Plongée dans la guerre : un choix assumé
Pour Wilson Fache, tout commence en 2015, lors d’une première mission au Kurdistan irakien, au cœur de la guerre contre Daesh. Ce moment est déterminant : « C’est là que je me suis dit, ok, c’est exactement ça que je veux faire. » Depuis, il n’a cessé de couvrir les conflits majeurs du Moyen-Orient et d’Europe de l’Est, souvent aux côtés des civils déplacés ou pris au piège.
Rapidement, il choisit de vivre sur place : deux ans en Irak, des mois en Ukraine ou en Syrie, pour s’immerger pleinement dans les réalités qu’il raconte. Ce choix du terrain devient un véritable engagement : comprendre les gens, leurs souffrances, leurs espoirs, leurs contradictions.
Le métier de journaliste en zone de guerre : risques, apprentissages et évolution
« Au début, je prenais plus de risques, sans doute par manque d’expérience. » Il évoque des périodes intenses, comme la bataille de Mossoul, où les journalistes avaient un accès rare au front et où les dangers étaient donc plus importants. Aujourd’hui, il privilégie les sujets civils et culturels, tout en continuant à documenter les réalités des conflits, comme dans les tranchées ukrainiennes.
Quand on l’interroge sur la place de la peur dans son métier, il répond que ce n’est pas la peur qui le meut, et qu’il veille à être, sans cesse, très concentré, afin de se mettre en danger le moins possible. Il rappelle aussi que face à un journaliste gazaoui qui tente de documenter le conflit en ayant déjà du mal à se nourrir et à boire, la difficulté et le risque de son métier sont bien moindres.
Une grande sérénité se dégage de lui, qui partage, avec enthousiasme, son intérêt grandissant pour les histoires humaines : les résistant·e·s ukrainien·ne·s d’aujourd’hui, les civils devenus soldats par la force des choses, les personnes emprisonnées en Syrie puis libérées après des années de torture…« Mon travail, c’est raconter qui sont ces gens. Leur vie, leurs choix, leurs blessures » .
Quand on l’interpelle sur son expérience sur le front, il raconte : « Cela m’arrive rarement d’être véritablement sur le front, mais j’ai, par exemple, passé deux nuits dans les tranchées en Ukraine. C’était super intéressant parce que dans ce cas-là, on prend le temps de vraiment se poser, de s’asseoir avec ces soldats et de raconter vraiment qui sont ces gens, au-delà d’être juste des soldats qui tiennent des fusils. Qui sont ces personnes ? Quelle est leur histoire ? Pourquoi sont-ils là ? Que pensent leurs familles ? Quelle est leur vision du conflit ? Leur engagement ? Leur crainte ? »
Une parole rare, pour celles et ceux qu’on n’entend pas
Le jeune reporter de 32 ans insiste sur le sens profond de son métier : « J’aime apprendre. J’aime avoir une excuse pour poser toutes les questions. » Grâce à ses contacts et à sa connaissance fine des terrains, il donne la parole à celles et ceux qu’on entend rarement — civils oubliés, combattant·e·s involontaires, artistes engagé·e·s, enfants blessés par des mines. Il raconte qu’il est souvent bien accueilli par la population locale ou les forces armées. « Quand quelqu’un perd sa maison ou un proche, quand quelqu’un est blessé, souvent, cela lui fait plaisir qu’un journaliste s’intéresse à lui, et il arrive fréquemment que des choses très intimes et personnelles me soient livrées spontanément dans ce contexte, du simple fait de mon statut de journaliste. »
Il refuse l’idée d’une objectivité absolue, mais défend une éthique d’honnêteté, d’empathie et de rigueur : « Il y a un agresseur et un agressé, un occupant et un occupé. Ce n’est pas mon rôle de créer de fausses équivalences, mais de documenter, même quand c’est difficile. »
Un métier de terrain, une passion
La rencontre se conclut sur une note plus personnelle. Comment garder un équilibre entre vie professionnelle et personnelle quand on passe la moitié de l’année en zone de guerre ? Il évoque ses « sas de décompression » à Kiev ou Beyrouth, ses amitiés sur le terrain et à Bruxelles, son projet de livre inspiré de l’histoire de son grand-père résistant.
« Je ne fais pas ce métier pour me sacrifier. Je le fais parce que j’aime ça. J’aime écrire, rencontrer, comprendre. J’espère continuer longtemps ! »
Une rencontre captivante, qui a su inspirer le respect et l’admiration de tous et toutes !