Rocky Myers a grandi dans le New Jersey (États-Unis), et son enfance a été marquée par des conditions de vie très précaires. Issu d’une fratrie de 10 enfants, sa famille appartenait à un milieu social défavorisé et son père était alcoolique. Il a été diagnostiqué comme présentant « une instabilité émotionnelle » et a été placé dans des classes spécialisées. Il a ainsi appris à lire et à écrire à un niveau qui se limite à celui de l’école primaire. Quand il avait 11 ans, on lui a diagnostiqué un handicap intellectuel. Il a déménagé à Decatur, en Alabama, où il vivait avec sa femme et ses quatre enfants.
Au moment du meurtre de 1991, Rocky Myers avait 30 ans et était sans emploi en raison de graves problèmes cutanés pour lesquels il cherchait un traitement. Il s’occupait de ses enfants pendant que sa femme travaillait comme cuisinière dans un restaurant local. Il consommait de la drogue, mais n’avait apparemment jamais commis de violences. Il était en liberté conditionnelle en raison d’une infraction commise dans un autre comté quand il a été arrêté pour être interrogé au sujet de ce meurtre. Ses enfants et les personnes qui le connaissaient l’ont décrit comme un père aimant qui luttait pour faire face à tous les problèmes du quotidien liés à son handicap intellectuel et à sa consommation de drogue.
Aucun élément de preuve médicolégal relevé sur le lieu du crime ne l’incrimine. Le seul élément de preuve qui le relie au meurtre est un appareil d’enregistrement vidéo volé pendant le cambriolage, qu’il soutient avoir trouvé abandonné dans la rue, et qu’il a échangé contre de la drogue la nuit du meurtre. Les premiers témoignages reçus par la police reliaient cet appareil et la description donnée par les victimes des vêtements portés par l’agresseur à un autre homme. Ce dernier a été arrêté et inculpé de meurtre non qualifié. À partir de là, les incohérences vont s’enchaîner.
Un mois après, un nouveau témoin, qui avait des liens avec l’homme arrêté, s’est présenté. Il a déclaré avoir vu Rocky Myers traverser la rue, depuis la maison où avait eu lieu le meurtre, avec un appareil d’enregistrement vidéo sous le bras. À la suite de cela, deux autres témoins ont modifié les déclarations qu’ils avaient faites à la police indiquant que Rocky Myers était l’homme qui avait vendu cet appareil, expliquant ultérieurement qu’au moment de leur premier interrogatoire par la police, ils avaient subi des pressions. Un quatrième homme, qui avait témoigné au tribunal contre Rocky Myers, a 10 ans plus tard signé une déclaration sous serment indiquant qu’un enquêteur de la police de Decatur avait fait pression sur lui pour qu’il fasse ces premières déclarations.
Les tribunaux fédéraux n’ont jamais tenu compte de l’élément de preuve que constituait le témoignage rétracté.
À la suite de sa condamnation, l’avocat chargé de défendre Rocky Myers s’est retiré de l’affaire sans l’avertir, et sans l’informer du rejet de son recours et du maintien de sa condamnation. Rocky Myers l’a su quand un codétenu lui a lu une lettre envoyée par le parquet général de l’Alabama en février 2004 pour lui signifier que son exécution allait être programmée.
Ses nouveaux avocats ont demandé une prolongation du délai pour le dépôt d’un recours, mais les tribunaux fédéraux se sont principalement basés sur l’évaluation de son quotient intellectuel – un élément de mesure que la Cour suprême des États-Unis a jugé inadéquat en 2014 – pour rejeter sa requête faisant valoir qu’il est atteint d’un handicap intellectuel.
Ils ont estimé que la négligence flagrante de son avocat ne suffisait pas pour lui accorder un délai supplémentaire pour former un recours, parce qu’il aurait dû faire preuve lui-même de la « diligence requise ». Cela signifie par ailleurs que les tribunaux n’ont pas cherché à savoir si son handicap intellectuel a eu des répercussions sur le récit qu’il a fait des événements, notamment en ce qui concerne les disparités entre ses déclarations lors de l’interrogatoire par la police qui n’a pas été enregistré et son témoignage pendant le procès, ou encore ses échanges avec son avocat pour la préparation de sa défense.
Le procès de Rocky Myers, qui n’a duré qu’une semaine, devant un jury dont 11 des membres sur 12 étaient blancs, est également entaché par des préjugés raciaux et de classe. Lorsqu’elle a témoigné pendant le procès, la victime qui a survécu a déclaré à deux reprises qu’elle n’avait pas pu voir si l’agresseur était blanc ou noir, mais que la voix de ce dernier était celle d’« un homme de couleur ». L’avocat qui a été commis d’office à Rocky Myers n’a pas contesté cette déclaration pourtant fort contestable.
En outre, le principal avocat de la défense, qui a pendant de nombreuses années été lié au groupe suprémaciste blanc Ku Klux Klan avant de représenter Rocky Myers, a, dans son exposé liminaire, décrit le quartier où le crime a été commis et dont les habitants sont principalement des personnes noires issues de milieux sociaux défavorisés, comme « une vision des abysses de l’enfer. Il s’agit d’un quartier de Decatur [...] où réellement les gens ne vivent pas. [..] C’est un quartier, comme les éléments de preuve le montreront, où les gens bien n’ont aucune raison de se rendre. Il n’y a légitimement aucune raison d’y aller à moins d’être tellement pauvre qu’on ne peut pas vivre ailleurs, parce que je vous le dis, les loyers y sont affreusement bas. On comprend pourquoi si on y vit, parce qu’on ne peut rien posséder. Si vous partez travailler, il y en a qui vont tout emporter. »
Les actuels défenseurs de Rocky Myers ont déclaré que certains jurés du procès de Rocky Myers ont eu des propos racistes lors de conversations avec eux, et qu’ils ont trouvé dans les notes du dossier de l’équipe d’avocats de Rocky Myers une insulte raciste. Un ancien juré leur a également appris que les propos racistes avaient été un problème pendant les délibérations du jury.
L’exécution de Rocky Myers a été de nouveau programmée en 2012, puis suspendue en raison d’une procédure judiciaire relative au protocole d’injection létale de l’Alabama, qui s’est conclue en 2015.
En 2018, Rocky Myers et d’autres personnes condamnées à mort se sont vu accorder un délai de 30 jours pour choisir la méthode utilisée pour les tuer : l’asphyxie à l’azote – méthode considérée comme très cruelle – ou l’injection létale pratiquée selon le nouveau protocole. Rocky Myers a choisi la première méthode, et son exécution risque d’être à nouveau programmée dès que le nouveau protocole pour l’asphyxie à l’azote sera prêt.