JUSTICE MAINTENANT en République Démocratique du Congo !

Avant la publication d’un rapport d’ Amnesty International sur la question de la justice en République Démocratique du Congo (RDC), Philippe Hensmans, directeur d’Amnesty International Belgique Francophone, s’est rendu sur place. Il a rencontré plusieurs ONG afin de participer à la mise en place d’une campagne nationale en faveur de la lutte contre l’impunité : la Campagne Justice Maintenant.

Il nous explique cette démarche en image :

Que s’est-il passé en RDC pour en arriver là ?

Guerres et reconstruction de l’Etat congolais

La RDC a connu deux guerres successives, la dernière ayant pris fin en 2003. Ces conflits ont opposés différents groupes armés au sein même de la RDC, ainsi que des groupes armés provenant des États frontaliers (Rwanda, Burundi...). La guerre est aujourd’hui officiellement terminée, mais de nombreux groupes armés sont encore actifs, en particulier à l’est de la RDC. Les violations des droits humains commises par ces groupes rebelles, ainsi que par les soldats de l’armée officielle elle-même, sont encore le lot quotidien des congolais.
Des milliers de personnes sont encore ce qu’on appelle des personnes déplacées internes, c’est à dire qu’elles ont du fuir leur lieu de résidence à cause des violences et s’installer ailleurs dans le pays, parfois dans des camps gérés par l’ONU.

Camp de personnes déplacées internes, au Nord-Kivu en 2010

Un pays qui sort de conflits violents, ayant opposés les populations à l’intérieur du territoire, doit faire la lumière sur les faits qui ont eu lieu, juger et condamner les responsables des atrocités commises. En particulier, de nombreux crimes sont du ressort du droit international (crimes de guerre, crime contre l’humanité...), et l’État doit se donner les moyens de les juger.

Que se passe-t-il si on ne juge pas les coupables ?

Pendant les guerres en RDC, de nombreux responsables de crimes faisaient partie des institutions nationales (administrations, forces de sécurité...), et certains ont encore aujourd’hui des postes à responsabilité. D’autres vivent normalement, sans crainte d’être inquiété par la justice. L’État est donc encore aujourd’hui gangréné par la présence de criminels impunis, et au sein même de la population, des criminels vivent paisiblement aux côtés des autres citoyens.

De nombreux enfants ont été (et sont toujours) utilisés par les groupes armés en RDC.

Pour donner un exemple de ce qu’il se passe quand les coupables ne sont pas punis, il suffit de jeter un coup d’œil à l’état de l’armée officielle de la RDC. Celle-ci regorge de soldats ayant commis des crimes de guerre, provenant des différents groupes armés rebelles. Ces soldats ont été "démobilisés", ce qui veut dire que sous la pression de l’État, ils ont quitté leurs groupes armés d’origine puis réintégrés dans l’armée nationale contre laquelle ils se battaient quelques mois voire semaines plus tôt. Le "deal" de cette réintégration, c’est en quelque sorte l’oubli des crimes passés : on efface leur ardoise, sous condition qu’ils se mettent au service de l’armée officielle.

Une jeune victime de violences sexuelles agée de 15 ans, au Kivu

Ces soldats sont coupables de crimes terribles, et sont toujours en activités aujourd’hui. Malheureusement, intégrer l’armée officielle ne les a pas aidé à renouer avec les droits de l’Homme, et les soldats de l’armée congolaises se rendent encore aujourd’hui coupable des pires violences, notamment de violences sexuelles. Vers qui peuvent se tourner les victimes de ces violences, si l’État ne possède pas de système judiciaire assez fiable pour juger les soldats de sa propre armée ? Aucune volonté n’est affichée par le gouvernement de mettre réellement fin à ces violations massives des droits de l’Homme, même si tout le monde sait de quoi l’armée se rend coupable... Des milliers de femmes et d’hommes victimes de violations des droits de l’Homme se retrouvent donc sans recours possible, livrés à eux-mêmes. Les victimes de violences sexuelles, subissant des chocs particulièrement traumatisant qui les empêche souvent de réintégrer leur communauté normalement, ne sont pas soutenues par le gouvernement et tombent dans l’oubli, tout comme les crimes de leurs oppresseurs.

Le fait de ne pas juger les coupables pour leurs crimes, c’est ce qu’on appelle l’impunité, et c’est contre cela que les ONG congolaises se sont unies pour agir.

Pourquoi les responsables de crimes ne sont-ils pas punis ?

Les archives du palais de justice de Bukavu, au Sud Kivu. Des années de délaissement ont plongé la justice dans un état déplorable.

Le système judiciaire congolais est aujourd’hui, huit ans après la fin du conflit, dans un état déplorable. Corruption, manque de moyen, manque d’indépendance, manque de coordination entre le gouvernement et les acteurs de la justice, déficit de protection des victimes... Très peu d’avancées ont été faites afin de juger des crimes commis pendant la guerre et de mettre fin à l’impunité.

Le contrat social : les ONG congolaises poussent les candidats à s’engager

Les ONG congolaises, ne pouvant que constater l’état de la justice dans leur pays, se sont associées dans une campagne commune soutenue par Amnesty International. Le but de Justice Maintenant est de faire signer aux candidats des élections présidentielles et législatives un contrat social qui les engages à prendre un certain nombre de mesures, afin de mettre fin à l’impunité. Parmi ces mesures, citons par exemple :

 la réforme du système judiciaire afin de lutter contre l’impunité pour les crimes au regard du droit international ;
 l’octroi de moyens nécessaires au Ministère de la justice et autres ministères concernés ;
 la protection légale des victimes et témoins ;
 la bonne coordination entre le gouvernement et les acteurs judiciaires ;
 la mise en conformité du droit congolais avec les exigences du droit international ;
 la mise en place d’un programme de réparation pour les victimes de violation des droits humains ;
 la réforme du système pénitentiaire...

Les élections ayant lieu le 28 novembre, des tables rondes ont été organisées entre les candidats et les ONG du 20 au 26 novembre.

Témoignage d’un militant de la réforme

Nous avons contacté Maitre Gautier Muhindo Misonia du Centre de Recherche sur l’Environnement la Démocratie et les Droits de l’Homme (CREDDHO), l’une des organisations à l’origine de la rencontre avec les candidats dans la province du Nord Kivu, à l’est du pays. La réunion a eu lieu le 21 novembre à Goma, la capitale de la province (voir carte : Goma est à la frontière avec le Rwanda), en présence de 9 organisations de la société civile et de 13 partis politiques. Le contexte et l’objectif du contrat ont été présentés par Maitre Richard Bayunda, de la section droits de l’Homme du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme. S’en est suivi un débat sur le système judiciaire congolais auquel les candidats ont largement participé, et les organisations ont pu expliquer comment elles comptaient travailler pour le réformer.

A la fin de la journée, 27 signatures du contrat social ont été récoltées et d’après Gautier Muhindo, certains candidats étaient particulièrement enthousiastes !

Cependant, 27 signatures reste un nombre limité, quand on sait que 70 candidats avaient été invités à la rencontre ! Plusieurs ne sont pas venus car ils avaient d’autres obligations en pleine campagnes présidentielle et législative. Les candidats qui n’ont pu se rendre à la réunion avaient néanmoins envoyé leurs suppléants, qui sont désormais chargés de transmettre le contrat à leur candidat pour le faire signer. Le rôle du CREDDHO et des autres organisations est maintenant d’essayer de contacter les candidats restant pour leur faire signer le document, et surtout, après la campagne, de s’assurer que les candidats signataires respectent le contrat !

A toi d’agir !

Seul ou avec ta classe, écris sur une affiche, en grandes lettres, "Justice Maintenant !", et ajoute autour les éléments que la RDC doit mettre en place pour lutter contre l’impunité. Tu peux t’aider des différentes propositions faites par les ONG dans le contrat social (réforme du système judiciaire, prise en compte des victimes, octroie de réparations, participation de tous les acteurs...).

Tu peux rajouter une phrase demandant un engagement immédiat et sans conditions du gouvernement pour la justice et le respect des lois, afin que justice soit faite et que la RDC puisse enfin se reconstruire.

N’oublie pas de signer l’affiche ou de préciser le nom de ton école, et envoie-la à : Ambassade de la RDC pour le Bénélux et l’UE - Rue Marie de Bourgogne 30
1000 Bruxelles - Belgique

Si tu le souhaites, tu peux envoyer à Amnesty une photo avec ton affiche !

Rejoins un de nos groupes-écoles actifs !

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