Brésil : Valdénia De Paulino

Valdenia Aparecida Paulino, 41 ans, a grandi à Sapopemba, à quelques pas de l’une des 34 favelas de cette localité de 300 000 habitants située à la périphérie de São Paulo. Dans ces quartiers délaissés par les pouvoirs publics, Valdenia a trouvé sa vocation : aider son quartier à sortir de la violence dans laquelle il est emprisonné. Elle est devenue avocate […].

La vie à Sapopemba n’est que violence, drogue, pauvreté et insalubrité. Les habitants sont coincés entre les mafias, les milices […], et une police ultra-violente. « À Sapopemba, la seule façon de se défendre, c’est de tuer, constate Valdenia. L’État n’est présent qu’à travers la police qui ne fait que
terroriser la population. »
Cette absence de l’État a permis aux milices comme aux narcotrafiquants de prendre le contrôle des quartiers, imposant couvrefeux et règlements injustes.

Pour Valdenia Paulino, aider son quartier à s’en sortir est une question de « responsabilité morale ». […] Sa paroisse et des familles installées en Europe l’aident à financer ses études, dans un pays où l’enseignement supérieur coûte en moyenne 400 € par mois et où le salaire moyen est de 150 €.

Valdenia Paulino, également professeur à l’université de São Paulo sur les questions de sécurité publique, a fondé à Sapopemba le Centre des droits humains, destiné aux enfants, mais surtout à leurs mères. Les femmes jouent en effet un rôle crucial dans le tissu social et familial brésilien. […] Mais les femmes sont aussi les premières à défendre leurs proches et à oser dénoncer les assassins. Au sein d’une société très machiste, le Centre des droits humains de Sapopemba a mis en place des groupes de discussions et des coopératives pour les aider à trouver du travail. Il permet également aux enfants d’apprendre à lire et à écrire. […]

À Sapopemba, point de justice : l’impunité est reine et la police ne fait qu’aggraver la situation : « Les policiers présents dans les favelas atterrissent là quand ils ont commis une faute. Arriver à Sapopemba, c’est être rétrogradé. Ceux qui sont dans les favelas sont aigris, revanchards, la plupart drogués. Ils ne font au final qu’attiser la violence », témoigne encore l’avocate brésilienne. Elle raconte qu’en 1999, des policiers dans un état second ont tué un enfant déficient mental sous les yeux de sa mère, sous prétexte qu’il les regardait fixement. Ils ont ensuite tiré sur le pied de la mère pour la faire taire. […]

Depuis vingt-trois ans, Valdenia Paulino se bat pour que cette situation évolue. « Ici, le droit civil est pour les riches, le droit pénal pour les pauvres. Le pouvoir judiciaire est très élitiste, parfois raciste, et ne se soucie guère du devenir des pauvres, souvent indigènes, qui vivent dans les favelas. Et si on gagne un procès, on subit les représailles. »

L’avocate vit avec son ami ; elle n’a pas d’enfants, « sauf ceux du cœur, ceux de la rue », mais cinq frères et sœurs. Elle ne peut garder leurs photos ni leurs coordonnées chez elle, de crainte que la police puisse les identifier. Elle-même a refusé une escorte de la police fédérale ; elle a été violée, à deux reprises, pour avoir dénoncé des trafics de prostitution d’adolescents des favelas. Mais l’avocate ne faiblit pas : « Je vois des gens jeter l’éponge autour de moi, des collègues qui pensent que la perversité est trop grande, la machine incontrôlable. Moi, c’est la foi qui me fait avancer. » Elle a déjà porté plainte contre 43 policiers et accueille tous les témoins qui viennent se confier à elle. […]

Mais ses actions lui attirent des ennuis […] Des ennuis qui l’ont contrainte à s’éloigner quelques temps du Brésil : l’an dernier, des policiers ont violé une jeune fille de 17 ans. Valdenia s’est emparée de l’affaire. Mais pour les accusés, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : l’un des témoins est pris en otage et torturé pendant trois mois. Il souffre désormais de graves problèmes psychologiques. […]

Les personnes accusées ont trouvé une manière plus efficace de se venger, en retournant la machine judiciaire contre l’avocate : « Ils m’accusent de trafic de drogue, d’exploitation de femmes, d’usage de faux dans mes procès », soupire-t-elle. Sept policiers ont déposé des plaintes contre elle, chacun pour un délit différent. Elle doit donc affronter sept procédures, pour lesquelles elle risque la prison. Or, un casier judiciaire l’empêche d’accéder à une fonction publique et par conséquent d’exercer son métier dans cette juridiction.

À cause des charges qui pèsent contre elle, Valdenia Paulino ne peut plus retourner à Sapopemba, devenue « trop dangereuse ». […]. Mais l’avocate ne compte pas s’arrêter là : « J’ai décidé de partir travailler dans les favelas du
Nordeste, la région la plus pauvre du Brésil. Là aussi, les femmes ont besoin de moi. »
Et de se justifier : « Quand on naît dans ce genre d’endroit, on doit faire quelque chose, lutter… Qu’importe la peur. »

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