversifié d’artistes indépendant·e·s, de journalistes et de militant·e·s qui défendent la liberté d’expression à Cuba. Les membres de ce mouvement sont victimes d’actes d’intimidation, placé·e·s sous surveillance voire détenu·e·s.
Le 11 juillet 2021, Luis Manuel a diffusé une vidéo en ligne dans laquelle il indiquait qu’il allait participer à l’une des plus grandes manifestations que Cuba ait connues depuis des décennies. Il a été arrêté avant de se joindre à la manifestation et emmené à la prison de sécurité maximale de Guanajay, où il se trouve toujours actuellement. Comme beaucoup d’autres, il a été emprisonné injustement dans le contexte des manifestations historiques du 11 juillet 2021.
Nous demandons aux autorités cubaines, la libération immédiate de Luis Manuel.
Joanah Mabombe, Netsai Marova et Cecillia Chimbiri au Zimbabwe
Joanah Mabombe, Netsai Marova et Cecillia Chimbiri sont trois militantes des droits humains du Zimbabwe. Elles ont été arrêtées le 13 mai 2020, pour avoir pris la tête d’une manifestation antigouvernementale organisée, ce jour-là, pour dénoncer la mauvaise gestion par les autorités zimbabwéennes de l’épidémie de Covid-19 et la faim généralisée dans le pays.
Elles ont été arrêtées à un barrage de police et forcées de monter dans un véhicule banalisé. Leurs têtes ont été recouvertes de sacs puis elles ont été conduites à l’extérieur de la ville où elles ont été jetées dans une fosse, battues, humiliées et agressées sexuellement. Elles ont été retrouvées, deux jours plus tard, à des kilomètres d’Harare, les vêtements déchirés et couvertes de coupures, elles ont alors été emmenées à l’hôpital.
Après avoir déclaré qu’elles avaient reconnu certains de leurs agresseurs, les trois femmes ont été arrêtées à nouveau le 10 juin 2020, et accusées d’avoir menti sur ce qu’elles avaient vécu. Le procès des trois militantes s’est ouvert en janvier 2022 et se poursuit, mais jusqu’à présent, personne n’a eu à rendre de comptes pour le terrible traumatisme qu’elles ont subi.
Nous demandons aux autorités zimbabwéennes qu’elles rendent des comptes pour les agressions qu’ont subies Joanah, Netsai et Cecillia.
Chow Hang-Tung à Hong Kong
Chow Hang-Tung est une avocate spécialisée dans les droits humains et défenseure des droits des travailleur·e·s en Chine. Elle a été vice-présidente de Hong Kong Alliance, qui a organisé la plus grande veillée aux chandelles du monde, en hommage aux victimes de la répression de Tiananmen. Lors de cette répression, en 1989, des centaines de personnes ont été tuées, à Pékin lorsque l’armée a ouvert le feu sur des manifestant·e·s pacifiques qui réclamaient des réformes économiques et sociales.
L’État chinois veut que l’opinion publique oublie, mais Chow s’est donné pour mission de faire vivre le souvenir des victimes. En 2020 et 2021, les autorités de Hong Kong ont interdit la veillée, en prétextant des raisons de santé publique dans le contexte de la pandémie de Covid-19.
Le 4 juin 2021, Chow a tout de même encouragé des personnes à commémorer les événements en allumant des bougies. Elle a été arrêtée le jour même pour avoir « fait de la publicité en faveur
d’un rassemblement non autorisé ». Actuellement, Chow purge une peine de 22 mois d’emprisonnement pour avoir rendu un hommage pacifique aux victimes de la répression de Tiananmen, et elle risque jusqu’à 10 ans de prison pour ses actions totalement pacifiques.
Nous demandons aux autorités de Hong Kong de libérer Chow.
Vahid Afkari en Iran
Vahid Afkari a été arrêté le 17 septembre 2018 par sept agents armés en civil de l’Unité d’investigation de la police iranienne (Agahi) à son domicile à Shiraz. Après son arrestation, Vahid a été victime d’une disparition forcée pendant 12 jours.
Pourquoi ? Vahid et ses deux frères, Navid et Habib, ont participé en 2016, 2017 et 2018, pacifiquement, à des manifestations dans leur ville, Shiraz, contre les inégalités et la répression politique.
Pour cette raison, Vahid a été condamné à 33 ans et neuf mois d’emprisonnement ainsi qu’à deux ans de « résidence obligatoire » dans la province d’Ardabil, dans le nord-ouest de l’Iran. Il a également été condamné à 74 coups de fouet, à l’issue de trois procès distincts, totalement inéquitables, portant sur six chefs d’accusation, dont cinq découlent de sa participation pacifique aux manifestations.
Le 12 septembre 2020, les autorités iraniennes ont procédé à l’exécution secrète de son frère, Navid, qui avait été arrêté au même moment que son frère Vahid en 2018.
Nous demandons aux autorités iraniennes de libérer Vahid sans délai.
Alexandra Skochilenko en Russie
Le 31 mars 2022, Alexandra Skochilenko, une jeune artiste russe, a remplacé les étiquettes de prix dans un supermarché local par de petites étiquettes en papier contenant des informations censurées par les médias d’État russes. Elle a posé ces étiquettes pour protester contre l’invasion de l’Ukraine.
Le 11 avril 2022, elle a été arrêtée et accusée de « diffusion d’informations sciemment fausses sur les forces armées russes ». Cette infraction a été annoncée le 4 mars, après le début de la guerre en Ukraine. Elle est incarcérée depuis la date de son arrestation, dans l’attente de son procès. Elle risque jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.
Nous demandons à la Russie de libérer Alexandra sans délai.
Nasser Zefzafi au Maroc
Nasser Zefzafi est l’une des figures emblématiques du mouvement de protestation de masse au Maroc, connu sous le nom de Hirak El Rif. Ce mouvement réclame des droits socio-économiques. Nasser s’est imposé comme un des leaders des foules protestataires grâce à ses discours émouvants sur la corruption de l’État et l’injustice répandue qui ont trouvé un écho chez les jeunes de sa région.
Le 29 mai 2017, Nasser a été arrêté après avoir interrompu un sermon du vendredi dans une mosquée d’Al Hoceima et accusé l’imam de servir de porte-parole aux autorités, manipulant la religion pour détourner les gens du mouvement Hirak El Rif. En juin 2018, un tribunal de Casablanca a condamné Nasser à 20 ans de prison pour atteinte à l’ordre public et menace pour l’unité nationale. Il a été victime de tortures et de mauvais traitements et sa santé s’est considérablement détériorée depuis son arrestation.
Nous demandons aux autorités marocaines de libérer Nasser sans délai.
Zineb Redouane en France
Zineb Redouane avait 80 ans et vivait à Marseille en France quand elle est décédée.
Le 1er décembre 2018, elle préparait tranquillement le dîner dans son appartement situé au quatrième étage. Dans la rue, des personnes manifestaient contre les mauvaises conditions de vie à Marseille, après l’effondrement de deux immeubles d’habitation, qui avait fait huit morts. Des policiers utilisaient du gaz
lacrymogène pour disperser les manifestant·e·s. Voyant que du gaz entrait par sa fenêtre, Zineb est allée la fermer. Elle a remarqué les policiers dans la rue, en bas. Ce qui s’est passé ensuite est absolument effroyable. L’un des policiers a pointé un lance-grenades dans la direction de Zineb et a tiré. Celle-ci a été touchée au visage et emmenée à l’hôpital. Elle est décédée à l’hôpital après avoir fait plusieurs arrêts cardiaques sous anesthésie avant même qu’on ait pu l’opérer.
Elle est l’exemple de l’utilisation imprudente d’une grenade lacrymogène. Près de quatre ans après, l’enquête sur sa mort est encore en cours, et personne n’a été inculpé ni suspendu pour cet homicide.
Nous demandons que la justice soit rendue pour les proches et la famille de Zineb.
Shahnewaz Chowdhury au Bangladesh
Shahnewaz Chowdhury, ingénieur et militant bangladais, risque des poursuites pénales pour avoir partagé son opinion personnelle sur Facebook le 26 mai 2021.
Il s’était exprimé à propos d’une centrale électrique au charbon située dans sa ville natale, en disant qu’elle était destructrice pour l’environnement et en critiquant des incidents qui auraient conduit au meurtre de 12 personnes, lors de manifestations dans cette centrale.
Il a été arrêté par la police du Bangladesh le 28 mai 2021, et placé en détention provisoire à la prison centrale de Chittagong pendant 80 jours. Pour avoir exprimé son opinion sur Facebook, il a été accusé de « tentative de détérioration de l’ordre public » par la « mise en ligne d’informations fausses, offensantes et diffamatoires », en vertu de la loi sur la sécurité numérique.
Nous demandons au Bangladesh d’abandonner toutes les charges contre Shahnewaz, sans délai.
Dorgelesse Nguessan au Cameroun
Dorgelesse Nguessan est une mère célibataire et coiffeuse de 37 ans, vivant au Cameroun. Elle n’avait jamais été politiquement active auparavant, mais ses préoccupations concernant l’état de l’économie - et du pays dans son ensemble - l’ont amenée à rejoindre une manifestation prévue le 22 septembre 2020 à Douala, la capitale du Cameroun. C’était sa toute première manifestation.
Alors que la manifestation pacifique commençait, les forces de sécurité ont tiré des balles en caoutchouc, des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser la foule des manifestant·e·s et ont arrêté plus de 500 personnes. Dorgelesse était l’une d’elles. Le 29 septembre 2020, elle a été transférée à la prison centrale de Douala, où elle se trouve actuellement.
La détention de personnes, simplement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion, ainsi que la détention, résultant de procès inéquitables, sont arbitraires et illégales.
Nous demandons au Cameroun de libérer Dorgelesse sans délai.
Yren Rotela et Mariana Sepúlveda au Paraguay
Yren Rotela et Mariana Sepúlveda sont deux femmes transgenres, militantes et défenseures des droits humains des personnes LGBTIQ+ au Paraguay. Elles ont, jusqu’à présent, été privées de leur droit de changer légalement de nom, conformément à leur identité de genre. Leurs situations représentent la réalité de nombreuses femmes transgenres et personnes LGBTIQ+ qui souhaitent faire reconnaître et garantir leurs droits humains.
Garantir le changement légal des noms d’Yren et Mariana reviendrait à ce que l’État paraguayen reconnaisse l’existence et l’identité des personnes transgenres, qui, jusqu’à présent, sont toujours discriminées et marginalisées dans ce pays.
Nous demandons au Paraguay de reconnaître l’identité des personnes transgenres sur le plan juridique afin qu’elles puissent exercer leurs droits.
Passage à l’action
Si vous êtes intéressé·e, vous pouvez organiser une action d’écriture de lettres avec votre classe, dans le cadre d’un cours de français ou de philosophie et de citoyenneté par exemple. Vous pouvez aussi disposer une table dans un lieu de passage de votre établissement pour interpeller les élèves de différentes classes avec des fiches résumant les cas de chaque personne, des modèles de lettres et une boîte en carton dans laquelle les élèves déposent leur lettre.
Nous mettons à votre disposition pour cette action le matériel suivant :
- une fiche avec, au recto, une brève explication de la situation de la personne concernée, et, au verso, un modèle de lettre à recopier, à destination des autorités, ainsi qu’une proposition de message de soutien à adresser à la personne en danger
- une affiche sur chaque situation
- une carte postale sur laquelle il est possible d’écrire un message ou de faire un dessin pour la personne en danger
- une courte vidéo sur chaque situation.
Toutes les lettres de pression et/ou messages de soutien écrits en classe ou par des élèves sont à renvoyer au Programme Jeunesse d’Amnesty International (Chaussée de Wavre 169, 1050 Bruxelles).
Nous mettons également à votre disposition un manuel présentant l’action et les 10 situations ainsi que des fiches pédagogiques proposant des activités liées aux situations de certaines de ces personnes en danger.
Concrètement, si vous souhaitez qu’une de vos classes participe à cette action, il faut prévoir de commander un exemplaire du manuel et d’une ou plusieurs fiches pédagogiques pour vous, ainsi qu’un exemplaire de l’ensemble des affiches ou de certaines affiches (selon que la classe décide d’agir pour toutes les personnes ou seulement certaines d’entre elles) et une fiche et une carte postale (pour chaque personne en danger ou seulement certaines personnes) à destination de chaque élève qui participe à l’action (selon, encore une fois, que la classe décide d’agir pour toutes les personnes ou seulement certaines d’entre elles).
Et ça marche ! Écrire une lettre change une vie
Chaque année, de véritables changements surviennent grâce à vos lettres et vos actions. Des personnes injustement emprisonnées sont libérées, des responsables de violences sont traduits en justice, et des personnes détenues sont traitées plus humainement.
Et surtout, la solidarité compte ! Dans le cadre de la précédente édition d’Écrire pour les droits, il était possible de se mobiliser notamment pour Bernardo Caal Xol et les mobilisations massives en sa faveur ont eu un impact !
Bernardo Caal Xol est un enseignant, syndicaliste et défenseur des communautés indigènes Maya Q’eqchi au Guatemala. Il s’est donné pour mission que son peuple soit en capacité de défendre ses droits. Il a également fait tout ce qui était en son pouvoir pour protéger de manière pacifique son territoire et ses ressources naturelles contre le pillage et la perte de biodiversité. Tout cela au risque de sa vie car le Guatemala compte parmi les pays les plus dangereux au monde pour les personnes qui défendent les droits à la terre, au territoire et à l’environnement.
En 2018, il a été condamné à sept ans de prison pour s’être opposé à la construction d’un projet hydroélectrique sur la rivière de Cahabón, dans le département d’Alta Verapaz, au nord du Guatemala.
Le 24 mars 2022, après près de quatre ans passés en prison, Bernardo Caal Xol a finalement été libéré, grâce à la mobilisation de centaines de milliers de personnes à travers le monde, y compris en Belgique, qui ont écrit aux autorités du Guatemala, pour exiger sa libération. À sa sortie de prison, il a déclaré : « Je suis très reconnaissant à chacun·e d’entre vous. Vous m’avez donné l’espoir de la justice, de la liberté, et de l’égalité qui doivent prévaloir chez chaque peuple et nation. »
Merci à toutes les personnes qui se sont mobilisées pour lui et ont obtenu qu’il soit libéré bien avant la fin de sa peine de prison ! Écrire pour les droits, ça marche !
Alors à nos stylos ! Continuons à agir ensemble, dès novembre 2022 jusqu’à février 2023 pour 10 personnes ou groupes de personnes en danger qui ont besoin de notre aide pour que leur situation change.