Les MGF, c’est quoi ?
On appelle MGF toutes les interventions consistant à l’ablation partielle ou totale ainsi que la lésion des organes génitaux externes de la femme pour des raisons culturelles ou religieuses.
Tu as sûrement déjà entendu parler de l’excision : c’est un terme "générique" utilisé très souvent pour désigner les MGF. Mais il ne rend pas compte des différentes catégories de mutilations qui existent. On distingue 4 types de mutilations :
On parle de clitoridectomie lorsque le clitoris et/ou le capuchon du clitoris est partiellement ou totalement coupé.
On parle d’excision lorsque le clitoris est partiellement ou totalement coupé, ainsi qu’une partie des petites ou grandes lèvres. Cela représente 80% des cas de mutilations sexuelles.
On parle d’infibulation quand, après avoir coupé le clitoris et les petites lèvres, les grandes lèvres sont cousues ensemble ne laissant qu’un petit orifice pour le passage des urines et du sang des règles.
Le quatrième type comprend toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques, comme la ponction, le percement, l’incision, la scarification et la cautérisation.
Si tu trouves ces définitions trop complexes, n’hésite pas à aller voir le site du Groupement pour l’abolition des mutilations sexuelles qui explique en détails ces différentes pratiques.
Circoncision et MGF : attention à la confusion !
En anglais, pour parler des MGF, on parle de "female circumcision". Ce terme porte souvent à confusion car ce sont des pratiques très différentes, qui n’ont pas les mêmes conséquences sur la santé de la personne. En effet, la circoncision (ablation totale ou partielle du prépuce) ne prive pas l’homme de son organe, et donc de sa santé sexuelle et reproductive. À l’inverse, les MGF sont mondialement reconnues comme étant une violation des droits fondamentaux de la femme, ayant des conséquences déplorables sur sa santé.
Où sont pratiquées les MGF ?
Les MGF sont pratiquées dans au moins 28 pays d’Afrique, avec des taux très différents en fonction des pays, et de fortes variations aux seins même des pays en fonction de l’ethnie et de la région d’origine de la personne. Leur pratique n’est pas nécessairement liée à un niveau de pauvreté et/ou d’éducation. La Somalie, Djibouti, l’Égypte, le Soudan, l’Érythrée, la Guinée, la Sierra Leone et le Mali sont les pays où les filles sont les plus touchées : plus de 85 % des filles entre quinze et dix-neuf ans y sont victimes de MGF (contre moins de 5 % au Niger, au Cameroun ou en Ouganda). En Somalie, 97,9 % des filles sont mutilées, soit la quasi-totalité d’entre elles.
Contrairement à l’idée que l’on en a, les MGF ne se limitent pas au continent africain. Certaines ethnies d’Asie (au Sri Lanka), d’Amérique latine (au Pérou, en Colombie) ou du Moyen-Orient (au Yémen, dans les communautés kurdes notamment en Irak, en Arabie Saoudite) les pratiquent également.
Elles sont également pratiquées par des familles installées en Europe, dans des proportions moindres. Elles peuvent alors avoir lieu lors de vacances dans le pays d’origine, ou sur le territoire européen.
Quel âge ont les victimes ?
Les MGF peuvent être réalisées à des moments différents de la vie des filles ou des femmes. Certaines en sont victimes juste après leur naissance, d’autres pendant l’enfance, l’adolescence ou encore lors de leur première grossesse. La majorité des filles sont mutilées entre 5 et 12 ans. Dans certains pays, la pratique est liée aux rituels de passage de l’état de fille à celui de femme. On observe dans certains pays une baisse de l’âge auquel les MGF sont pratiquées, comme au Burkina Faso où, suite à la pénalisation de la pratique, les mutilations ont lieu plus tôt afin d’éviter la dénonciation de la pratique par les filles elles-mêmes.
La plupart des victimes de MGF sont également mariées de force : ces deux problématiques sont très liées.
Quelles sont les raisons invoquées ?
Le respect de la coutume ou de la tradition : c’est la réponse la plus fréquente à la question : pourquoi exciser ? C’est que cela s’est toujours fait, ça se fait, c’est tout. C’est naturel, c’est normal.
La cohésion sociale, l’intégration sociale : pour être comme tout le monde, ne pas être exclue.
La pureté, la propreté : parfois, tant qu’une fille n’aura pas été excisée ou infibulée, elle sera considérée comme impure, sale et certaines choses, comme préparer le repas ou servir à manger, lui seront interdites.
La virginité, la chasteté, la fidélité : les MGF sont vues comme un moyen de préserver l’honneur de la famille en prévenant tout désir sexuel avant le mariage, pour que la fille reste sage et sérieuse. Dans le cadre de mariages polygames, où le mari ne pourrait peut-être pas satisfaire l’ensemble de ses épouses et où la femme pourrait être frustrée et tentée d’avoir une relation hors mariage, les MGF sont vues comme un moyen de préserver l’honneur du mari.
Le mariage : dans certains pays, une fille non excisée ne trouvera pas de mari. Certaines filles sont réexcisées avant le mariage si on s’aperçoit que cela n’a pas été bien fait ou dans le cas des infibulations, si la cicatrice s’est désunie spontanément. Certaines mères reconnaissent les dangers des MGF, mais avouent que le fait de ne pas pouvoir se marier dans leur société est pire que le risque d’avoir des complications suite aux MGF.
La fécondité : il existe beaucoup de mythes autour de la fécondité. Ces pratiques sont censées accroître la fécondité et favoriser la survie de l’enfant. Ainsi, certaines communautés pensent que le clitoris, s’il n’est pas coupé, atteindra la taille du pénis, ou que le clitoris est un organe dangereux qui pourrait blesser l’homme pendant un rapport sexuel (et le rendre impuissant ou stérile) ou empêcher le bon déroulement de l’accouchement.
La séduction, la beauté : en particulier dans les ethnies qui pratiquent l’infibulation, un sexe ouvert et poilu est considéré comme laid. Un sexe cousu, fermé, épilé est perçu comme plus hygiénique et il est censé rendre la femme plus attrayante.
La religion : contrairement aux idées reçues, la pratique des MGF est antérieure à l’avènement des religions monothéistes, et en particulier de l’islam. Ni le Coran ni aucun autre texte religieux ne prescrivent l’excision ou l’infibulation. Pourtant, certaines communautés la pratiquent en croyant qu’elle est exigée par la religion.
Si le statut des exciseuses ne fait pas partie des justifications invoquées par la population, on peut toutefois le considérer comme un élément favorisant la continuité de ces pratiques. En effet, les mutilations génitales féminines sont une source de revenus et de reconnaissance sociale pour les exciseuses. Elles n’ont, dès lors, pas intérêt à arrêter la pratique.
Que dit la loi ?
Au niveau international, de nombreux textes (comme la Déclaration universelle des droits de l’homme ou la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) tentent de protéger les femmes contre la violence sous toutes ses formes, et donc contre les MGF. Mais aucun de ces textes n’interdit expressément les MGF.
Selon l’ONU, ces pratiques constituent une forme de torture et violent le droit à la santé, à la vie et à l’intégrité physique des femmes et des filles. De plus, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes de 1979 condamne ces pratiques, car elles sont discriminantes : elles ne s’appliquent qu’aux individus de sexe féminin. Pour toutes ces raisons, une femme peut demander le statut de réfugié à l’étranger si elle est victime de MGF ou si elle risque de l’être.
Au niveau national, les MGF sont clairement interdites dans un grand nombre de pays, notamment dans ceux ayant les taux les plus forts. Malgré cela, l’application de ces lois est difficile : c’est en fait toute la société qui doit revoir son positionnement par rapport à ces pratiques. Il est donc nécessaire que l’État s’attaque également aux questions plus profondes liées aux stéréotypes et préjugés dominants dans la société, à l’accès des filles et des femmes à l’éducation et à la santé, etc.
Certains pays très touchés par les MGF ne se sont pas dotés de lois spécifiques, comme la Sierra Leone ou la Somalie.
Quelles conséquences ?
Les conséquences immédiates des MGF sont une douleur extrême pouvant entraîner une perte de connaissance et des saignements importants pouvant causer la mort. Le risque d’infection est également très grand comme les exciseuses traditionnelles utilisent des instruments non stériles. Les filles sont tenues fermement durant la procédure et le plus souvent ignorent ce qu’il va se passer. L’enfant qui ne comprend pas pourquoi on lui inflige cette douleur peut avoir un sentiment de trahison par rapport à ses parents et ne plus avoir confiance en lui. Toutes les formes d’excision sont une mutilation, mais l’infibulation est celle qui entraîne le plus de complications, car les grandes lèvres ont été cousues ensemble pour ne laisser qu’un tout petit orifice pour les urines.
Les femmes subissent également les conséquences physiques, psychologiques et sexuelles des MGF sur le long terme. Il s’agit notamment de douleurs chroniques, d’infections urinaires et vaginales, de développement d’abcès ou de kystes à l’endroit de la cicatrice, de la diminution du plaisir sexuel. Certaines femmes souffrent de stress post-traumatique. L’infibulation entraîne également très souvent des problèmes urinaires (infections, difficultés à uriner) et des douleurs pendant les règles. Les premiers rapports sexuels chez les femmes infibulées sont également vécus comme une torture, ce qui peut laisser un grave traumatisme et les empêcher d’avoir une vie sexuelle épanouie.
En finir avec les MGF
Dans tous les pays où les MGF sont pratiquées, des femmes et des hommes font entendre leur voix pour abolir ces pratiques. Il est souvent très difficile pour les militants de se faire entendre, car on peut les accuser de renier leur culture. Ils peuvent se faire harceler, menacer voire agresser pour s’être opposé à cette pratique. Les femmes n’affrontent pas que des hommes dans ce combat, mais aussi d’autres femmes elles-mêmes mutilées, mais qui soutiennent les pratiques.
En Belgique, le Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS Belgique) agit sur tous les fronts. Outre le suivi social et psychologique de victimes de MGF, l’association mène un travail d’information dans les communautés concernées afin de faire connaître les droits et les possibilités de recours des victimes. Amnesty International et le GAMS Belgique se sont associés à plusieurs autres associations dans une campagne appelée Pas d’excision pour ma sœur destinée aux jeunes, pour prévenir l’excision des filles lors de leurs vacances dans leur pays d’origine.
L’ASBL INTACT aide les victimes au niveau juridique, et offre un soutien aux professionnels dans le suivi des signalements et des mesures protectionnelles.
Parler des MGF aux hommes, c’est important ?
Il est très important d’inclure les hommes et les jeunes garçons dans le combat contre les MGF. Pour faire changer les mentalités, il faut aussi s’adresser à deux !
Parler des rapports homme/femme et de sexualité n’est pas toujours chose évidente... Pourtant, il faut surmonter les tabous et les gènes pour apporter une information décomplexée. Les garçons sont directement concernés par ces violations : ils peuvent être victimes, responsables de violence, ou simplement faciliter la propagation des stéréotypes sur les femmes qui circulent dans les sociétés. Il faut donc commencer par le milieu scolaire ! Plus tard, c’est encore plus difficile. Comme dit Zahra Ali Cheikh, responsable du suivi des femmes au GAMS, "les hommes ne comprennent pas pourquoi ils devraient se mêler de ces histoires de femmes. De plus, dans certaines communautés, si les hommes commencent à s’immiscer dans les affaires des femmes, elles ont l’impression d’être privées d’un droit".
Pour aller plus loin...
Tu peux lire le livre Fleur du désert, du désert de Somalie à l’univers des top models de Waris Dirie et Catheleen Miller, Éd. J’ai lu, 2009. Il raconte le parcours courageux d’une jeune somalienne victime d’une excision.
Tu peux regarder l’adaptation au cinéma de ce livre, "Fleur du désert" de Sherry Hormann, 2010.