Guinée - interview d’Oumar, étudiant devenu belge

“Un peuple sans liberté d’expression est un peuple opprimé, il ne pourrait que subir les choix du politique”

Oumar Oumar Diakhady, 40 ans, ingénieur électricien. Réfugié en Belgique. Orginaire de Guinée, il doit fuir son pays en 1999 pour avoir participé pacificiquement à une manifestion étudiante.

Que représente la liberté d’expression à vos yeux ?
Pour moi, la liberté d’expression, c’est la liberté d’exprimer ses opinions, ses convictions. C’est la possibilité de faire un choix par rapport à un mode de vie, à une problématique. En Guinée, d’où je viens, il y de cela 12 ans, il était très difficile de dénoncer une situation de corruption. Les gens n’avaient pas le choix de s’opposer à cette problématique, il aurait été trop dangereux de le faire.
La liberté d’expression est elle selon vous fondamentale pour une société ?
Absolument ! Un peuple sans liberté d’expression est un peuple opprimé. Il ne pourrait que subir les choix du politique. Ce serait en quelque sorte une forme d’esclavagisme. Si le peuple n’est pas d’accord avec le choix fait par le pouvoir et qu’il ne peut s’exprimer, on est dans un rapport de domination sans issue.


D’après vous, où en est la liberté d’expression dans votre pays ?

En Guinée, le droit à la liberté d’expression a connu une longue évolution. Au départ, immédiatement après l’indépendance, le régime mis en place était une dictature communiste. Sous ce régime, il était impossible de s’exprimer. Toute opposition au pouvoir menait à une arrestation, des tortures et parfois la mort. Puis, dans une seconde période, le régime dictatorial a été renversé par un régime militaire. La liberté d’expression n’était toujours pas respectée mais il y avait quand même des moyens de s’exprimer. Bien sûr, pas de manière publique. Depuis quelques années, la Guinée a connu un grand changement politique, le pays s’est démocratisé. La situation de la liberté d’expression est bien meilleure. Les critiques sont permises, la presse étrangère est diffusée à grande échelle. Il y a comme partout des limites mais aujourd’hui, en Guinée, on peut dire qu’il y a un véritable droit à la liberté d’expression.

Dans votre pays, avez-vous déjà entendu que la liberté d’expression n’était pas respectée ? En avez-vous déjà fait l’expérience ?
Du temps des régimes autoritaires en Guinée, il était impossible de se procurer la presse étrangère. Elle n’était pas vendue. Si quelqu’un réussissait à se la procurer et que cela se savait, la personne était arrêtée, torturée et parfois disparaissait.
De ma propre expérience, mes collègues étudiants et moi-même avions organisé une manifestation. Nous voulions dénoncer la corruption du système universitaire dans lequel les élèves payaient les professeurs pour réussir. Plusieurs de mes amis ont été arrêtés, torturés, d’autres comme moi n’ont eu d’autre choix que de s’exiler. Le gouvernement en place utilisait ces techniques pour dissuader tout le monde de tenter de s’exprimer.

La liberté d’information est essentielle pour avoir accès à la liberté d’expression. Pensez-vous recevoir de manière ouverte les informations nécessaires pour faire valoir ce droit ?
Cela n’a pas toujours été le cas, mais aujourd’hui oui. La base institutionnelle de la Guinée étant démocratique, les informations sont diffusées de manière à ce que la grande majorité les reçoive. Il y a quelques nuances à apporter. Les personnes qui n’ont bénéficié d’aucune instruction ou qui vivent dan des endroits très reculés n’ont pas forcément accès à l’information de la même manière que les autres.

Comment des outils pourraient-ils être développés pour un meilleur accès à la liberté d’expression ?
Ce domaine peut évidemment toujours être amélioré. Il faut réussir à se libérer des contraintes qui ne sont pas toujours politiques mais parfois aussi liées à la tradition. Par exemple, en ce qui concerne les mutilations génitales, de nombreuses associations oeuvrent pour leur abolition mais les milieux conservateurs ne voient pas d’un bon oeil les propos qu’elles tiennent.

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