Turquie - Temel : un livre peut être déclaré coupable

“La liberté d’expression doit être fondamentale”

Temel Demirer, 58 ans, est un économiste et écrivain turc. Il vit actuellement à Ankara.

Croyez-vous que le droit à la liberté d’expression est essentiel pour l’accès à d’autres droits fondamentaux ?
La liberté de critique (et d’expression) est la mère de toutes les autres libertés, c’est leur "alphabet", et je pense que ce n’est pas un instrument, mais un droit fondamental. Parce que sans elle, toutes les autres libertés se révèleraient virtuelle et nulles.

Dans la majorité des pays, la liberté d’expression est limitée. Quelles sont ces limites ? Sont-elles, à votre avis essentielles ?
Aucune limitation ne doit être imposée à la liberté de la critique (et d’expression), à l’exception, bien sûr, des expressions de racisme, de génocide, la discrimination et d’autres crimes de haine et de crimes contre l’humanité. En bref, la liberté est plus nécessaire pour les pensées non-conventionnelles que celles qui sont facilement acceptées par la majorité.

Selon vous, comment se porte la liberté d’expression dans votre pays ?

Le président de l’Association des Journalistes de Turquie, Orhan Erinc a récemment souligné que les médias turcs passent par des difficultés sans précédent. Il a déclaré que « durant cette période où nos activités sont fustigées, le fait que les écrits non encore terminés, non encore publiés soient jugés, interdits et effacés à partir d’ordinateurs, est révélateur de la situation dangereuse de la liberté d’expression dans ce pays (…) ». L’Armée de l’Imam est extrêmement grave, surtout dans un prétendu « État démocratique fondé sur le droit. "
La Turquie est considérée comme un « pays libre en partie ».
Pourtant, le rapport d’observation des médias de la section « Média Observation du Réseau indépendant de communication » révèle que 103 personnes, dont 62 journalistes, ont été traduits en justice pour des accusations liées à la liberté de pensée et d’expression.

Dans votre pays, avez-vous déjà entendu que la liberté d’expression n’était pas respectée ?
Oui, dans mon pays, un livre inédit peut être déclaré coupable et confisqué. _C’est ce qu’on appelle une "mesure préventive", pouvez-vous y croire ? _Dans cette logique, tous les livres non publiés, chaque mot inexprimé, chaque pensée émergente, des discours non prononcés courent le risque d’être condamnés et punis par la loi.

Avez-vous un accès suffisant à l’information ?

Lorsque les forces publiques confisquent un livre avant même sa publication, elles privent le public de son accès à l’information. C’est ce qu’on appelle de la censure. _Pour légitimer cette censure, le premier ministre Erdogan nomme ces livres « livres-bombes ». Les mass-média, qui sont en relations étroites avec le gouvernement, applaudissent à ces appellations. En d’autres termes, le triangle totalitaire de « média, politique et business » se transforme en censure de fait.
Dans ces conditions, à quelles informations peut-on réellement avoir accès ?

Pouvez-nous nous raconter votre expérience ? Est-il dangereux de défendre la liberté d’expression dans votre métier ?
J’ai été condamné à six mois de prison. Dans une autre affaire en cours, le procureur demande une peine de six mois à deux ans parce qu’il m’accuse d’avoir insulté "l’identité turque", selon le fameux article 301 du code pénal turc. Cet article vise à réglementer les « crimes de haine », alors qu’on n’y a jamais fait référence lorsque des groupes minoritaires subissaient des attaques ou devaient faire face aux insultes._Mon seul « crime » est d’avoir parlé et écrit, c’est tout !

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