Gros plan sur deux jeunes activistes qui font la différence

Découvre l’interview de Faustine et Clémentine, membres du groupe Amnesty du Centre scolaire Saint-Benoît Saint-Servais de Liège.

Âgées de 16 ans, et aussi déterminées l’une que l’autre, Faustine Warnant et Clémentine Lechanteur Courtois sont deux jeunes activistes d’Amnesty International. Élèves en cinquième secondaire au Centre scolaire Saint-Benoît Saint-Servais de Liège, elles ont décidé, en 2021, de créer un groupe Amnesty dans leur école. Depuis, elles ne cessent de multiplier leurs actions en faveur des droits humains, et ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Leur objectif dans la vie ? Avant tout agir selon leurs valeurs, et être utiles aux autres !

Tout a commencé il y a quatre ans...

Faustine et Clémentine se connaissent depuis quatre ans. Elles se sont rencontrées à l’école en participant à l’opération de récolte de fonds de l’ASBL Iles de paix. Elles se sont très vite trouvées des positions communes face à des situations qui les révoltaient et sont devenues amies.

Clémentine aime lire, écouter de la musique et voir ses ami·e·s. Elle est chez les Scouts depuis ses huit ans. Plus tard, elle aimerait travailler dans une ONG, peut-être pour aider à la préservation de l’océan. Faustine, quant à elle, joue du piano et du saxophone. Elle aime le tennis et le jogging. Elle est également bénévole à la section apicole « Les reines de Liège ». Plus tard, elle voudrait trouver le moyen d’agir contre le réchauffement climatique, en protégeant l’environnement et les forêts, et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Avant de créer un groupe Amnesty dans votre école, étiez-vous déjà engagées pour une cause qui vous tenait à cœur ?

Faustine : Oui, on participait à l’école aux campagnes de récolte de fonds de l’association Iles de Paix qui vient en aide aux agriculteur·rice·s en Afrique et en Amérique du Sud. Je participais également, en dehors de l’école, aux actions d’une autre association qui contribue à planter des arbres.

Clémentine : En dehors de l’école, on a également d’autres engagements. Je prévois par exemple de partir en Croatie cet été avec les Scouts pour aider à la réhabilitation d’un village.

Faustine  : De mon côté, j’ai prévu de partir en Allemagne pendant les vacances pour aider à la préservation des forêts avec l’ASBL Compagnons Bâtisseurs.

Pourquoi avez-vous décidé de créer un groupe Amnesty dans votre école ?

Faustine : Les droits humains sont un sujet qui nous tient à cœur depuis toujours, cela nous révoltait, par exemple, de voir dans les médias des personnes injustement enfermées, mais on ne savait pas vraiment comment agir concrètement pour dénoncer ces situations et défendre ces droits. C’est Corinne Mathieu, la responsable d’un groupe local Amnesty qui tenait un stand lors d’un évènement public, qui m’a donné l’idée de créer un groupe-école Amnesty. J’en ai parlé à Clémentine, et, ensemble, on a rapidement créé ce groupe, avec l’aide et le soutien de plusieurs enseignant·e·s et de la direction de l’école.

Clémentine : Ce groupe nous permet de sensibiliser les élèves de l’école à cette cause, de leur apprendre des choses, mais aussi de leur proposer de s’engager à leur tour pour dénoncer des situations injustes et inacceptables.

Depuis quand connaissez-vous Amnesty ?

Clémentine : Mes parents ont toujours essayé de me transmettre les valeurs des droits humains, mais je ne connaissais pas particulièrement le travail d’Amnesty. L’année dernière, alors que je m’interrogeais sur les métiers dans les ONG, un prof m’a proposé d’appeler le coordinateur activisme et éducation aux droits humains d’Amnesty International, qui m’a parlé en détail de l’organisation. Il m’a proposé de participer au marathon des lettres d’Amnesty avec mon école, ce que nous avons fait. C’est comme ça que j’ai appris à connaître concrètement Amnesty International.

Faustine  : J’entends parler d’Amnesty International depuis très longtemps car mon grand-père l’a toujours beaucoup soutenue. Je me rappelle qu’il y avait notamment toujours des bougies Amnesty chez mes grands-parents.

Qu’est-ce qui vous touche particulièrement parmi les sujets liés aux droits humains ?

Clémentine : L’un des sujets qui me touchent le plus, ce sont les droits des femmes. Je ne comprends pas qu’en 2022, les femmes n’aient pas les mêmes droits que les hommes dans certains pays, comme en Arabie saoudite, et que ce soit banalisé. Je trouve ça horrible. Par exemple, Nassima al-Sada a milité pour les droits des femmes et contre la tutelle masculine en Arabie saoudite. Elle a été emprisonnée pendant quatre ans puis libérée, mais c’est une fausse liberté. Elle ne peut plus voyager hors du pays. Tout ça parce qu’elle a voulu défendre les droits des femmes. Ces droits devraient être garantis pour toutes, dans tous les pays.

Faustine : Le sujet qui m’intéresse le plus est la situation des droits humains en Chine. Quand j’étais petite, j’adorais la Chine, l’écriture, le folklore… J’ai d’ailleurs appris à écrire certains caractères chinois et je tenais à ce que l’on fête tous les ans chez moi le Nouvel An chinois... Jusqu’à ce que je réalise, grâce aux médias et à mes cours de géo, ce que de nombreuses personnes subissaient dans ce pays : un grand nombre de personnes sont emprisonnées ou enfermées en raison de leur opinion ou de leurs origines (notamment les personnes ouïghoures), les libertés sont très restreintes afin d’assurer le développement du pays et qu’il devienne la première puissance mondiale. C’est un régime dictatorial, avec une forte censure, un parti unique, pas de libertés individuelles ni de liberté de conscience ou de religion. Je trouve ça choquant.

Expliquez-nous quelles sont les actions que vous menez au sein de votre groupe et comment vous vous organisez pour les réaliser ?

Faustine : Au début de l’année, on a présenté le groupe dans toutes les classes, notamment en parlant des atteintes à la liberté d’expression. On a mis en avant le cas de Ciham Ali Ahmed, une jeune fille arrêtée arbitrairement en Érythrée alors qu’elle n’avait que 15 ans et qui est portée disparue depuis. On a proposé aux élèves de signer une pétition en ligne pour demander sa libération. On a expliqué particulièrement aux classes de première et deuxième ce qu’on allait faire et ce qu’était Amnesty. On a organisé une vente de bougies dans l’école au profit d’Amnesty en décembre, et nous sommes en train d’organiser le marathon des lettres « Écrire pour les droits », pour les classes de troisième à sixième.

Clémentine : On est une dizaine dans le groupe-école, majoritairement des cinquièmes. On fait une réunion avant chaque action pour s’organiser, mais on n’a pas forcément de réunions tous les mois à des moments fixes. On envoie des mails aux deux professeures responsables pour les tenir informées, mais elles n’assistent pas aux réunions, sauf quand on a besoin de leur aide pour prévenir l’ensemble des professeur·e·s de l’école de nos actions.

Est-ce que vous avez le sentiment de pouvoir améliorer des situations, changer des vies grâce à vos actions ?

Faustine : On sait que nos actions sont utiles. On reçoit régulièrement des bonnes nouvelles concernant des personnes soutenues par Amnesty qui ont été libérées. On ne mène donc pas des actions en vain. Grâce aux messages et lettres qu’on écrit, les personnes pour lesquelles on se mobilise savent qu’elles ne sont pas abandonnées.

Clémentine : Le cas de Melike et Özgür, deux étudiant·e·s qui risquaient la prison pour avoir organisé un sit-in des fiertés dans leur université en Turquie, m’a particulièrement marquée. Qu’ils soient acquitté·e·s après que l’on se soit mobilisé·e·s en leur faveur est vraiment une consécration. Nos actions ont un impact réel, c’est certain !

Faustine : Ces victoires donnent de l’espoir et ça nous montre qu’on peut participer au changement.

Est-ce que vous avez l’impression que les élèves de votre école ont conscience de l’impact de ces actions ?

Faustine : Quand on est allées présenter le cas de Ciham dans les classes, on a commencé par dire aux élèves que cinq des cas du marathon de l’année passée avaient été libéré·e·s ou acquitté·e·s pour justement leur montrer que les actions qu’on leur propose ont un impact.

Clémentine : On ne peut bien sûr pas intéresser tout le monde, mais une grande majorité des élèves nous a fait des retours très positifs sur nos actions. Je pense qu’on peut leur faire ouvrir les yeux et leur apprendre de nouvelles choses.

Faustine : Peut-être qu’en voyant les actions d’Amnesty, ils peuvent développer de nouvelles valeurs et un esprit critique. C’est ce qu’on espère en tout cas.

Il y a quelques mois, vous avez décidé de réaliser un reportage vidéo sur un sujet qui vous touche particulièrement. Pourriez-vous nous raconter comment est né ce projet et pourquoi il vous semble important de le mener à bout ?

Clémentine : Dans le cadre du cours de français, on a lu « Les Victorieuses » de Laetitia Colombani. Ce livre traite des droits des femmes, de leurs conditions quand elles sont à la rue. Ça m’a énormément touchée. Il parle d’une réalité et d’un sujet pas assez médiatisés alors que cela se passe à une rue de chez nous. J’avais envie de faire connaître la situation de ces personnes qui n’ont pas la chance d’être écoutées et prises en compte dans la société.

Faustine : À Liège, il y a beaucoup d’hommes sans abri. Souvent, on ne leur accorde pas vraiment d’attention. On ne réalise pas qu’ils ont chacun une histoire. On voit très peu de femmes à la rue, mais il y a, près de chez nous, un centre pour femmes sans abri ou battues.

Clémentine : Quand on passe devant des personnes sans abri ou devant le centre, on ne réalise pas leur histoire. On avait envie de les rendre plus visibles. C’est comme ça qu’on a eu l’idée de réaliser, dans le cadre des activités du groupe Amnesty, un petit reportage vidéo sur ces femmes fortes qui vivent recluses de la société.

Faustine  : Les violences faites aux femmes peuvent arriver à tout le monde. On peut être avec un mari qu’on ne savait pas violent. Rester est très difficile. Le quitter et partir dans l’inconnu demande beaucoup de courage. Nous avons déjà organisé une réunion du groupe-école Amnesty pour en discuter. L’ensemble des membres du groupe sont intéressé·e·s et veulent s’impliquer dans ce projet. On a déjà un contact avec la directrice du centre d’accueil de femmes qui est d’accord pour que l’on réalise un reportage dans son centre, mais les dates des interviews et des rencontres n’ont pas encore été fixées. On a prévu de recueillir des témoignages de femmes sans abri dans ce centre de Liège, ainsi que des femmes qui y travaillent, comme des assistantes sociales.

Clémentine : J’aimerais aussi essayer de recueillir le témoignage de quelques personnes sans abri dans la rue afin de mieux comprendre ce qu’elles vivent.

Qu’attendez-vous de ce projet ? Que voudriez-vous que les autres élèves retiennent de votre reportage ?

Clémentine : On pense le projeter dans l’auditorium de l’école afin de sensibiliser un maximum d’élèves à ce sujet et faire connaître la vie et la situation de ces femmes trop souvent dans l’ombre.

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