ITALIE : Aucun logement, aucun droit, aucun mot à dire

Depuis une dizaines d’années, les autorités italiennes procèdent régulièrement à des expulsions forcées des communautés roms et sintis. Cependant depuis 2007, ces opérations sont devenus plus fréquentes que jamais.

COMMENçONS PAR QUELQUES CHIFFRES

Selon plupart des estimations, le chiffre des populations Roms vivant en Italie se situent entre 12.000 et 15.000. Quelques 3000 sont des
« italiens sintis » et sont arrivés dans le pays il y a longtemps. Le reste de la population est arrivé à une époque plus récente.
À partir des années 60, nombreux sont les Roms qui commencèrent à arriver en provenance de l’ex-yougoslavie. Beaucoup d’entre eux ont aujourd’hui un permis de séjour et beaucoup de leur descendance sont devenus Italiens.
Au cours du siècle, un grand nombre de Roms arrivèrent des nouveaux États membres de l’Union Européenne, comme la Roumanie.

Roms d’origine roumaine dans la Via Centocelle camp, à Rome, Italie, 23 Septembre 2009.

DANS QUEL CAMPEMENT VAIS-JE ALLER VIVRE ?

Même si certains Roms vivent dans des résidences permanentes à Rome, la majeure partie vit dans des logements de différents types. Il existe trois sortes de campements :

 certains sont « autorisés » et entretenus par les autorités locales ;
 d’autres sont « tolérés » et reçoivent une aide des municipalités ;
 la grande majorité se retrouve coincée dans les camps « illégaux » et vivent dans des cabanes construites construites à la hâte et situées au bord des zones urbaines.On se doute qu’il est donc difficile pour ses familles d’accéder à des services de bases tels que l’eau salubre et potable, l’électricité ou encore des services sanitaires en suffisance.

Un campement rom à Sesto San Giovanni, près de Milan, 3 Mars 2009.

Dans ces conditions, nous pouvons très vite imaginer les conditions dans lesquelles des milliers de familles roms peuvent vivre.

Mais le droit au logement décent n’est pas le seul droit que les Roms se voient refuser. En effet, vivre dans un camp illégal laisse peu de chances aux membres de la communauté de trouver un emploi stable et fixe. Et sans en emploi, pas évident de trouver un logement décent et de payer le loyer de manière mensuelle.

la caravane de Nin, dans le camp de Monachina, Rome, Italie

Cette manière de vivre, renforce les Roms à être soumis et dépendants d’un cercle vicieux de discrimination et de marginalisation. Les Roms se retrouvent donc malgré eux piégés dans un système qui les rend encore plus précaires et qui les empêchent de vivre dans la dignité. Cette situation renforce alors encore la stigmatisation dont souffre les Roms.

Exclus du système social, beaucoup de Roms sont contraints de gagner comme leur vie en recyclant de la ferraille ou en étant des travailleurs occasionnels.

Alors que faire ? Le gouvernement italien a mis en place des systèmes afin d’améliorer les conditions de vie des populations roms. Mais les propositions sont complètement insuffisantes et ne correspondent en rien à la réalité.

- UNE QUESTION D’ÉDUCATION

Même si les municipalités de Rome ont mis en place des systèmes afin d’augmenter et d’améliorer l’éducation des enfants Roms, les jeunes ne sont pas encouragés pour continuer leurs études. Ils savent qu’ils ont peu de chance pour trouver par la suite un emploi stable. Alors difficile de s’accrocher pour devenir avocat, médecin ou même menuisier quand on sait que même diplômé, les chances pour être engagé sont quasi nulles.

De plus, beaucoup ne peuvent payer l’école dite "gratuite". En effet, lorsqu’il faut payer les bics, les cahiers, le cartable, les photocopies,... il n’est pas évident de sortir cinq euros alors qu’on a déjà du mal à se nourrir.

Les conséquences sont imparables : le niveau d’étude et la possibilité de s’intégrer la société italienne diminuent de plus en plus tandis les préjugés et les stéréotypes eux ne font qu’augmenter.

 LE "PLAN NOMADES", UN TROMPE L’ŒIL BIEN RÉEL

La situation des Roms s’est transformée en un sujet électoral de grande importance à échelle locale et nationale. La réponse du gouvernement a été de mettre en place un décret présidentiel appelé « Plan Nomades ». À la base, ce plan fût bien reçu car il devait mettre en place un plan intégral pour aborder les problèmes sous-jacents et les violations des droits humains auxquels les Roms sont confrontés.
La réalité est toute autre. La conception et les objectifs du « Plan Nomades » reflètent seulement les motifs de préoccupations exprimés par la majorité, sans tenir compte des droits de la communauté roms.

Qu’est ce que ce fameux plan

Le « Plan Nomade » fut présenté le 31 juillet par des représentants de la commune de Rome et par le préfet de Rome, qui est aussi le commissaire extraordinaire de la situation d’ « urgence des Roms ».

Le Plan Nomades voulait que 6000 personnes Roms soient réparti en 13 camps appelés « villages ». 100 des camps déjà existants seraient dès lors "supprimés".

On ne peut parler de ce Plan sans mentionner les expulsions forcées, qui sont contraires aux normes européennes et internationales relatives aux droits humains.

Ce programme comporte plusieurs dispositions discriminatoires et n’a pas été très bien conçu. Non seulement il ne résoudra pas les problèmes sociaux qui ont suscité son élaboration mais il n’améliorera pas non plus l’exercice du droit au logement pour la plupart des Roms affectés.

Le Plan Nomades devrait contribuer à l’amélioration de la situation des Roms au lieu de l’empirer.

Des conséquences désastreuses

 Si aucun service des transports publiques n’est mis à disposition des populations, les jeunes ne pourront se rendre à l’école et devront changer de centre scolaire, les adultes ne pourront plus se rendre à leur travail,… Il est donc normal que nombre d’entre eux craignent que leurs perspectives d’emploi et la scolarité de leurs enfants ne pâtissent de cette relocalisation.
 De plus, beaucoup craignent que le « replacement » se fasse sans qu’on ait tenu compte des liens familiaux (essentiels pour les populations Roms ) et des origines nationales, ce qui pourrait entraîner des tensions avec les autres résidents.

Manque de participation et d’information

Le plus marquant dans ce « Plan Nomades » c’est le manque de participation des Roms et d’informations qu’on leur donnait.

Quelques semaines après la présentation en juillet 2009, la plus grande parte de Roms interviewés par Amnesty, ont déclaré n’avoir eu aucune information sur le Plan. La seule information était une vague rumeur qui circulait. Personne ne savait comme ce plan allait changer leur vie.
De plus, ni les ONG’S travaillant sur le terrain, ni les organisations Roms n’ont pu participer à l’élaboration du Plan.

Il ne faut pas croire que tous les Roms aiment vivre dans des logements précaires. Beaucoup réclament depuis longtemps d’avoir un logement stable. Malheureusement, le Plan Nomades ne proposent pas cette possibilité, ni pour les personnes qui vivent en Italie depuis des années, ni pour les personnes qui résident légalement dans le pays et les Roms qui ont la nationalité italienne ne sont pas plus épargnés.

Selon le Plan, les Roms ont deux possibilités :

  être déplacés dans un autre camp ;
  se retrouver sans domicile.

Des critères de sélection

Quels vont être les critères pour être placés dans un des 13 camps ? Les documents de référence parlent de « personnes qui sont en règle » mais que faire avec les autres ?

Les autorités chargées de s’occuper de ce plan ont avoué à Amnesty International que la sélection se ferait en fonction de la bonne conduite, par ex si une personne a déjà commis u délit ou pas.

N’oublions pas qu’avoir le droit à un logement décent fait partir de la Déclaration universelle des droits humains et donc priver une personne d’un toit parce qu’il a commis un infraction dans le passé est une violation de ses droits fondamentaux et une discrimination envers la personne.

TÉMOIGNAGE

Le « Plan Nomades » va affecter des milliers de Roms de diverses manières.

Marios et Marias devant leur "maison" dans le camp de Centocelle à Rome, qui a été détruit en Novembre 2009.

Maria Dumitru et Marius Alexandru sont deux jeunes Roms de 28 ans, d’origine roumaine. Ils ont trois fils en bas âge. Depuis leur arrivée en Italie en 2004, ils ont déjà été relogé dans cinq camps différents, sans que jamais on ne leur ait proposé un meilleur logement. Le 11 novembre 2009, ils ont été déplacé pour la dernière fois dans un camp « non autorisé » près de Via Centocelle, à Rome.

« Nous sommes venus en Italie, il y a six ans, pour gagner un peu d’argent mais nous n’avons [toujours] rien », témoigne Maria. « d’abord, nous sommes allés au camp de Ponticelli, à Naples, mais la police nous a y expulsé » Ils m’ont qui si ils revenaient à e voir dans le coin, ils me prendraient mes enfants et les placeraient dans un orphelinat ».

Ils vécurent des expériences similaires à Caivano (Naples) et dans camp près de l’avenue Christophe Colomb, à Rome. « La police a tout détruit », témoignage Marius. Dans les premiers mois de 2008, ils s’installèrent dans le camp Via Centocelle et en avril de la même année, la police les expulsa, même s’ils sont revenus immédiatement. Après avoir vécu les trois dernières expulsions, Marius nous dit : « Aujourd’hui nous dormirons dans la rue. Que pouvons-nous faire ? Nous avons vécu dans septe camps différents durant les cinq dernières années. C’est difficile, très difficile. »

Avant la dernière expulsion, Maria parla de sa vie : « Je ressens de la gêne parce que mon mari cherche dans les poubelles du fer et du cuivre pour pouvoir les revendre et gagner un peu d’argent. Comme ça, nous pouvons acheter de la nourriture. Il prend également des vêtements des poubelles car nous n’avons pas de quoi nous payer ceux des magasins. C’est seulement grâce à lui que nous avons quelque chose à manger. S’il n’était pas là, nous vivrions dans la rue ». Marius : « J’aimerais faire ce que je sais faire ».

« J’AIMERAIS VIVRE DANS UN MEILLEUR ENDROIT, DASN LEQUEL POURRAIT VIVRE CHAUQE ÊTRE HUMAIN » Maria DUMITRU

María Dumitru et ses enfants au camp de Via Centocelle, Rome, Italie, 14 Janvier 2010.

Maria ajoute : « c’est son travail. Nous vendons la ferraille et nous mangeons. S’il n’y a pas de fer, nous ne mangeons pas… Nous devons aussi payer le collège ; quand le professeur nous le demande, nous achetons des cahiers, des bics… au final nous devons payer autour de cinq euros.

Aucun d’entre eu n’avaient entendu parler du « Plan Nomades ». Quand on leur expliqua, maria nous dit : « ce n’est pas une bonne idée, nous ne voulons pas que nos enfants changent de collège. Ionut, sept ans, est l’aîné et va au collège ; Florin a seulement deux ans et Andrea Ionica en a quatre. Elle ira à la garderie, elle est sur la liste d’attente. À chaque fois qu’elle voit les enfants partir au collège, elle dit qu’elle aussi veut y aller. Nous ne voulons pas déménager dans un endroit éloigné du collège. Le professeur nous a suggéré que nous ne devions pas envoyer Ionut dans un autre établissement, car là c’est où il a ses amis et où il se sent bien. »

Pour terminer, Maria pense à son passé et parle de son futur : « Nous avons eu nos enfants assez jeunes, mais nous ne voulons pas qu’eux fassent la même chose. Je vuex qu’ils aillent au collège et qu’ils puissent trouver un travail. J’aimerais qu’ils aient une vie meilleure que celle que j’ai eue. »

QUE DEMANDE AMNESTY ?

Amnesty demande :
 que la mise en œuvre du Plan Nomades soit ajournée et réexaminée en consultant les personnes qui seront directement affectées et en veillant à ce que le plan révisé respecte le droit à un logement convenable.
 de veiller à ce que les évictions n’aient lieu qu’en dernier recours et dans le respect des garanties qu’offrent les normes européennes et internationales relatives aux droits humains.

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