Rencontre avec Moses Akatugba

Le jeudi 5 décembre 2019, nous avons eu la chance de rencontrer, lors d’un midi des droits humains, Moses Akatugba, injustement condamné à mort au Nigéria, puis gracié face aux pressions exercées notamment par les militants d’Amnesty International.
Moses est la preuve vivante de l’efficacité des signatures et des nombreuses lettres écrites et envoyées par des milliers de personnes des quatre coins du monde lors des campagnes d’Amnesty. Il est justement venu en témoigner.
Retour sur cette rencontre.

L’histoire de Moses

C’est en novembre 2005 que l’armée nigériane a arrêté Moses, étudiant alors âgé de 16 ans, accusé du vol de trois téléphones et de divers accessoires de communication. Torturé pendant des heures et poussé à bout par la police pour le contraindre à « avouer », Moses avait finalement signé sous la contrainte les aveux pré-rédigés que lui tendait la police.

En novembre 2013, après 8 ans de prison, Moses a été condamné à mort par pendaison.

Durant tout ce temps passé derrière les barreaux, Moses n’a jamais cessé de clamer son innocence. Le 1er octobre 2014, le gouverneur de l’État du Delta, au sud du Nigéria, Emmanuel Uduaghan, a réagi aux pressions exercées par les sympathisants d’Amnesty International et indiqué qu’il étudiait l’affaire et qu’il envisageait de commuer la condamnation à mort, autrement dit changer la peine, de Moses avant de quitter son poste, le 29 mai 2015. La veille au soir, le 28 mai 2015, la nouvelle tant attendue est tombée : le gouverneur a accordé la grâce totale à Moses. Il est, à présent, sorti de prison, après 10 années passées derrière les barreaux.

Et ceci, grâce à une grande mobilisation de milliers de sympathisants d’Amnesty. En effet, Moses était l’un des cas présentés dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International, « Stop Torture », et a été mis en lumière dans le cadre de l’action « Écrire pour les droits » de 2014. Au total, plus de 800 000 signatures ont été recueillies dans le monde pour demander au gouverneur, Emmanuel Uduaghan, de commuer sa condamnation à mort et d’initier une enquête indépendante sur les actes de torture qui lui auraient été infligés par la police.

Un grand nombre d’écoles en Wallonie et à Bruxelles avait également pris part à l’opération « Courage » organisée par Amnesty où des centaines d’élèves et professeurs avaient signé des cartes postales destinées au gouverneur de l’État du Delta et rédigé des messages de soutien à l’attention de Moses.

Tous ces mots, cartes, lettres et dessins ont encouragé Moses à tenir bon. En mars 2015, deux mois avant sa libération, Moses déclarait : « C’est une grande joie pour moi de savoir que j’ai le soutien de tant de personnes dans différents pays du monde. Alors qu’auparavant j’avais l’impression que tout espoir avait disparu, l’histoire a changé quand Amnesty International est intervenue. Ce que j’ai vu m’a bouleversé : les cartes et messages que j’ai reçus sont si intéressants. J’ai repris espoir et cet espoir me permet maintenant de continuer à avancer. Quand je sortirai de prison, la première chose que je prévois de faire est de retourner à l’école et d’étudier ».

La mobilisation des militants d’Amnesty a donc eu un fort impact, comme en témoigne, en 2015, Netsanet Belay, directeur pour l’Afrique à Amnesty International : « La grâce accordée à Moses Akatugba, qui n’aurait jamais dû être condamné à mort parce qu’il était mineur au moment des faits, est une victoire de la justice et rappelle que le pouvoir des citoyens et les campagnes de défense des droits humains peuvent réellement faire la différence ».

Aujourd’hui, Moses est libre et très actif dans la défense des droits humains. De passage à Bruxelles début décembre, il est revenu sur l’impact de l’action « Écrire pour les droits » !

Le pouvoir des lettres

Moses est la preuve vivante qu’écrire une lettre ça marche !

En effet, lors de notre rencontre, Moses a insisté sur l’importance pour lui des lettres qu’il a reçues des milliers de sympathisants d’Amnesty. Les lettres l’ont sauvé : « Mon coeur a recommencé à battre. Les lettres m’ont maintenu en vie », nous raconte-t-il. Écrire une lettre ce n’est pas juste écrire, mais c’est aussi sauver des vies.

Ces lettres étaient reçues par sa mère qui les lui transmettait en prison. Une fois lues, il les lui rendait et elle lui en donnait des nouvelles. Pour Moses et sa famille, ces lettres ont été une source d’inspiration et de motivation à chaque instant en ayant un impact physique, émotionnel et mental très fort. Ce ne sont pas que des lettres, mais ce sont aussi des mots qui ont beaucoup compté. Aujourd’hui, Moses a toujours ses lettres avec lui. Il les a gardées comme source d’inspiration quotidienne. En effet, ces lettres le motivent « à faire plus ».

Au départ, les personnes, comme les gardiens de prison, ne croyaient pas en Amnesty International et ses actions, comme les lettres de soutien. Ils pensaient que c’était une perte de temps. Ils ne voyaient pas et ne ressentaient pas ce que Moses pouvait ressentir en lisant tous ces messages qui lui étaient destinés. C’est au moment où le gouvernement en a parlé et que son cas est devenu médiatique que les gardiens et d’autres personnes ont compris le rôle et le pouvoir des lettres. Cela a eu un impact direct sur son moral. Il voyait enfin la « lumière ».

Moses est ainsi persuadé qu’écrire une lettre a plus de pouvoir qu’on ne le pense. « Un stylo est très puissant, plus puissant qu’une épée et plus puissant qu’un pistolet », témoigne Moses avec grande émotion.

Lors de ce midi des droits humains, Moses tient également à remercier toutes les personnes qui ont été impliquées d’une manière ou d’une autre dans des campagnes d’Amnesty International pour lui ou pour d’autres personnes. Aujourd’hui, Moses veut agir, comme d’autres personnes l’ont fait pour lui en 2015, et même si cela est risqué dans son pays, le Nigéria, il va continuer à se battre : « Je ne peux pas m’arrêter maintenant ».

La situation des droits humains au Nigéria

La situation des droits humains au Nigéria est compliquée, raconte Moses. Il y a des violations chaque jour, notamment au niveau de la liberté d’expression qui est souvent bafouée. En effet, Moses nous montre à quel point être défenseur des droits humains et activiste au Nigéria est difficile et très risqué. Les journalistes, les blogueurs et les militants nigérians sont de plus en plus harcelés, intimidés, parfois agressés physiquement et arrêtés de manière arbitraire par les autorités uniquement parce qu’ils font leur travail ou expriment leurs opinions. Ces personnes travaillent souvent dans un climat de peur.

Les droits économiques, sociaux et culturels sont également menacés au Nigéria, comme c’est le cas pour Nasu Abdulaziz qui se bat pour le droit à un logement et dont Moses soulève son cas lors de notre rencontre. En effet, cette année dans le cadre de notre campagne « Écrire pour les droits », Amnesty a choisi de mettre en avant l’histoire de Nasu, jeune nigérian, blessé par balle alors qu’il défendait son territoire.

Entre novembre 2016 et avril 2017, Nasu et les autres habitants d’un quartier de Lagos, au Nigéria, ont été expulsés sans préavis de leur logement. Des hommes sont arrivés, sur ordre du gouvernement, démolissant et incendiant des maisons, tirant sur des familles, et détruisant les moyens de subsistance. Au bout du compte, 30 000 personnes, dont Nasu, se sont retrouvées sans abri, contraintes à vivre sur des pirogues, sous des ponts ou chez des proches.

Nasu se bat actuellement jusqu’à ce que son droit à un logement se concrétise et qu’ils puissent vivre, lui et les autres habitants, dans la dignité. Moses le soutient et se mobilise pour tous les cas mis en avant lors de cette nouvelle édition d’« Écrire pour les droits » !

Moses conclut notre rencontre par une note d’espoir. Il est persuadé que la situation au Nigéria et dans le monde peut s’améliorer grâce à toutes les mobilisations : « one day it would change » !

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