Le Mali, pays d’Afrique de l’Ouest, est en crise depuis 2012. Les forces armées du nord et des groupes islamiques ont engagé un conflit contre les autorités maliennes de Bamako. Les violations de droits humains en cours s’aggravent par l’intensification des combats. Les civils sont les premières victimes de ce conflit. Des violences sexuelles, des actes de torture, des disparitions forcées et aussi le recrutement d’enfants-soldats sont à dénoncer. La Cour pénale internationale de La Haye va enquêter sur ces crimes de guerre.
Fil historique
Le Mali est un pays de l’Afrique de l’Ouest qui est divisé en deux zones géographiques et culturelles. La partie nord du pays se situe dans le Sahel, cette bande désertique entre le nord de l’Afrique et des régions boisées du sud. Les populations vivant au nord du Mali sont des Touaregs, nomades et musulmans.
Cette région est souvent soumise à de graves crises alimentaires et l’Etat malien a des difficultés à faire face aux enjeux de développement nécessaire au pays.
Au sud du pays se trouve la majorité de la population, qui est proche de la capitale, Bamako, siège également du gouvernement.
C’est sur ce terrain divisé que des violations graves de droits humains sont en cours aujourd’hui notamment contre des enfants qui sont enrôlés dans des groupes armés opposant.
De nombreux acteurs
Depuis 2012, il y a eu des affrontements entre les groupes armés du nord et du sud. Les groupes du nord veulent la libération de ce territoire. Il s’agit notamment du Front de Libération du Nord (FLN) et du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), un groupe d’opposition armé touareg qui a lancé une rébellion début 2012.
Ces groupes opposant à l’armée malienne ont été rejoints par des groupes islamistes fondamentalistes, comme Ansar Dine, voulant appliquer la Charia, la loi islamiste, comme seule loi au Mali et de façon radicale. Il y a aussi la présence du groupe d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
Des pressions physiques pour que l’Islam radical soit appliqué, sont exercées par ces groupes contre les populations. Mais les liens entre les mouvements islamistes et les indépendantistes restent flous.
Un autre acteur est le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDR), nommé ainsi après son coup d’Etat militaire qui a renversé le gouvernement du président Amadou Toumani Touré. Ces militaires sont en désaccord avec la façon dont le gouvernement avait mené la gestion du conflit au nord.
Ce coup implique que les garanties fondamentales pour les droits humains ne sont plus présentes, explique Gaëtan Mootoo, chercheur d’Amnesty International sur l’Afrique de l’Ouest. Le pays est dans l’incertitude et instable car il n’y a plus de gouvernement réel pour contrôler les violations de droits humains.
En janvier 2013, la France, avec l’accord du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU), a décidé d’intervenir dans ce conflit, sur la demande du gouvernement malien. Elle a lancé une contre-offensive visant les groupes islamistes armés du nord, pour empêcher qu’ils ne prennent le contrôle de plusieurs villes plus au sud du pays.
Suite à cette aggravation du conflit avec la présence de la France, Amnesty demande à tous les Etats de mettre en place des observateurs des droits humains, notamment pour que les situations des enfants soldats disparaissent et que le droit international humanitaire soit respecté.
Les civils : les premières victimes
Les groupes d’opposition armés touaregs et islamistes sont coupables d’atteintes aux droits humains. Ils ont commis des actes de torture, de châtiments corporels et des homicides contre des soldats maliens qui avaient été capturés, des viols de femmes et de jeunes filles et le recrutement d’enfants soldats. L’armée malienne se rendrait également coupable de violation des droits humains en représailles des groupes armés.
De plus, près de 200 000 de civils, des personnes qui ne sont pas dans des groupes armés, ont dû fuir dans des villes et plus de 100 000 se sont réfugiés dans des pays voisins.
Les civils subissent ces violations de droits humains des deux cotés. Au nord, les groupes islamistes qui appliquent la Charia de façon très dure, violent ces droits humains notamment par l’application de châtiments corporels, jusqu’à imposer l’amputation de la main lors de vols ou des coups de fouets. Ce qui constitue des traitements inhumains.
Dans la capitale, Bamako, des attaques contre des Touaregs ont été commises et les autorités n’ont rien fait pour empêcher cela.
Amnesty reproche aussi au gouvernement malien d’avoir bombardé à l’aveugle la population civile, sans prendre des précautions nécessaires.
Enfants-soldats
Amnesty a reçu des témoignages selon lesquels, se trouvaient dans les groupes islamistes et les groupes armés touaregs des enfants-soldats. Dans le rapport d’Amnesty de mai 2012 sur la situation au Mali, une mère, originaire de Goa, ville du nord, témoigne : « J’ai vu des enfants encore plus jeunes que les miens (qui ont 16 et 14 ans) se promener armés en voiture. D’autres étaient postés à l’entrée et à la sortie de la ville, sur des checkpoints. »
Les enfants soldats armés par les groupes rebelles utilisés pour la maîtrise des différentes parties du territoire, se retrouvent en premières lignes lors des combats. Ils sont exposés délibérément au danger. La mort d’enfants a d’ailleurs été rapportée auprès d’Amnesty. Des enfants sont aussi enrôlés par des groupes rebelles dans des bases d’entraînement près des installations militaires islamistes pour les combats. Certains auraient moins de 12 ans. Des témoins affirment que des petits garçons sont recrutés dans des petits villages où les habitants pratiquent un Islam très conservateur.
Enquête de la Cour pénale internationale
La Cour pénale internationale (CPI) est l’organe judiciaire de l’ONU et se trouve à La Haye aux Pays-Bas. Cette Cour juge des individus responsables des crimes les plus graves : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime de génocide. Elle a pour but de compléter la justice des États, lorsque ceux-ci ne jugent pas eux-même leurs criminels.
Le recrutement d’enfants-soldats faisant partie des crimes de guerre, un individu peut être condamné pour cette raison. C’est ce qui est arrivé à Thomas Lubanga en juillet 2012. La CPI rendait alors son premier jugement.
En juillet 2012, la CPI a accepté d’ouvrir une enquête sur les crimes de droit international commis depuis le mois de janvier 2012 au Mali. C’est le ministre malien de la Justice, Malick Coulubaly, qui avait demandé à la CPI de réaliser cette enquête. Le gouvernement malien ne pouvait pas enquêter ni poursuivre les auteurs, n’ayant plus un contrôle réel sur le territoire. L’ouverture de cette enquête est positive car elle aidera à apporter la justice à ces victimes et éviter les cas d’impunités sur ce territoire en conflit. Mais le gouvernement doit aussi lui-même prendre des mesures pour que les victimes aient accès à la justice avec des vraies enquêtes, car la CPI ne peut traiter qu’un petit nombre de dossiers.
Amnesty souligne que toutes les violations commises doivent être examinées,
tant celles commises par les rebelles que par les autorités maliennes.
Plus d’informations pour mieux comprendre
Vidéo d’Amnesty sur les violations des droits humains au Mali : (la vidéo est en bas de page)
Rapport sur cinq mois de conflit au Mali
Sources :
Articles sur le Mali sur www.amnesty.be
Human Rights Watch : « Mali : Le Islamistes doivent libérer les enfants soldats »