En Belgique, l’indépendance de la justice est assurée de plusieurs manières.
Avant tout, les juges ne sont pas des agents du gouvernement. Ils sont indépendants. Ils sont nommés à vie par le Roi et ne peuvent être démis de leurs fonctions que par un jugement (en cas de faute commise). Enfin, ils sont inamovibles c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être mutés dans un autre arrondissement judiciaire sans leur accord.
De plus, les justiciables sont protégés contre l’arbitraire des juges grâce à l’application de nombreuses règles découlant du droit à un procès équitable.
● Les audiences des procès sont publiques (sauf exception s’il est question de protéger la jeunesse, les mœurs, ou la sécurité de l’État) et le jugement est également prononcé lors de l’audience publique.
● Les juges sont obligés de motiver leurs décisions.
● Un recours en appel est toujours possible devant un autre tribunal sauf pour la Cour d’Assises (qui examine les affaires criminelles, les délits politiques et les délits de presse) où il n’y a pas d’appel possible concernant le fond de l’affaire. Un recours contre un jugement de la Cour d’Assises est seulement possible (auprès de la Cour de Cassation) s’il concerne un problème de forme ou de procédure (c’est-à-dire par exemple si un délai n’a pas été respecté pour transmettre un document). Cependant, pour les affaires jugées en Assises, un jury populaire est constitué (composé de personnes majeures tirées au sort parmi la population). Les jurés délibèrent seuls sur les questions relatives à la culpabilité. Ils y répondent par oui ou par non à bulletin secret.
Pour faciliter l’accès à la justice, il est possible pour les personnes disposant de peu de revenus qui souhaitent être assistées d’un avocat, de bénéficier d’une aide juridique (appelée auparavant « pro deo ») ou d’une assistance judiciaire.
● L’aide juridique permet de bénéficier de la gratuité totale ou partielle des services d’un avocat.
● L’assistance judiciaire donne accès à la gratuité totale ou partielle des frais de procédure (frais d’enregistrement, d’huissier, de notaire, d’expert, etc.).
Il existe également des Maisons de justice dans plusieurs villes. Ce ne sont pas des juridictions mais des institutions administratives dont les rôles sont multiples. Elles peuvent notamment rédiger des études sociales visant à informer un juge d’une situation, accompagner des détenus qui purgent leur peine hors de prison, soutenir et assister des victimes d’infractions, mettre en place des médiations, etc.
En outre, si une personne estime que la justice ne l’a pas traité convenablement, qu’un juge a été partial, que son dossier a été traité trop lentement ou encore que la communication de la décision ne lui est pas parvenue, elle peut adresser une plainte au Conseil supérieur de la justice.
Ce Conseil, créé en 2000 au lendemain de l’affaire Dutroux, a pour mission d’améliorer le fonctionnement de la justice en Belgique. Concrètement, il est chargé de : recruter, sélectionner et nommer les magistrats, contrôler le fonctionnement de la justice via des audits et des enquêtes, traiter les plaintes le concernant et enfin, donner des avis au Ministre de la justice, au gouvernement et au parlement. Mais il ne peut pas modifier des décisions de justice.
Malgré toutes ces mesures et règles mises en place visant à offrir un accès à la justice de qualité, l’accès à la justice n’est pas optimal en Belgique.
L’accès à la justice coûte cher même si des systèmes d’aide juridique et d’assistance judiciaire existent pour les personnes dont les revenus sont les plus faibles. Selon un avocat de Bruxelles, chargé des questions d’accès à la justice à l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, interrogé par Question-Justice.be, la justice en Belgique serait accessible à seulement 10% de la population. La réforme du système de l’aide juridique en 2016 qui visait à limiter les abus dans ce domaine a mis en place un ticket modérateur, de 20 euros, pour la désignation d’un avocat puis de 30 euros quand une procédure est introduite. Ainsi même si une personne bénéficie d’une aide juridique totale pour être assistée d’un avocat, elle doit tout de même payer 50 euros ce qui peut être un frein pour certaines personnes. La réforme du système d’aide juridique a également modifié le calcul des ressources prises en compte pour bénéficier ou pas de cette aide. Auparavant, il suffisait de prouver que son revenu était inférieur aux montants fixés pour avoir droit à l’aide juridique gratuite ou partiellement gratuite.
Actuellement, la loi ne parle plus de « revenu » mais de « moyens d’existence ». Cela signifie que des éventuels biens mobiliers ou immobiliers, des capitaux, des avantages, etc... sont pris en compte pour calculer les ressources d’une personne. Ainsi de nombreuses personnes pensionnées ou actives, mais ayant des bas revenus, ne peuvent plus bénéficier de cette aide.
La population n’a pas forcément confiance en la justice et le langage judiciaire utilisé n’est pas compris par une majorité de personnes. Selon le dernier baromètre de la justice (un sondage réalisé par le Conseil supérieur de la justice belge), en 2014, 61 % des citoyens faisaient confiance à la justice tandis que 81 % et 91 % d’entre eux faisaient confiance à la police et à l’enseignement. Une raison de ce résultat inférieur serait le manque de clarté du langage judiciaire. En 2016, selon une autre étude, 86 % des citoyens estimaient le langage judiciaire insuffisamment clair. Ils étaient rejoints par 68,8 % des avocats et juristes d’entreprise et par 66,5 % des magistrats.
Pour lutter contre ce problème qui est un autre obstacle à l’accès à la justice, le Conseil supérieur de la justice a mis en place en 2018 le projet « Épice » visant à simplifier et rendre plus compréhensible le langage utilisé par la justice. Le Conseil supérieur de la justice recommande notamment aux professionnels du droit de rédiger des textes de loi plus lisibles, de former des étudiants en droit à l’utilisation d’un langage plus clair, et de conscientiser tous les acteurs à l’utilisation d’un langage clair y compris le personnel d’accueil, du greffe, et des secrétariats.
Parmi les plaintes reçues par le Conseil supérieur de la justice, la lenteur de la procédure revient souvent, aux côtés des problèmes de communication avec la justice, dans les motifs de plainte. La Belgique a d’ailleurs été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour la lenteur de sa procédure judiciaire. Cette lenteur s’explique notamment par le manque d’effectifs et de moyens des tribunaux. Certaines juridictions fonctionnent mieux que d’autres. Il est par exemple possible, au Tribunal de l’Entreprise francophone de Bruxelles, de recevoir un jugement en 12 ou 13 mois tandis que les délais à la Cour d’appel de Bruxelles peuvent être de quatre à cinq ans. L’informatisation peut également parfois engendrer des retards dans la procédure.
Même si les principales règles liées au droit à un procès équitable sont assez bien respectées en Belgique, il est possible de faire mieux pour améliorer l’accès à la justice.