« Il faut que l’activisme redevienne quelque chose de cool »

Découvre l’interview d’Anna et de Eliot, membres d’un groupe-école Amnesty ainsi que du conseil des jeunes d’Amnesty.

À seulement 16 et 17 ans, Eliot Docquir et Anna Mpoy sont des voix engagées pour les droits humains. Élèves à l’Institut de la Vierge Fidèle de Schaerbeek et au Collège Saint-Hubert de Watermael-Boitsfort, Anna et Eliot militent activement au sein du groupe Amnesty de leur école respective et sont membres du conseil des jeunes d’Amnesty, qui rassemble une dizaine de jeunes de 15 à 22 ans engagé·e·s pour les droits humains. Très impliqué·e·s dans différents projets visant à défendre les droits humains, Anna et Eliot nous montrent qu’il n’y a pas d’âge pour s’engager !

Depuis quand connaissez-vous Amnesty International ?

Anna : J’ai entendu parler d’Amnesty International pour la première fois en 3e, c’est à peu près à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser aux droits humains. Il y avait un groupe Amnesty dans mon école, mais je ne savais pas trop comment y adhérer, d’autant plus que chez nous, on ne pouvait intégrer le groupe qu’à partir de la 4e. J’ai donc commencé par être informée sur des situations de violations des droits humains via les actions menées par le groupe et j’ai fini par le rejoindre quand je suis entrée en 4e. Donc j’ai vraiment découvert Amnesty International via l’école.

Eliot  : Pour moi, c’était grâce à mon grand-père, qui y est engagé depuis des années, donc j’ai toujours connu Amnesty International, mais j’ai intégré le groupe de l’école en 3e.

Quelles sont les causes qui vous tiennent à cœur et vous ont poussé·e·s à rejoindre un groupe Amnesty dans votre école ?

Anna : Pour moi, le féminisme et la lutte contre les discriminations sont des causes primordiales. Depuis que je suis petite, le fait d’être noire a vraiment marqué mon identité. J’ai pris part à d’autres activités comme les « Ambassadeurs d’expression citoyenne » et j’ai travaillé avec des MENA (mineurs étrangers non-accompagnés), dans un projet visant à les rencontrer et à faciliter leur intégration.
Je suis quelqu’un de très proactive, et j’aime beaucoup défendre les autres, donc m’engager avec Amnesty International a été une suite logique. En plus, le « Week-end des droits humains » [Réunion sur un week-end, organisée par Amnesty International, de jeunes activistes francophones de quatre pays pour renforcer leurs connaissances sur les droits humains, ndlr] a vraiment été marquant pour moi, et après ça, j’ai voulu faire plein de choses pour lutter contre les injustices, m’engager partout !

Eliot : Contrairement à Anna, je n’ai pas vécu de discriminations, mais j’ai toujours vécu dans cet environnement d’engagement, surtout grâce à ma famille qui est très consciente des problèmes liés aux droits humains. Au niveau des causes qui me tiennent à cœur, je dirais que c’est l’intersectionnalité des luttes. Tout est lié. Donc, même si je ne suis pas personnellement touché par certaines discriminations, je suis particulièrement sensible à beaucoup de sujets, notamment la cause climatique. J’ai rejoint « Youth for Climate » par exemple et des collectifs comme « Look Down », contre l’exploitation minière en haute mer. Je suis aussi engagé avec Oxfam à l’école et fait partie du « Défi Belgique Afrique ».
C’est après avoir participé à la « Journée Oxfamnesty » [Rassemblement d’une centaines de jeunes de groupes-écoles Amnesty et groupes scolaires Oxfam des pays francophones, pour approfondir une thématique, se rencontrer, échanger et agir, ndlr] il y a deux ans que mon engagement s’est vraiment renforcé, et c’est à ce moment-là que je me suis impliqué activement dans le groupe Amnesty de mon école !

Comment est-ce qu’on entre dans un groupe-école Amnesty ?

Anna : Ça varie selon les écoles. Dans mon cas, au moment où j’ai rejoint le groupe, il fallait être en 4e ou 5e et avoir un·e enseignant·e· qui dirigeait le groupe Amnesty. Ma professeure de géographie en a parlé en classe et j’ai pu rejoindre un groupe déjà existant. Maintenant, j’essaye de faire en sorte que d’autres niveaux puissent participer, pas seulement les 4e et 5e.

Eliot : Chez nous, on pouvait rejoindre le groupe à partir de la 3e. On nous a fait une présentation en début d’année, et mes amis l’ont rejoint tout de suite. Quant à moi, j’ai attendu le milieu de l’année pour demander à en faire partie, mais j’ai eu de la chance, la prof m’a quand même accepté.

Quelle(s) liberté(s) vos enseignant·e·s vous laissent dans vos actions ?

Eliot : Chez nous, c’est la professeure responsable du groupe qui relaie les propositions d’actions d’Amnesty International, puis on co-construit des actions et nos projets avec elle. On a de la chance, elle est très ouverte. C’est surtout avec la direction qu’il faut parfois négocier, mais tant qu’on gère tout et que ça ne prend pas de temps sur les cours, ça passe.

Anna : Chez nous, c’est un mélange des deux. Il y a à la fois une professeure responsable et une élève responsable du groupe (cette année, c’est moi !). Je reçois des e-mails d’Amnesty International et je fais le lien avec les autres jeunes. Parfois, je suggère ce qu’Amnesty International propose, et la professeure responsable du groupe fait aussi des recommandations. Pour les actions emblématiques, comme le « Marathon des lettres », ce sont plutôt les professeur·euse·s qui nous en parlent. Mais on a quand même pas mal de liberté et beaucoup de soutien. Par exemple, j’ai proposé d’organiser une exposition proposée par Amnesty International, et ma professeure a tout de suite soutenu l’idée.

Avez-vous rencontré des réticences dans votre engagement à l’école ?

Anna : Quand on interpelle, via nos actions, des élèves au sujet d’une situation injuste, ils ont parfois peur, ils ont parfois des préjugés. L’année dernière, quand je faisais signer des pétitions, beaucoup d’élèves me disaient ne pas vouloir que leur nom soit lié à ça, alors, lors de chacune de nos actions, j’essaye de bien expliquer les choses et de motiver les gens en montrant qu’il n’y a pas de risques.

Eliot : À l’école, j’ai surtout du mal à mobiliser mes éducateurs et éducatrices, et certains camarades de classe. Ils ne comprennent pas tous que l’on s’intéresse autant à ce qu’il se passe ailleurs. Mes ami·e·s signent volontiers, tant que c’est anonyme. Ils ont plus de facilité à rejoindre des ONG qui dérangent moins qu’Amnesty International (rires). On passe souvent pour les « gauchos woke » à l’école.

Quelles actions ou projets avez-vous réalisés avec votre groupe Amnesty International ?

Eliot : On participe à PADAJA [« Pas d’accord, j’assume ! » un programme d’actions proposé par Amnesty International aux jeunes de Wallonie et de Bruxelles, ndlr]. Le thème de cette année, c’est le droit de la guerre. Dans ce cadre, on fait signer des pétitions et on distribue des affiches pour sensibiliser les élèves à la défense des droits humains en temps de guerre. On vend aussi des bougies en décembre et cette année, on va participer au concours d’éloquence organisé par Amnesty International et la Fédération d’éloquence belge (Felobel).

Anna : On anime des visites d’expositions d’Amnesty International pour les élèves, on se rend dans les classes pour présenter des situations de violations des droits humains, on organise la vente de bougies et on participe aussi au concours d’éloquence... Une série de projets pour lesquels j’essaie de mobiliser mes ami·e·s.

Quels impacts ont vos actions autour de vous ?

Anna : J’ai l’impression que les points de vue de ma famille et de mes ami·e·s ont évolué depuis que je leur parle de tous ces sujets. Ils et elles commencent à s’intéresser à la politique, et à des choses qui se passent en dehors de leur pays. Au niveau des actions aussi, le marathon des lettres marche très bien, c’est gratifiant de voir que ces lettres sont lues et d’apprendre que des personnes injustement emprisonnées ou accusées sont libérées et acquittées grâce à cette action. Ma mère est fière de moi et à l’école aussi je reçois des marques de reconnaissance ; j’ai même reçu le prix de l’engagement !

Eliot : Moi aussi mon entourage est fier. Mon grand-père m’a dit qu’il était hyper fier de moi, les professeur·euse·s aussi.

Y-a-t-il eu des événements marquants que vous avez vécu grâce à vos groupes Amnesty International dans vos écoles ?

Eliot : Oui, pour moi, c’était surtout la Journée Oxfamnesty. C’était vraiment intéressant. Le matin, on participe à des ateliers sur différentes thématiques, puis on assiste à un débat. On peut discuter avec les intervenant·e·s, qui sont très accessibles. Une année, j’ai rencontré Adélaïde Charlier, et elle m’a donné un lien vers un canal Telegram appelé « Le buffet belge », un calendrier qui regroupe toutes les actions en Belgique. Grâce à ça, je suis allé à une manifestation où j’ai revu Adélaïde, et elle m’a dit : « Toi, tu dois rejoindre Youth for Climate ! ». Depuis, j’ai rejoint le mouvement et j’y suis toujours.

Anna : Ce qui m’a le plus marquée, c’est le « Week-end des droits humains », surtout pour les rencontres ! La plus marquante a été avec le fils de Narges Mohammadi, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2023. Il parlait avec une maturité incroyable, on aurait dit qu’il avait 40 ans tellement il était réfléchi ! Ça m’a beaucoup touchée. J’ai aussi rencontré Shabnam Salehi, une femme afghane qui a dû fuir son pays en raison de ses actions pour défendre les droits des femmes. C’était incroyable de rencontrer ces personnes et d’échanger, lors de ce week-end, sur des sujets variés, comme la reconnaissance faciale pendant les JO. Toutes ces discussions et rencontres m’ont vraiment marquée.

Quelles sont vos ambitions pour l’avenir du groupe ?

Eliot : Mon objectif principal est de bien préparer la participation de notre école au concours d’éloquence « Une voix pour nos droits », je n’ai pas envie que ça floppe. Même si je ne suis pas sélectionné, je serai là pour encourager mes ami·e·s en demi-finale !

Anna : J’aimerais que le groupe s’agrandisse et qu’on intègre les plus jeunes, notamment les élèves de 1ère et 2e, qui sont déjà très motivé·e·s.

Pourquoi avez-vous rejoint le conseil des jeunes d’Amnesty International, et comment fonctionne-t-il ?

Eliot : J’ai vu sur le site d’Amnesty International Jeunes qu’on pouvait candidater pour rejoindre le conseil, et ça m’a directement attiré !

Anna : Moi, c’était après le Week-end des droits humains. J’avais vraiment soif d’agir, puis une organisatrice est venue en parler à mon groupe, j’ai dit oui tout de suite !

Eliot : Le conseil des jeunes se réunit plusieurs fois dans l’année, et l’équipe d’Amnesty International nous demande notre avis sur certains projets et nous sollicite sur certains sujets, comme la production de vidéos sur TikTok, pour laquelle on a réfléchi à des idées. Cette année, on va essayer d’organiser deux réunions en ligne et deux en présentiel. On propose aussi nos propres projets. Par exemple, avec les autres jeunes, on aimerait créer un podcast. C’est un échange : on nous demande des avis, mais on peut aussi porter nos idées personnelles si on est prêt·e·s à les réaliser.

Anna : Oui, ça marche vraiment dans les deux sens. On nous sollicite, mais on peut aussi amener nos projets et les développer avec le soutien des équipes d’Amnesty International.

Qu’est ce que ça vous apporte personnellement d’être dans le conseil des jeunes d’Amnesty, en plus de votre engagement dans un groupe-école Amnesty ?

Anna : Avec le conseil des jeunes, on se sent plus proche de l’organisation, on n’est pas juste dans un groupe d’école. J’ai l’impression d’agir réellement, que mon action est beaucoup plus concrète. En plus, on rencontre d’autres jeunes très engagé·e·s, donc je me sens moins seule dans mon engagement.

Eliot : On sent qu’on a un vrai impact, et on rencontre d’autres jeunes qui sont concerné·e·s et activistes. On a tous et toutes entre 16 et 21 ans donc on se comprend bien.

Quel message aimeriez-vous passer aux autres jeunes qui souhaitent s’impliquer dans la défense des droits humains ?

Anna : Je leur dirais que ce n’est pas si compliqué ! On n’a pas besoin d’être un·e expert·e en droits humains, tout le monde peut agir à son échelle. Nous ne sommes pas des « fous de l’activisme », mais des gens normaux !

Eliot : J’aimerais dire que l’engagement peut être fun tout en étant utile ! On s’amuse, on se fait des ami·e·s et, après une manif, on va manger ensemble. Il faut que l’activisme redevienne quelque chose de cool.

Est-ce que vous savez déjà ce que vous voudriez faire après le secondaire ?

Eliot : Moi j’adore la Belgique. J’aimerais bien travailler dans la diplomatie. On a un impact en tant que citoyens et citoyennes, mais avoir la possibilité d’être dans les institutions et faire passer les messages directement de l’intérieur, je pense que c’est très important aussi.

Anna : Mon rêve c’est d’être médecin, avec « Médecins sans frontières » par exemple. Vraiment dans l’idée d’aider les gens et de voyager !

Photos : © Amnesty International/ Pauline Arnould

Toutes les infos
Toutes les actions

Rejoins un de nos groupes-écoles actifs !

...

Je m’inscris
2025 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit