Said : « Nous nous sommes rencontrés dans un bar et [nous avons découvert] qu’on travaillait tous les deux dans le secteur des médias et qu’on avait un intérêt commun pour le travail dans le domaine politique. On s’est retrouvés plusieurs fois et on a commencé à sortir ensemble. Notre relation n’était pas publique - seuls nos amis très proches étaient au courant. Notre relation est l’une des raisons pour lesquelles nous avons quitté la Syrie. Nous avons reçu des menaces de plus d’un parti politique. Nous étions dans un parti d’opposition et lors des élections, nous avions fait campagne contre le président élu. Tout le monde sait que nous sommes membres de ce parti et que nous travaillons dans un média. J’organisais souvent des manifestations ».
Jamal : « J’ai reçu des menaces sur Facebook parce que je dessinais beaucoup de caricatures contre le régime. J’ai été arrêté pendant deux mois et après ma libération, j’ai découvert qu’ils avaient piraté mon compte Facebook et avaient essayé d’effacer mes dessins... Quand je suis parti au Liban, toutes les archives que je gardais chez moi ont été jetées et je n’ai plus que des copies informatiques ».
À propos de sa détention en raison de ses activités politiques, Said ajoute :
« On ne parle jamais [ensemble] du temps qu’on a passé en détention... Ils m’ont lié les mains et m’ont attaché au plafond et m’ont torturé à l’électricité. Il y avait une cellule, et vous pouviez voir à l’intérieur, à travers la porte de la cellule, où l’un des prisonniers se faisait torturer. [Les autres prisonniers] étaient obligés de regarder les tortures infligées à ce détenu. S’ils fermaient les yeux ou détournaient le regard, ils les frappaient. Ils nous blessaient avec des couteaux ».
Jamal : « Je suis séropositif et nous étions dans une très petite pièce, il y avait environ 100 détenus en tout. Quand un nouveau arrivait, il restait debout pendant longtemps. Quand je suis arrivé la première fois, je suis resté debout environ 10 heures. Il y avait des adolescents dans la même pièce et des personnes qui avaient des troubles mentaux ; d’autres avaient reçu des balles aux jambes ou aux mains. Ma santé s’est détériorée en prison. Dans le coin, il y avait des petites toilettes que tout le monde [utilisait] et on [prenait] aussi nos douches là, avec de l’eau froide. J’étais malade et parfois je m’évanouissais. Quand j’ai été très malade, je leur ai dit que j’étais séropositif en pensant qu’ils amèneraient un médecin, des médicaments ou des antibiotiques, ou même qu’ils me libèreraient. Mais ils m’ont envoyé à l’isolement parce qu’ils ont eu peur que je contamine les autres. J’ai été remis en liberté après deux mois de détention. [Une fois libéré] un médecin a vu que [ma santé] se détériorait et a demandé des examens. Il [a dit] que je devais commencer un traitement tout de suite. J’ai appris que [les médicaments] coûtaient environ 600 dollars par mois et je n’avais pas assez d’argent. J’ai fait une dépression et j’ai essayé de me suicider. Ce qui me fait le plus peur, c’est de ne pas avoir d’endroit où vivre, en plus du fait de ne pas pouvoir payer les médicaments ».
Said : « On écrit des papiers sur la Syrie en tant que journalistes indépendants. J’ai envie de continuer mes études, de me sentir en sécurité et stable pour continuer à vivre ma vie. Jamal et moi n’envisagerions jamais de nous asseoir sans rien faire parce qu’on était très actifs, que ce soit dans notre ancien travail en tant que journalistes ou dans la société civile. Quand on est arrivés au Liban, on s’est donc mis à chercher du travail, pour être des membres productifs de la société ».
Said et Jamal ont depuis été reconnus réfugiés par le HCR et réinstallés en Allemagne.
Témoignages tirés du rapport d’Amnesty International de 2015 Souffrances, espoir et réinstallation : des réfugiés syriens racontent .