Témoignages multiples sur le profilage ethnique

Les discriminations liées à l’origine ethnique sont fréquentes. Elles peuvent avoir lieu en raison du nom de la personne, de sa nationalité, de sa couleur de peau ou de sa religion - ou résulter d’un cumul de ces facteurs. Le profilage ethnique est une forme de discrimination liée à l’origine ethnique, et l’une des plus répandues en Belgique. Même si cette pratique est interdite par la loi, les témoignages figurant dans cette fiche prouvent que le profilage ethnique existe toujours.

Qu’est-ce que le profilage ethnique ?

Il s’agit du recours à des critères tels que l’origine nationale ou ethnique pour légitimer des contrôles d’identité, des opérations de surveillance ou des enquêtes en l’absence de motifs objectifs ou raisonnables. C’est une forme de discrimination, interdite par le droit international et belge.

Témoignage multiples sur le profilage ethnique

De nombreuses personnes appartenant à des minorités ethniques ont subi des expériences négatives lors de contrôles d’identité :

« Un jour, il y a eu un contrôle anti-drogue à l’école. Le chien ne s’était pas arrêté à ma hauteur, mais ils m’ont quand même choisi. Ils m’ont dit que j’avais “l’air suspect” », a rapporté Soufiane, un ouvrier d’origine marocaine de 19 ans.

Don, un jeune homme d’origine congolaise, rapporte : « J’allais à un festival, il y avait une entrée où la police était des deux côtés pour contrôler les sacs à dos. Devant, il y avait 20 personnes qui passaient sans problème, mais moi, j’ai été sorti pour une fouille. Je leur ai demandé pourquoi moi, un policier a réagi : “Tu vas commencer comme ça ?” J’avais juste posé une question. “Tu vas jouer la carte du racisme ?” Selon lui, j’avais été choisi au hasard. Je ne voulais pas être difficile, je voulais m’amuser. Mais je trouvais ça surprenant. À la fin, tu n’oses même plus poser la question pourquoi. »

Les contrôles sont parfois très fréquents, comme le rapporte Faisal, un artiste d’origine marocaine : « Adolescent, j’ai souvent été contrôlé. ... On est assis, on voit une voiture de police qui passe de loin, mais on est déjà prêts, on se dit : ils vont venir chez nous. C’était vraiment ça, à chaque fois. Après, même s’il ne se passe rien du tout, on vit dans cette “crainte” tout le temps. »

Mohamed a quant à lui été arrêté injustement par la police avec son nouveau vélo :

« Je roulais à vélo dans la rue et je me suis fait arrêter par deux policiers. Avec un regard arrogant et une question très directe, ils m’ont demandé : “Ce vélo t’appartient ?”. Ils m’ont aussi posé plus de questions pour savoir si le vélo m’appartenait réellement : “D’où vient ce vélo ?”, “Ça t’a coûté combien ?”, “Tu peux prouver que c’est ton vélo ?”. Pour une raison ou une autre, ils trouvaient ça suspect que je roule avec un vélo tout neuf. Je me suis senti surtout humilié à ce moment-là, il y avait beaucoup de regards sur moi. Après une minute il y avait déjà tout un public qui me fixait. Surtout un regard de : “Ils ont arrêté quelqu’un qui a effectivement fait quelque chose de mal”. Je pense que les gens sont toujours à la recherche de sensations, mais dans tout ça, c’est moi la personne qui me fait afficher injustement.

Je trouve qu’il faudrait une réforme totale de ces structures, dans laquelle les positions clés seraient occupées par des personnes qui veulent vraiment un changement dans ce domaine et qui persévéreraient aussi. D’un autre côté, on pourrait aussi envisager une meilleure éducation des policiers en veillant à ce qu’ils adoptent une attitude plus empathique envers les citoyens. Il faudrait leur apprendre davantage à faire preuve d’empathie et qu’ils réfléchissent à la question suivante : “Quelles sont les conséquences de telles attitudes pour un citoyen d’origine ethnique ?” »

Mostafa a été injustement arrêté par la police à un arrêt de tram, il témoigne :

« Ensuite ils m’ont dit : “Nous avons reçu un appel indiquant que tu avais l’air suspect.” Je n’arrivais pas à y croire. J’étais en train de me dépêcher, mais il y avait d’autres personnes qui étaient aussi en train de courir dans la ville. Nous avons des bus ou des trams à prendre. Ils trouvaient ça suspect que je sois occupé sur mon portable. Je trouve ça bizarre parce que de nos jours tu as les réseaux sociaux, tu es occupé. Ils ont remarqué qu’ils étaient en tort et je l’avoue qu’ils étaient gentils. Je les trouvais même un peu trop gentils. C’était vraiment une humiliation d’être dans cette situation, tu es là et tout le monde crée sa propre histoire. Ils voient quelque chose et ils créent leur propre histoire, surtout à cause de ma barbe. Plusieurs personnes ont compris, j’ai eu beaucoup de soutien, mais il y avait aussi des réactions des personnes que je connais personnellement, qui trouvaient ça normal et ça m’a encore plus déçu. Où allons-nous si les gens trouvent ça normal qu’on se fasse arrêter et fouiller pour rien ?

Ensuite j’ai discuté avec quelques personnes et il s’est avéré que, selon elles, je devrais rechercher la cause du problème chez moi-même. Mais qu’est-ce que je peux faire ? On est arrivé à un point où je dois me raser la barbe ?
C’est quelque chose qui existe depuis longtemps. Je suis à un âge où je peux relativiser les choses et réfléchir, mais malheureusement beaucoup de jeunes vivent aussi la même chose. Les jeunes sont beaucoup plus vigoureux dans leurs réactions, donc je crains que cela ne creuse encore plus l’écart entre la police et les jeunes. »

Nyira a été injustement arrêtée par la police en roulant en voiture :

« Nous étions à trois en train de chercher une rue pour y entrer. Nous roulions tellement lentement en nous disant : “Je pense qu’on doit aller à gauche.” Tout à coup une lumière a éclairé notre voiture et la police était derrière nous. De nulle part, deux hommes sont sortis avec un pistolet. Ensuite ils nous ont dit de mettre nos mains sur le tableau de bord, ils nous ont demandé si ont avait pris de la drogue, si on avait consommé de la cocaïne, de l’héroïne ou du cannabis, avec le pistolet pointé vers nous. Leur raison était que la voiture avait l’air suspecte, mais c’était simplement une Volkswagen noire.

Je pense que la police perdra le contrôle de cette manière là. On ne leur fait plus confiance non plus. J’ai été à l’Oudaan pour porter plainte, c’est avec mépris qu’ils m’ont dit : “Tiens, écris ça sur ce bout de papier.”

Qu’est-ce qui vous est passé par la tête quand vous avez vu une simple Volkswagen qui n’avait peut-être pas l’air lavée, et vous avez décidé de sortir un pistolet en plein milieu de la ville ? Pointé vers trois personnes qui étaient simplement en train de chercher leur chemin ? »

Les personnes contrôlées subissent parfois des insultes ou propos offensants de la part des forces de police :

Don, un jeune homme d’origine congolaise, rapporte : « Un jour, j’ai reçu une amende et sur le PV., il était marqué : “un jeune d’origine négroïde est à sa fenêtre avec de la musique qui dépasse un certain nombre de décibels.” J’ai vraiment été effrayé par ce terme, j’avais l’impression qu’on parlait d’un singe… D’accord, j’avais quelque chose à me reprocher, mais de là à me décrire comme ça… ça nous met face à une réalité. Les agents de police m’ont aussi souvent traité de “n*gre” ou de “sale Noir”, ou m’ont dit : “ferme-la, illégal”… On s’y habitue à la longue, on n’y prête pas attention, mais avec le recul, c’est carrément du racisme pur et dur. »

Dans le même sens, Yassine rapporte que : « Certains fonctionnaires sont sympathiques… Mais neuf fois sur dix, on entend : “Allez, dégagez”, “fermez-la”. Ou parfois, ils nous posent des questions bizarres : « Vous n’avez pas de drogue ? » ou “Qu’est-ce que vous faites là ?” On a vraiment l’impression d’être des criminels… Les policiers devraient savoir qu’un contrôle nous touche vraiment, au niveau psychologique, au niveau physique et pour notre avenir. »

Ces contrôles ont pour conséquence un sentiment d’exclusion pour les personnes qui en sont victimes, comme en témoigne Achraf, un jeune étudiant d’origine marocaine : « Ça fait un peu mal de se sentir différent. Je vis ici, je travaille ici, j’étudie ici, je fais tout comme tout le monde et malgré tout, tu sens que ta petite différence te donne droit à ce genre de traitement. Il n’y a que la police qui fait ça, les gens normaux me traitent normalement. »

Les personnes appartenant à une minorité tentent donc parfois d’éviter la police, par peur d’être injustement contrôlées : « Parfois, j’essaie d’éviter le contact avec la police, simplement parce que je n’ai pas envie [d’être contrôlé]. Sinon, je ne sors plus. Je reste simplement à la maison. », a rapporté Oguz.
Achraf fait également part de sa méfiance envers les forces de police : « J’essaie d’éviter au maximum de croiser la police. ... En général, je ne sens pas qu’ils sont là pour me protéger. ... Je sais que je peux être vu comme une menace pour eux, parce que je ressemble au type basique qu’ils ont l’habitude de contrôler. Je suis plus susceptible d’avoir de mauvaises expériences que quelqu’un d’autre. »

« Inconsciemment, j’ai commencé à me comporter de manière suspecte. Quand je vois des agents de police, je détourne la tête, surtout à la gare, je regarde par terre, je ne passe pas à côté d’eux. Du coup, j’ai l’air plus suspect alors que je recherchais l’effet inverse. », témoigne Yassine, jeune étudiant d’origine marocaine.

Les témoignages d’inspecteurs de police révèlent des stéréotypes ancrés : « Ça dépend d’une personne à l’autre. Si on passe dans une rue commerçante, et qu’on voit une vieille dame de 80 ans faire du lèche-vitrine, on ne va pas y prêter attention. Si c’est un Marocain de 17 ans qui porte une casquette et qui a l’air nerveux, on va le contrôler. Peut-être qu’il a rendez-vous avec sa copine et que ça le stresse, ou alors il se prépare à braquer un magasin. »

« Si on cherche des pickpockets [dans la rue des magasins], on a plus tendance à surveiller des Roms, des Marocains que des « Belgo-Belges ». Dans 90 % des cas, la description est : jeune nord-africain. En fin de compte, on fait le lien automatiquement, même si on n’a pas de description. Notre regard est attiré vers un certain type de personnes. Souvent, la description se limite à “un groupe de jeunes hommes”. Et c’est vrai que les jeunes Marocains se déplacent souvent en groupe. Alors, à qui est-ce qu’on va faire attention ? »

« Je vais plus facilement faire souffler les Polonais… Ce n’est pas que je les vise, mais c’est vrai que je vais plus vite sortir l’alcootest. »

Le profilage ethnique a pour conséquence de renforcer les préjugés et la méfiance. Lorsque les contrôles de police ont lieu dans l’espace public, ils peuvent accentuer l’animosité envers certains groupes.
Emmanuel témoigne en ce sens : « Tout le monde nous regarde et se demande : « qu’est-ce qu’ils ont encore fait ». Cela renforce les préjugés. »

Mohamed fait part d’une expérience similaire : « Un jour, j’ai été contrôlé en pleine rue, à la gare, devant des centaines de personnes, des gens qui rentraient du travail ou de l’école, peut-être un des élèves que j’accompagne… À ce moment-là, on a l’impression d’être un criminel qui se fait arrêter, parce que personne n’entend la conversation. On voit simplement un jeune à la peau foncée et un agent de police. Les gens se disent : “Qu’est-ce qu’il a bien pu faire ?” Même si tu poursuis ton chemin après, l’attitude des agents fait en sorte que les personnes autour de toi te prennent pour un “criminel” parce qu’elles ne savent pas ce qui s’est vraiment passé. C’est ce que je me suis dit tout de suite. »

Ces témoignages nous permettent de réfléchir sur la thématique du profilage ethnique, et plus largement de la discrimination sur base de l’origine ethnique, toujours profondément ancrée dans notre société.

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